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Le questionnaire de Sophie Calle - sept ans après

 

Période délétère porteuse de tant de fins, au travail comme ailleurs. Je passe du temps à préparer des caisses de livres que l'on renvoie, il n'y a plus assez de clients. Ces retours se font désormais sur un rythme impitoyable, et je m'attriste que certains ouvrages partent sans qu'on ait pu les défendre vraiment.

Ainsi ce volume pour lequel Sophie Calle, qui est quelqu'un que j'aime et dont le travail me touche, a répondu à quelques questions.

 

Par ricochet j'en suis venue à retrouver son questionnaire et me demander si aujourd'hui, sept ans après et un cycle complet dans ma vie plus tard, je répondrais de la même façon.


Il y a dix ans aujourd'hui que j'ai écrit mon premier texte. Je préparais le gâteau d'anniversaire de mon fils, tard le soir après le travail et afin qu'il fût prêt pour le dîner du lendemain. La semaine précédente, par la suite d'un joli enchaînement de circonstances dans lequel elle n'était pas pour rien, j'avais participé à un tirage au sort qui m'avait permis de gagner un home cinéma. Alors en attendant que le gâteau cuise, et dans l'idée de ne pas m'endormir et le laisser cramer, j'ai voulu envoyer à mon amie la plus proche un message pour lui raconter ce qui m'était arrivé de joli.

Ce n'est pas un message, mais un texte qui est venu.

Cinq mois plus tard, elle me mettait le pied à l'étrier. Six ans après, je parvenais à quitter le job alimentaire nécessaire à payer notre logement, toutes dettes apurées.

J'ai depuis la chance de travailler comme libraire, c'est un métier que j'aime, que je peux exercer tant qu'il existe encore.

Il n'empêche qu'il est temps désormais que je me consacre entièrement à mon travail. J'ignore si économiquement je pourrai. Je n'ai plus l'âge d'être raisonnable.

 

 

Le questionnaire de Sophie Calle

 
 
 Quand êtes-vous déjà mort ?

 - Lorsque mon amie intime, ma presque soeur, sans signe avant-coureurs ni explication m'a dit qu'il serait préférable qu'on ne se voie plus.

- Lorsqu'avenue de Clichy que je descendais en vélib, une voiture devant moi sans non plus le moindre signe avant-coureur ni regarder qui venait en face a entrepris un demi-tour soudain. J'ai eu le temps de penser "Par-dessus ça peut pas", de tenter un zig zag d'esquive de la dernière chance (tenter de freiner était inutile), d'entendre des gens sur le trottoir hurler. Je dois mon salut aux réflexes et aux bons freins du conducteur qui venait en face et a failli se manger, alors qu'il n'avait rien à se reprocher, et une voiture et un vélo. Depuis, j'ai un peu peur de n'avoir pas assez peur de la mort.
 
- Des moments de maladies ou de douleurs si intenses que l'on croit que tout est fini, qu'on va y passer. Mais j'en ai à présent traversés suffisamment pour savoir que ça n'est pas si facile ni simple de passer de l'autre côté.

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le livre que je n'ai pas fini (réponse 2006).
Elle reste valable avec, jusqu'à récemment, l'espoir de (re)voir quelqu'un que j'aimais.

      
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
 Ma vie les a pour la plupart totalement dépassés, je ne m'étais sans doute pas autorisée à en faire assez. La gosse que j'étais en est tout épatée
(mais beaucoup moins ma banquière).

         
Qu’est-ce qui vous distingue des autres ?
ma vitesse de lecture et un certain sens de l'orientation (sauf lors des enterrements qui me déboussolent). (réponse 2006 toujours d'actualité)
J'y ajouterais désormais d'avoir une condition physique qui (pourvu que ça dure) s'améliore en vieillissant.
   
   
 
Vous manque-t-il quelque chose ?
la confiance en moi (réponse 2006, toujours vraie) et en les autres (ajouterais-je quelques déceptions plus tard)
Et quelque chose de l'amour.

