Tout est parti d'un courage de rangement que l'homme a eu en fin de journée, lequel m'a donné l'élan de m'attaquer à mes propres tas.
Telle Frances Ha, "Je ne suis pas bordélique, j'ai mieux à faire". Et contrairement à elle, je ne dispose pas d'une belle énergie. Depuis l'automne dernier, moment des premiers froids je ne suis pas parvenue à dégager assez de force pour autre chose que le travail et mes activités de santé (les différents entraînements sportifs, le kiné ...) et l'écriture quotidienne, les photos. La tenue de la maison, déjà fortement compromise par les aventures précédentes, de l'inondation montante (2008 ?) au changement de vie (janvier 2009) et à cette étrange inclinaison que je semble avoir pour collectionner les chagrins puissants (tout le contraire de mes ... non, rien), est carrément partie à vau-l'eau et comme le faisait remarquer le fiston, Notre appartement, dans le fond, c'est comme un cagibi géant.
D'ordinaire j'utilise l'été et l'énergie que le soleil m'accorde pour remettre un minimum les choses en ordre de marche. Cette année les circonstances subies m'ont rendue de ce point de vue peu opérationnelle. Et donc voilà, aujourd'hui nous nous sommes attaqués chacun pour sa propre paperasse à 9 à 10 mois d'arriérés empilés.
J'ai soudain retrouvé deux agendas 2013, dont un qui ne me laisse aucun souvenir - je le soupçonne d'être un cadeau (mais offert par qui ?) de clientèle, ou que quelqu'un qui en disposait gratuitement m'aura dit en début d'année Tu en veux, je te le donne -. Je m'amuse à en faire un touite, histoire de faire sourire les amis qui le lundi soir de reprise ont un peu de blues rémanent. @annbaclene me répond alors, qu'elle utilise cette année un agenda de 1974 retrouvé inutilisé et dont les jours de la semaine coïncident avec 2013. @matoo repense alors à l'agenda 1946 de sa grand-tante, lequel est d'un modèle similaire à ceux que j'usais dans les années 80, j'envoie donc une photo avec le hashtag #avantlesblogs et alors il a cette idée qui va ensoleiller ma soirée :
Parce que soudain je suis rattrapée par l'envie d'aller y voir aussi dans mes documents anciens. Quand ai-je commencé ? Par quoi ? Je me souviens que dès le CE2 j'ai été marquée par la fuite du temps et l'imperfection de la mémoire, que mes premières velléités de lutter contre doivent dater du CM1 (grâce à Madame Banissi, mon institutrice inoubliable, et à Marcel Pagnol et ses souvenirs d'enfance qu'elle nous fit découvrir). Et ce que je retrouve assez vite c'est un agenda de l'année 1973/1974, uno diario car je les achetais ou on me les offrait lors du voyage annuel familial en Italie.
J'ai dû choisir celui-là parce que j'aimais les animaux, totalement inconsciente du fait qu'il s'agissait de signes du zodiaque. J'ai déjà dans l'idée d'y tenir un carnet de bord mais écrire est long quand on a dix ans et les journées d'école puis les devoirs puis le piano puis de devoir apaiser l'inévitable dispute quotidienne des parents (quand la soirée n'est pas perturbée par l'irruption de la voisine que son mari alcoolique battait) (et sauf les soirs de matchs : mon père s'installe devant SA télé, ma mère fuit le foot, ma petite sœur se couche tôt et moi je vaque à ma petite vie jusqu'à l'âge où je parviens à obtenir le droit de regarder "le début", puis "allez, la première mi-temps, je vais me coucher à la mi-temps" puis grâce à Saint-Étienne le droit de me coucher tard les soirs de football (mais seulement ceux-là)) tout ça remplit en entier le temps. Difficile d'écrire (déjà le même problème) (et toujours pas de solution).
Il me faut donc un fait divers pour me décider, et pas n'importe lequel :
Ce n'est pas très lisible mais en date du "giovedi 20 settembre" j'avais écrit en soulignant certains mots "3h du matin : essence volé à la mille".
