Faites donc comme moi au lieu de râler : amusez-vous partout
31 mars 2013
Ce long et beau billet de Mona Chollet (1) m'a révélé enfin de façon claire et nette ce qui coinçait au sujet de l'internet, des messageries et des réseaux sociaux, plus particulièrement ces derniers, auprès de bons nombres d'amis, surtout les moyens jeunes d'entre eux (2) : la plupart des mécontents ou réticents du net le sont pour une conception qu'ils en ont qui ne pourrait être qu'addictive. Être branchés en permanence, consulter son téléphone tout le temps (3), vouloir sur les réseaux (ou : se sentir obligés de) être de toutes les discussions tous le temps - et les sujets de débats acharnés entre les révolutions méditerrannéennes, le machisme toujours prégnant, le mariage pour tous et quelques autres ne manquent pas -.
Alors c'est évident que vu comme ça l'internet devient chronophage.
Chez moi, l'internet s'il a pris du temps sur quelque chose c'est sur la télé (et les tâches ménagères : ça m'a aidé à prendre conscience qu'il n'y avait aucune raison que parce que femme et mère de famille je n'ai plus de temps libre alors que les autres membres de la famille une fois rentrés du travail ou des cours trouvaient normal de se reposer ; à présent moi aussi (et on vit dans un grand cagibi. Au fond si l'internet est responsable d'un truc, ce serait des maisons mal tenues)).
Quand auparavant je m'affalais devant une série sur le canapé, je m'installe dans ma calme cuisine devant l'écran de l'ordi et j'y prends des nouvelles du monde et des amis.
Je n'y suis pas toujours. De même qu'à mon travail je ne me connecte que lorsque c'est (hélas) (trop) creux.
Mais quand je suis là, je prends plaisir aux échanges, m'informe bien plus vite et bien plus librement qu'autrefois (4), mon corps est certes seul, au repos dans son coin mais mon esprit, souvent moins fatigué, est heureux de pouvoir encore partager. L'internet au lieu de me prendre mon temps me permet de démultiplier celui que je passe avec mes amis. Et d'ailleurs je n'en passe pas moins avec eux dans la vraie vie : j'ai la chance de vivre dans une grande agglomération, ceux qui n'y vivent pas y passent. On se voit.
Il est vrai que de fait sur les réseaux sociaux je suis peu présente ou n'y suis qu'en apparence (5), manque beaucoup de ce que les uns ou les autres ont pu publier, réponds peu aux sollicitations débatives, à cours de temps plutôt que d'arguments ; bref, souvent c'est un peu comme si je quittais le café des copains en m'éclipsant tout soudain. Mais ceux qui sont mes vrais amis le savent : mes contraintes de travail et la force de mon sommeil. Aux autres je ne dois pas beaucoup manquer, je ne vois pas pourquoi ce serait le cas.
Et d'ailleurs, des forums je m'abstiens sauf pour ceux d'échanges techniques, dont j'ai parfois besoin.
Il m'arrive aussi, comme tout le monde, d'être rattrapée par quelque chose qui me plait tant que j'y passe un temps imprévu : ce fut jeudi matin le cas avec ces supercheries littéraires. J'ai d'ailleurs failli arriver en retard au travail ... mais l'âme réjouie.
Dans l'information twitter est remarquable pour l'instant (6), à condition d'avoir soigneusement choisi ceux qu'on suit.
Autre point difficile à expliquer à ceux qui sont réticents : plus encore que d'autres réseaux, twitter est ce que nous en faisons, ce que j'y vois, n'est pas ce que tu y vois, ma Timeline n'est pas la tienne, je suis certaines personnes, toi d'autres. Si tu as mal choisi les tiens, tu trouveras twitter débile et les gens déprimants. Ma TL est un bonheur, malgré quelques prises de risques volontaires (afin de suivre ce qui se passe aussi chez ceux que je n'apprécie pas, façon aussi d'être moins prise par surprise par certains déferlements de connerie) et des erreurs aussi (7) ; si l'humanité était à son image, la planète serait sauvée et tout le monde y vivrait sans haine, en paix.
On y plaisante aussi beaucoup. C'est pour l'instant le meilleur endroit que j'ai trouvé pour y lâcher mes bouffées d'humour noir, assez peu partageables à tous vents dans un monde où le politiquement correct a fait des ravages. Le monde étant ce qu'il est il m'arrive de craindre d'être prise au premier degré. Généralement ceux qui me suivent sur twitter sont équipés du second - ou alors ils se rendent compte à un moment de leur erreur et me "défollowisent" ou d'ailleurs ne s'en rendent pas compte et croient que je pense sérieusement n'importe quoi et me dé-suivent aussi, ou m'insultent et puis s'en vont -.
Une autre clef de l'usage du net est là : il convient de ranger toute susceptibilité au vestiaire. S'y exprimer s'est comme publier un livre : on s'expose à être lu y compris par ceux à qui nos propos ne sont pas destinés : soit qu'ils les comprennent tout de travers, soit qu'ils aient à ce point des valeurs et une grille de lecture du monde différente de la nôtre que nos dires leur font outrage. Des lors qu'on est un peu lu, qu'on sort du cercle des proches bienveillants, fatalement on suscite des réactions déplaisantes ou déplacées.