 
Pensez-vous que tout le monde puisse être artiste ?
Je n'en sais rien. En revanche je sais que si on l'est mais en n'étant pas né au bon endroit au bon moment ni du sexe favorable, on est mal barrée (réponse 2006, toujours OK).
J'ajouterais que je sais désormais que certaines personnes ne souhaitent surtout pas l'être, même si leurs aptitudes les y autoriseraient. C'est trop dangereux, risqué.
 
  
D’où venez-vous ?
from outer space, no doubt about it (réponse 2006, unchanged)
      
 
Jugez-vous votre sort enviable ?
Oui, malgré le chagrin
 
A quoi avez-vous renoncé ?
Il faudrait que je renonce au sexe mais, encore en forme, je n'y parviens pas.
J'ai à peu près renoncé à tout espoir de bien gagner ma vie, je compte sur la chance.
   
 
Que faites-vous de votre argent ?
 Il est dépensé avant que d'atterrir sur mon compte, essentiellement en remboursement de crédits immobiliers, impôts et charges de vie courante. (réponse 2006, inchangée)
Je pourrais sans problème dépenser mon salaire en bouquins
 Ce problème fut résolu par le fait d'être libraire et d'accéder à la BNF.         
 
Quelle tâche ménagère vous rebute le plus ?
Toutes sans exception (et ce n'est pas le père de mes enfants qui me contredira). (réponse 2006 et rien n'a changé)
 
    
Quels sont vos plaisirs favoris ?
Rire, lire, écrire, photographier, passer de bons moments avec ceux que j'aime, nager, aller au cinéma, écouter de la musique, chanter, voyager. (réponse 2006, toujours valable)
J'aurais tant aimé ajouter faire l'amour.
   
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je n'ai plus aucun rêve matériel. Du temps à ma main, de la bonne santé, de l'amour à bonne hauteur.

    
Citez trois artistes vivants que vous détestez.
J'ai du mal à détester les gens en général et les artistes (les vrais, pas les vendeurs de soupes industrielles) en particulier.
Il faudrait pour ça qu'ils aient fait du mal à quelqu'un que j'aime.
(réponse 2006, n'a pas bougé)
      
 
Que défendez-vous ?
les vieilles valeurs féministes, humanistes, démocratiques, non marchandes, de tolérance, de partage et de préservation de cette planète, si désuètes et méprisées.
(réponse 2006, n'a pas bougé mais est devenue encore plus d'actualité)
J'ajouterais en 2013 le mariage pour tous et le droit de pouvoir choisir de mourir dans la dignité.
    
 
Qu’êtes-vous capable de refuser ?
n'être qu'une amie pour un homme qui m'a donné envie de l'aimer.

      
Quelle est la partie de votre corps la plus fragile ?
Voilà qu'à présent je n'ai plus de fragilités particulières (ça alors !). Vive le sport et le fait d'exercer un métier un peu physique.
   
 
Qu’avez-vous été capable de faire par amour ?
(presque) mourir et plusieurs fois (réponse 2006, hélas toujours valable)
    
Que vous reproche-t-on ?
De ne pas tenir compte de ce qu'on ne m'a pas dit.
De ne pas laisser les autres abuser de ma gentillesse au delà d'un certain point.
(très ponctuellement : d'avoir laissé pendant 4 heures un blog confidentiel sans protection)

   
A quoi vous sert l’art ?
à être humain.
   
 
Rédigez votre épitaphe.
« C'est dommage, y a pas l'internet» (réponse 2006, mais peut-être que depuis, l'enfer s'est équipé ?)
"Profitez du bon, c'était maintenant".
    
   
Sous quelle forme aimeriez-vous revenir ?
un fantôme favorable (réponse 2006, inchangée)
   
   
addenda du 07/07/13 : à la réflexion à la question qu'aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire, je remettrais peut-être le vélo de 2006 mais d'un modèle acceptable pour faire du triathlon ou, pour rêver, des Ondes Martenot.
(je suis tombée vendredi soir amoureuse de l'instrument - hélas coûte une fortune même dans sa version numérique qui est encore abordable -)


I'm afraid I'm also loosing one of my secret unknown sister

 

Peu après sa sortie, en 1983 peut-être, j'avais découvert (en plus il me semble que c'était un bondissement de librairie : le livre qui vous fait coucou de la table sur laquelle il est posée) "The secret diary of Adrian Mole aged 13 3/4". 

