Le moment à peine avant
Petite annexe au guide

Stage pour corps ?

Ce soir devant l'ordi.

 

Je regarde l'athlétisme, les J.O. sont le bon moment pour ça. Il y a ce grand extra-terrestre d'Usain Bolt, dont la puissance, le développement (comme on dirait au vélo, pour le grand braquet) me stupéfie. Et je me demande une fois de plus, moi qui vis dans un corps en perpétuelle fatigue, a certes appris à compenser mais dois en tenir compte sans arrêt, quel effet ça peut faire, pas tant d'être un homme (puisqu'au fond je ne sais plus très bien ce que c'est que d'être une femme) que d'être grand et fort.

Chaque chose doit être différente.

Je ne parle pas de courir, il surclasse même ceux qui s'entraînent comme lui. Non, je parle des gestes les plus simples de la vie quotidienne.

Par exemple : être assis dans la cuisine, et aller jusqu'au placard prendre un bol et se préparer un café, en remplir le bol et le boire.

(pour simplifier l'expérience on supposera qu'Usain aime le café et qu'il n'a pas de contre-indication à en consommer, malgré qu'on aura sans doute classé le café parmi les produits dopants).

Pour commencer, lui grand et fort, assis dans sa cuisine il n'a pas froid.

Moi si, je viens d'ailleurs de fermer la fenêtre - et oui, on est en août -.

Lui à peine il s'est dit qu'il avait envie d'un café, il est debout devant le placard, la porte ouverte sans qu'il ait eu conscience de faire quoi que ce soit pour et il s'apprêt à saisir le bol dans une main.

Moi, pour commencer je tergiverse : c'est que j'ai l'impression que je viens seulement de m'assoir. C'est quand même mieux d'attendre un peu. Mais comme je frissonne, j'ai vraiment besoin d'un truc pour me réchauffer. Allez, debout, café.

Équipée d'une tension basse, je sais qu'il me faut me lever avec mesure dans le mouvement si je veux éviter que la tête ne me tourne trop au bord du malaise. J'effectue ensuite quatre pas afin d'aller jusqu'au placard.

Il s'est contenté d'un et demi.

Je bande les muscles de mon bras droit pour ouvrir la porte : elles sont conçues pour s'ouvrir du côté naturel pour les droitiers, et de même que pour passer les portillons du métro parisien, il est plus facile de se conformer malgré un effort accru, que de s'efforcer à faire le geste avec le "bon" bras pour nous. 

Le bol est sur une étagère du haut, celles qui sont à ma hauteur ne sont déjà que trop surchargées d'objets.

Je dois pousser une chaise, y monter à demi, avant d'attraper l'ustensile convoité.

Usain, lui, son souci est de le pas serrer dans sa main trop fort un objet qui risquerait de s'y briser, se contente de déplier une main distraite. Non pas distraite, justement : le bol est fragile, il faut faire attention, se retenir à toute force d'en mettre dans ce mouvement.

Pendant ce temps je dois me méfier de ne pas relâcher l'objet par manque de pression exercée sur lui. Il me faut aussi contrôler l'effort de préhension mais à l'inverse, pour veiller à ce qu'il soit suffisant.

Préparer le café est à mon avantage : mes mains légères effleurent la machine qui obéit.

L'homme fort, de son côté, doit procéder avec prudence, il pourrait exploser la machine s'il oubliait qu'il doit se contrôler. 

Je retourne à ma place, le bol plein et brûlant, mais sans me faire mal : je le tiens vers le haut, à deux mains, comme le ferait un enfant.

Lui n'a besoin que d'une seule main pour le tenir. Il s'assoit sur la première chaise venue : personne, tant qu'il n'a pas fini son café, ne l'y importunera.

Je m'efforce d'aller jusqu'à ma place habituelle, celle à laquelle je ne serai pas dérangée. À petits pas : ce n'est pas le moment de renverser quoi que ce soit.

(J'ignore s'il sucre ou pas, mais s'il faut se relever pour aller chercher un sucrier, à peine y a-t-il songé que les gestes nécessaires sont déjà faits).

Je ne sucre pas, geste en moins à faire et pour un goût qui ne m'attire pas.

Comme j'ai le gosier rude, boire très chaud me va. Le café est trop vite englouti.

Lui le trouve trop fort. Et boit lentement. Pas question qu'il se brûle aussi stupidement.

Je dois faire un effort afin d'aller me rassoir. Précautionnement. 

Il buvait plus lentement que moi pourtant il a déjà fini. Et le bol attend un lavage, tranquillement dans l'évier, il a juste du faire attention de ne pas le poser trop forcément.

Je laisse le mien près de moi sur la table. Les trois pas pour aller jusqu'au l'évier s'ajouteraient aux 10 ou 12 qu'il me faut fournir afin d'aller me mettre au lit.

Lui reste debout, il n'a pas sommeil. Peut-être qu'à lui qui n'en a guère besoin, le café fera effet.

 

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