Et est-ce parce que j'avais noté, je m'en souviens très bien : en pleine nuit la police qui sonne, est-elle à vous cette voiture (il s'agissait d'une vieille Simca Mille dont ma mère disposait pour les trajets quotidiens, dont ceux de conduite à l'école, laquelle était à environ 2 km de la maison) ? et à la réponse de mon père par l'affirmative, on nous avait appris que des gars venaient d'être pris en flagrant délit de siphonage (1). On sut assez vite qu'il s'agissait du fils d'un voisin, lequel vint plus tard présenter excuses et offres de remboursement. Je me souviens des discussions, celles-ci constructives, entre mes parents, l'un comme l'autre s'interrogeaient sincèrement sur la conduite à tenir quant à un éventuel dépot de plaintes, et mon père, se sentant sans doute un peu l'étranger et considérant que sa femme devait être plus au fait de ce qui se faisait ou non, pour une fois ne considérait pas que c'était l'homme qui savait. En fait ils étaient un peu soulagés : depuis quelques temps ils trouvaient que la voiture consommait vraiment beaucoup, envisageaient de s'en séparer, et voilà que la mécanique n'était plus en cause, mais un ado en manque d'argent. J'ignore ce que fut leur décision finale : en ce temps-là on renvoyait les enfants à leurs affaires lorsqu'ils posaient trop de question sur la vie des grands.
Le surlendemain de cette aventure - être réveillés par la police en pleine nuit ça n'était pas rien - je note que je mesure 1,31 m et ma petite sœur 98 cm -.
Ma première entrée conséquente concerne un remaniement scolaire, avec noms et schéma. Ça devait sans doute être très important pour moi.
Le reste des notes concerne : les anniversaires, nombreux, auxquels j'étais invitée, ce qui devait poser, je n'y songe qu'à présent, de petits problèmes budgétaires à force, un relevé de notes
On découvre aussi la naissance d'une vocation :
et la fin d'une autre, par décret parental (ce que, déjà méfiante quant à des regards intrusifs potentiels sur mon agenda, à l'époque je ne précise pas, tout mon chagrin est dans le "Nathalie continue", atténué par le fait que je suis contente pour qu'elle, contente qu'elle au moins puisse continuer)
Si mes parents n'avaient pas été aussi étriqués, je serais peut-être une grande actrice à l'heure qu'il est - je garde un souvenir ébloui de ma période d'essai, en gros jusqu'au jour où on m'a dit, si tu veux continuer il te faut l'autorisation de tes parents (et sans doute aussi un peu une cotisation) -. Ma mère, qui pourtant dans sa jeunesse avait fait du théâtre amateur, n'avait rien voulu savoir. Et mon père pensait que faire du théâtre n'était pas convenable, en admettant que jeune fille je continue.
Il y a aussi plein d'entrées qui se résument à ça :
ce qui eut pour conséquence l'année suivante la fin de ma vocation de nageuse. Celle-ci me tenait tant que j'ai noté en les numérotant toutes mes séances d'entraînement. À 10 ans.
Il est troublant de remarquer que déjà à cet âge, je n'arrêtais rien par moi-même, subissant les fins. Quand quelque chose ou quelqu'un me plait c'est très stable et je m'y tiens, mais interviennent toujours des éléments extérieurs pour mettre fin à ce qui pour moi était heureux, satisfaisant ou prometteur. Il me faut apprendre à voir l'aspect positif de cet état de faits : je sais reconnaître ce qui me convient, aimer de tout mon cœur et une fois la décision prise m'y tiens jusqu'à ce que vents et marées soient plus forts que moi. Et au besoin, comme pour la natation ou récemment pour le football, j'y reviens dès que la voie est libre. Avec cet esprit de compétition très développé mais particulier (2) : en toutes choses tenter de devenir le meilleur de soi-même, d'aller jusqu'au maximum que ce que nous permettent les circonstances et nos capacités. Peu importe si le voisin est meilleur ou moins bon, de toutes façons il ne partait pas avec les mêmes handicaps et atouts. Ça fait presque un peu peur d'avoir si peu changé.
Mais j'aimais quand même assez bien avoir congé aussi :
Merci encore à Matoo pour l'idée de retrouver les premiers carnets, c'était amusant et très instructif. Réconfortant aussi.
PS : J'ai peut-être déjà publié un billet sur ce même sujet, mais ne l'ai pas retrouvé. Peut-être était-il resté à l'état d'intention.
(1) Je crois qu'à l'époque les réservoirs des petites voitures ne fermaient pas même à clefs. Les ceintures de sécurité venaient tout juste en France d'être rendues obligatoires (à l'avant) et les appui-têtes n'existaient que sur certains modèles.
(2) Sans doute celui de tous ceux qui ne sont pas nés de tout à fait pleine santé