Il est resté à ce jour un de mes livres de chevet. Le narrateur se débrouille dans la vie aussi mal que moi, a cette tendance à aider son prochain qui fait qu'on se met dans les pires galères, une logique impeccable et donc handicapante (1), est le parent de ses parents (ça, ça m'a rappelé des trucs), et quand le chagrin déborde retourne vers la grande littérature ou vers ses "Abba records" pour se consoler - ça alors, madame Townsend, comment elle savait ? -.

Au fil des ans des suites étaient parues, que je n'ai pas toutes lues, le bonheur de la découverte n'y était plus ; Restait le soulagement qu'Adrian me donnait de me sentir moins seule et l'humour de sa créatrice si proche du mien.

Voilà que réécoutant un brin de Abba, dont l'efficacité de réconfort persiste malgré les années (2), j'ai voulu ajouter le clin d'œil de l'allusion au jeune héros, puis me suis souvenue d'un reproche qu'on m'a fait d'être parfois trop cryptique dans l'emploi de références culturelles, en plus qu'on a celles de nos âges, les miennes sont donc un tantinet déphasées.

Alors j'ai voulu ajouter un lien vers Adrian et suis tombée sur cet article du Telegraph déjà daté, dont un passage m'a fendu le cœur.

"Townsend, who is 66, suffered a stroke at Christmas, which she said affected her memory and made it "difficult to get the tongue around words". The author is also a wheelchair-user, and registered blind as a result of diabetic neuropathy. In 2009 she underwent a kidney transplant. Townsend added that she "would not go on to make old bones."

De plus son site n'est plus accessible.

Il y a comme ça des périodes dans lesquelles mêmes les habituels petits réconforts sont producteurs de mauvaises nouvelles. Mes vingt ans "d'Usine" me donne l'impression à la fois d'avoir énormément pesé (physiquement) et de n'avoir pas été vécus - fors les maternités -. Un peu comme si je m'étais déposée à l'entrée et retrouvée à la sortie.

 

(1) Étant donné que les 3/4 des êtres humains sont irrationnels, lorsqu'on est logiques et de comportements et de pensées, on se sent perdus, déplacés, et on se retrouve souvent désemparés.

(2) Trop occupée à travailler, j'ai dû rester bloquée vers 15, en fait. 

 

Bonus track : un extrait par ici, mais qui n'est pas le plus drôle. Il donne quand même une petite idée de l'ensemble.

 


Cochise ou pas loin

 

Julien Delorme était dans une forme éblouissante vendredi soir à la librairie Charybde, qui nous présentait les livres qu'il souhaitait nous faire découvrir parmi ses préférés. On aurait volontiers tout acheté.

À l'inverse de lui, j'étais décalquée, la tête à l'envers, lost without translation. 

Mais son enthousiasme m'a permis de suivre. Malgré tout.

Sauf qu'à la façon d'un être fatigué. 

Ainsi je suis restée un moment persuadée que le livre "Hell Fire" de Nick Toshes et que je suis ravie grâce à lui de lire aujourd'hui (1) était écrit par un certain Tochize dont l'existence m'étonnait.

À ma décharge : j'ai découvert récemment le travail de Paul Colize dont le "Back up" m'a régalée. Alors mon cerveau patraque a procédé par assimilation.

Vous avez le droit de rigoler.
(Ça me pourrait me consoler) 

 

(1) Oui je sais, c'est pas bien, j'ai un monceau de lectures pro en attente, mais j'ai besoin de me faire plaisir aussi.