Issues d'illustres inconnus, il faut les ignorer, sinon on y perd de l'énergie et du temps. Ça ne me demande pas d'efforts, je ne suis touchée que par les remarques de ceux que j'aime ou que j'admire ou les reproches dont je m'aperçois qu'ils étaient fondés (c'est rarement le cas de ceux émis par les trolls insultants). Pour le reste, Live and let die. Effectivement pour certains de mes amis qui ont leur amour propre, ça demande une sorte d'apprentissage, visiblement (8).
Et ils reprochent alors aux réseaux sociaux les attitudes basses et sans respects de certains de leurs usagers. C'est un peu comme si l'on reprochait au coin qui pue d'un square d'être le lieu, souvent tranquille, qu'ont choisi certains pour s'y soulager.
Je dois beaucoup à l'existence démocratisée de l'internet, certaines difficultés de ma vie ont été surmontée grâce à mes amis rencontrés ici. Sur les réseaux sociaux je m'amuse et m'informe. Plutôt que de leur reprocher nos défauts de partout, il n'est pas très difficile d'en avoir un usage pragmatique, modéré et gratifiant.
Et à part ça, je continue tant que la vieille poste existe à un tarif accessible à mener paisiblement quelques lentes correspondances en papier. Pour le plaisr d'écrire et d'échanger dans la plus grande tranquillité.
Ça ne saurait durer parce qu'un jour où l'autre l'un des canaux sera jugé si peu rentable qu'il sera abandonné ou rendu trop onéreux d'accès, mais il ne faut pas oublier qu'en cet instant précis nous avons encore tous les choix possibles : du papier, aux messageries, aux SMS, aux coups de fil, à prendre la bagnole (9) pour aller voir quelqu'un. À nous d'en profiter et de varier les plaisirs, les modes de communications, de savourer ce qui subsiste d'une stimulante diversité.
(1) "D'images et d'eau fraîche - ode à Pinterest" sur Périphéries
(2) Il se trouve que grâce à l'internet qui aboit aussi les frontières d'apparences et d'âges, j'ai des amis de 20 ans et d'autres de bientôt 90 et je leur dois aux uns et aux autres d'être beaucoup moins cons (oui je sais, qu'est-ce que ça serait sinon), c'est comme sur un lieu de tournage de disposer de caméras à différents angles d'un même plateau. Il se trouve aussi que j'ai constaté que ceux qui coincent le plus sont en gros les baby-boomers - hein quoi un domaine où ils ne sont pas les rois ? eux qui ont fait bouger le monde à leur mesure, révolutionnant jeunes, capitalisant ensuite, et pas qu'un peu -. Les jeunes sont "nés avec" et apprécient plus ou moins - ne sont pas les derniers à tomber dans les pièges que tendent les réseaux -, et les plus âgés qui ont fait l'effort de s'y mettre sont, de la même façon que moi qui suis assez ancienne pour me souvenir d'une vie où le téléphone était rare et réservé aux grandes occasions, ravis de la proximité possible quand les déplacements correspondants seraient compliqués.
(3) Il m'arrive de le faire lorsque j'attends une réponse à mes yeux importante (ou qui doit déterminer la suite de la journée, un rendez-vous qui tarde par exemple à se préciser), ou une info que j'ai pressentie comme lundi passé et dont j'attends, fébrile, la confirmation.
(4) Grande satisfaction que de pouvoir sur des sujets locaux en avoir les compte-rendus vus d'ailleurs, l'information en France ayant une nette tendance cocardière. Peut-être qu'il faudrait toujours faire ça : lire systématiquement les informations concernant un pays au travers des médias d'un autre, afin d'en avoir une idée la plus proche possible de l'insaisissable réalité des faits.
(5) Difficile à faire comprendre à ceux qui pratiquent peu mais par exemple sur facebook j'épingle sur mon "mur" beaucoup d'articles via des boutons "recommander" ou "like" qui sont sur les sites de leur publication, mais je n'y suis pas et si vous m'envoyez un message à ce moment-là pensant pouvoir me joindre, il se peut que je ne le voie même pas. Je me sers beaucoup de FB comme autrefois de classeurs dans lesquels je collais des articles découpés dans les journaux de papier.
(6) Nul doute que dans quelques temps "on" sera ailleurs, twitter et FB auront fait leur temps. "Ça" se passera dans un nouvel endroit. Je me demande d'ailleurs pourquoi Google + qui n'est pas sans charmes se développe assez peu, on dirait que les internautes d'usage (par différentes des internautes d'action) rechignent à y aller. Mais pour l'instant, twitter est le fer de lance de l'info instantannée. À considérer avec prudence, à recouper, à soupeser, mais n'empêche, c'est là.
(7) Je m'étais laissée piéger par "Radio Bistrot" que j'avais pris pour un compte twitter des brèves de comptoir. Or il fait partie du Réseau Michu.
(8) Mon problème personnel est plutôt à l'opposé avec les réactions de type fan-club, qui me rendent mal à l'aise, auxquelles je ne sais pas répondre, que je ne comprends pas.
(9) J'imagine que dans un avenir probablement moins lointain que ma vieillesse, l'usage d'un véhicule à moteur individuel se sera dé-démocratisé. À nouveau seuls les riches en seront pourvus. Que chacun ait sa voiture fut l'une des premières étapes d'équipement dans les 30 glorieuses, ce n'est pas si ancien (puis la télé, puis le téléphone et au milieu la machine à laver le linge, les toilettes dans la maison, une salle de bain digne de ce nom, le chauffage central). Ça ne serait pas pour me déplaire qu'on se remette au cheval, et pas pour le manger.