 

PS : Pendant que me voilà à parler des fameuses soirées "Libraire d'un soir", voici l'enregistrement de celle de Nicolas Richard que j'étais désolée de manquer (encore un sale coup du manque d'ubiquité)


Una giornata particolare

 

spéciale dédicace à Florence pour qui ça ne devait pas être évident, ce jour particulier

 

Il y a eu cette profonde mauvaise nouvelle, arrivée dans la nuit, en voir la trace au réveil, s'en douter, le coup de fil du matin qui confirme. Quand on n'est pas directement concernée, si c'est quelqu'un qu'on aime qui l'est, on s'y sent quand même.

 

Il y a du vent, des rafales, de la pluie. Lorsqu'elle se calme c'est une chorale qui profite d'un interstice du programme officiel et enchaîne titres sur titres, alors il faut attendre.

 

Je fais de mon mieux, le livre est un des plus prometteurs de l'année, j'ai froid, le cœur étreint ; des gens malgré le vent sont restés écouter. L'auteure lit fort bien. Et je suis très heureuse d'avoir fait sa connaissance. J'espère que nous nous reverrons.

 

Seul regret : de ne pouvoir s'accorder un peu de temps après. Mais sur le stand c'est non-stop. On a seulement pu partager un verre.

 

Je rêvais d'un vin chaud.

 

Les passants qui viennent remercier le réalisateur pour son film ; j'ai tenté de le faire maladroitement avec mon italien bancal de qui ne va plus assez souvent au pays, car de tous les films vus cet hiver c'est celui qui m'a le plus durablement bouleversée.

 

J'apprends une nouvelle surprenante concernant juillet - à voir -. Trop de dimensions s'affrontent en même temps, je ne parviens plus à passer de l'une à l'autre, mon fils à mon retour m'explique Dr Who et je me dis Y a de ça.

J'apprends un autre truc, plutôt amusant, concernant la réaction intelligente d'une auteure qui attendait.

Il semblerait que les grévistes CGT de la bibliothèque aient joué dans ma vie part tragique le rôle du chœur grec. J'ai corrigé le tir dès qu'on m'a signalé qu'il y avait un problème. Ne sais que penser. Un côté force du destin - fatalité -. Quatre ou cinq heures d'une anomalie et il a fallu que quelqu'un tombe dessus. L'impression de ne pas pouvoir lutter. D'avoir trop souffert pour en plus résister aux vents contraires. Je suis au bord de croire aux dieux de l'Olympe qui règlent leurs propres comptes à travers nos existences de petits humains.

L'argument amical : Si on t'avait fait du bien, ça ne serait pas arrivé. 

Nous parlons longuement de cinéma italien, et finalement moins de brandade de morue (mais c'est un peu dommage) ; Florence n'oublie pas la fontaine penchée.

Des cailloux sur la nappe afin d'empêcher qu'elle ne vole. Des livres posés aussi dans les angles.

Un micro sans pile puis avec une pile, au passage voir le commissariat tout brûlé, bâtiment encore debout, certes, mais ça impressionne. Y reste-t-il la carte d'identité nouvelle qu'un ami devait venir rechercher ? (pire fatalité l'incendie que des grévistes inattendus).

Depuis le vol si absurde de mes clefs, des pastilles pour la gorge et des mouchoirs en papier, je vois des pickpockets partout. Ça n'est pas pour rien dans mon erreur de la veille, vite replier l'ordi, ne pas le laisser sur la table non surveillé.

 

Le cours de danse fut particulièrement fatiguant, notre professeure remarquant immédiatement que j'avais la concentration prise par tout autre chose - les questions, les conditions matérielles de la présentation du livre, malgré le mauvais temps -.

  

Il pleut, il pleut, il pleut tout le temps. Et ce vent. Je range mon chapeau mes cheveux en profitent pour soigner leur indépendance. Renoncer à les discipliner.

  

Je revois un ami un peu perdu au gré de nos trop nombreuses vies. C'est avec lui le cinéma italien aussi.

Un rayon de soleil à l'instant où nous choississons de prendre la parole malgré la-chorale-qui-n'en-finit-pas. Un rayon d'encouragement ?

Je trouve mes questions lourdes, pour certaines un peu bêtes. Difficile ne de pas trop dévoiler pour qui n'a pas encore lu, mais dire assez pour ne pas les rebuter et leur donner envie, sans pour autant trop ennuyer les lecteurs déjà avertis.

 

Il y a ce moment, à la fin de tout, où la fatigue est telle que repartir semble impossible. Mais repartir ensemble, non. Métro. Trois puis deux puis un. Sur l'élan je rejoins mon nord-ouest. N'habiter que là.

  

Je crois que je vais rêver d'une chorale qui ne s'arrête jamais.

  

L'écriture de Jon Kalman Stefànsson me parle à l'âme. J'espère pouvoir relire un passage de son plus récent roman avant de sombrer dans le sommeil. Peut-être qu'alors la chorale chuchoterait. 

 

[billet en vrac et non relu, manque le chauffage]

PS : Pas de photos pour l'instant, ordi saturé.

Lire la suite "Una giornata particolare" »


Rendez-vous demain, samedi

 

Rendez-vous demain samedi à 17h30 devant la mairie du XIIIème dans le cadre de la semaine italienne organisée pour la partie littéraire par La Libreria

Programme complet par là

Il y sera question en sa compagnie du livre d'Ilaria Gremizzi "Les nigauds de l'oubli et autres saloperies" (Castor Astral avril 2013), un ouvrage auquel ne manquent que les #hastags (mais pas les notes de bas de pages).

 

 


Ce que disait Joël

 

 

Mon ami Eduardo est doué pour poser en entretien les bonnes questions, celles qui sortent un peu de l'ordinaire d'une campagne de promotion, puisque c'est ainsi qu'on traite les livres à présent, des produits qu'il faut placer et l'auteur en VRP de son propre matériau - gare à qui écrit parce qu'il est silencieux, au trop timide, à celle qui que l'on trouve vieille, ou pas assez jolie -. Avec lui les invités parlent un peu d'autres choses.

Ainsi, Joel Dicker en était venu à parler d'une vocation de comédien qu'il avait cru avoir, et dans laquelle il franchissait les premières étapes, là où d'autres déjà échouent, mais qu'il s'était rendu compte que ceux qui suivaient les mêmes cours étaient prêts à y consacrer et leur âme et leur vie, tous leurs jours et leurs nuits, alors qu'il demeurait dans le niveau raisonnable de la pratique d'un métier espéré.

En regardant et écoutant ce groupe qu'il a partagé ce matin, je me rappelle ses mots et suis saisie de cette conscience aïgue qu'il en est de même pour moi concernant la musique et le chant - mon niveau de pratique me permet d'apprécier le travail des autres, mais "ce" n'est pas "ça" pour moi - et combien l'écriture est ce qui me tient, la seule activité pour laquelle je me sente très exactement dimensionnée, que je peux tenir des heures de rang sans en avoir conscience autrement que par mon dos et mes fesses qui viennent à protester.

Le problème : on ne gagne pas sa vie en écrivant ou si rarement, et je me suis réveillée trop tard, après une première vie.

(et il me faudrait faire des films, aussi).

Il n'empêche que l'idée vaut : on peut apprendre ce pour quoi on est fait par l'écart perçu entre l'intensité qu'on est capable de mettre dans cette activité par rapport à d'autres qu'on aime pratiquer, et dans lesquelles on peut de prime abord également fort bien se débrouiller. Merci Joël pour cette pensée qui guide et qui aide à tenir quand la vie nous blesse, quand le reste atteint.

[billet écrit dans une bizarre combinaison de chagrin et d'épuisement, j'ignore si je le conserverai]


Titillée par le triathlon

 

C'est aux 24 heures Vélib auxquelles un touiton enthousiaste m'a encouragée à participer. J'ai effectué mes 10 petits tours vite fait et, restée sur ma faim, avant de repartir observe le travail de l'atelier.

Une femme s'est placée près d'un mécanicien et lui demande des détails sur sa technique pour réparer rapidement un pneu crevé - ce qu'il était en train de faire et ce pour quoi je l'observais, j'aimais le côté efficace et brefs des gestes que l'on sent cent fois répétés -. Visiblement elle s'y connaît, mieux que moi qui pourtant sais me débrouiller (si j'ai le matériel minimal requis). Il est tout aussi visiblement sous le charme et répond avec précision.

Certains hommes ont du goût.

Elle est en tenue de sport et son corps est parfait : ni maigre ni gras, musclé par une pratique que l'on devine effective et non survitaminée (1), bronzée là où l'on bronze lorsqu'on passe du temps dehors sans jouer les escalopes étendues à rissoler. Il émane d'elle une grande énergie calme.

À un moment elle précise quelque chose qui entraîne la remarque :

- Vous vous préparez pour une compétition ? (pas même vraiment une question)

Elle répond : - C'est pour un ironman.

Avec le type nous échangeons un regard d'admiration.

Je ne serai sans doute jamais capable de courir un marathon, je pense que les articulations de mes genoux ne seraient pas d'accord. En revanche j'aime nager, je suis assez résistante en vélo et je pense raisonnablement pouvoir être capable de courir 20 km l'an prochain (mais lentement).

Me voilà titillée par la tentation du triathlon. 

Seulement il me faudrait une vie sans autre contrainte professionnelle que l'écriture, car si je peux à force de travail étendre les miennes elles sont limitées ; et, ça, je ne vois pas comment. Et puis en pratique, j'ignore aussi comment m'y prendre. Et j'ai très peu d'argent. Il me faudrait aussi savoir s'il en existe des petits (20 km de course, 70 de vélos, 2 km de nage, par exemple) et dans des endroits chauds.

 

 

(1) Genre gym en salle et tablettes de chocolat, mais qui me donnent l'impression d'être un brin fictives et que leur porteur serait incapable d'effectuer un travail de force une semaine de rang.

 


Ironie du sort

 

C'est alors qu'il te faut changer de vie, oublier pour te protéger,

Photo133que dans Paris une campagne de publicité omniprésente se déchaîne, qui ne peut - certes sans le nez Prince Charles ni l'effet des années - que te rappeler celui qui te trouve encombrante désormais.

 

Ne pouvoir s'empêcher de se demander si l'homme jeune de l'affiche - peu importe qui il est, il ressemble aussi suffisamment à son père pour n'être pas un fils caché - lui aussi utilise l'attraction qu'il exerce pour utiliser son monde ; si son élégance d'apparence n'est qu'un leurre pour une absence d'élégance dans le comportement. Ce qu'effectivement tendent à faire les gens séduisants (pourquoi se gêner, la faiblesse des autres se doit, n'est-ce pas, d'être exploitée) ; mais justement parce qu'on est faible on avait cru, pauvres Bécassines, rencontrer l'exception.


Avoir attendu la dernière quinzaine avant l'événement qui se préparait et que j'avais contribué à monter, qu'il soit trop tard pour annuler (1), attendu que j'aie dûment joué les attachées de presse par ailleurs et avec succès, pour me prévenir qu'il était temps que je m'éloigne, c'est briser la confiance que j'avais.


Curieux amour que cette nouvelle histoire qui ne semble pas rendre heureux celui qu'il concernait et dont les expressions d'épuisement et de peine, la solitude, face au travail en particulier n'avaient pas changé. Ou alors c'est pire : il y avait intentionalité à cacher le bonheur qui naissait.


Je dois à présent entreprendre le pénible et long travail d'admettre que les attentions, les mots doux et tendres étaient creux et vains ; ou à péremption ultra-rapide comme sur le net certains accès. Je sais désormais que les regards de certains hommes ne correspondent à rien.

  

Malgré l'oubli que la ville elle-même ne semble pas vouloir m'accorder, il faut que je parvienne à tourner la page et que je cesse de croire qu'auprès de qui que se soit je puisse être Celle qui (2), y compris quand tout y est sauf une petite part de très physique attrait.

 

(1) Et quand bien même, les autres personnes concernées ne sont pour rien dans ce qui survient.

(2) Non pas tant que j'aie besoin d'exclusivité, mais au moins de n'être pas que le personnage secondaire qu'on élimine systématiquement après que la jeune première est entrée et sans même penser à mettre un peu de respect dans la brièveté du délai.