Une première fois qui n'est pas celle qu'on croit
366 - comme un touriste

L'effet Ruquier ("Monsieur le Commandant" de Romain Slocombe)

 

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Je l'avais reçu à titre personnel, l'avais lu presque aussitôt et admiré. Aimer n'est pas le mot : il s'agit d'une lecture difficile. 

Dans cette collection il est demandé aux auteurs d'écrire la lettre qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'écrire. La plupart sont partis sur des éléments de leur propre biographie : lettre à un amour évanoui, à une sœur prématurément disparue ... 

Romain Slocombe s'est engagné dans une tout autre direction : il écrit la lettre de dénonciation de sa belle-fille juive qu'aurait rédigée un académicien collaborationiste sous l'occupation.  Le livre voisine au chef d'œuvre : style correspondant au personnage avec juste ce qu'il faut de contemporanéité pour rester accessible à un bon lecteur, logique imparable de l'enchaînement des événements, cohérence (pour certains effrayante) des personnages. Compte tenu des circonstances on n'échappe pas à quelques scènes de tortures et de guerre et comme c'est écrit en "je" du fournisseur aux bourreaux et que c'est parfaitement réussi, on se sent assez vite, dès lors que l'on est humaniste, passablement nauséeux.

Je l'avais lu, tenté de transmettre à mon patron. Il avait accepté qu'on le vende et pris un exemplaire pour le lecture personnelle, qu'il n'avait sans doute pas eu le temp d'effectuer. C'est sa femme, environ huit mois après qui a redécouvert l'objet et lu d'une traite et perçu la qualité de l'ouvrage. Je l'avais vendu honorablement non sans difficultés (le sujet effrayait) aux plus fins de nos lecteurs, mais nous ne pouvons nous permettre à moins d'un fort succès de maintenir longtemps une même vente et étions déjà passés à d'autres titres. Son intérêt à elle a relancé celui de son mari et le livre est réapparu sur notre étalage, pour ma plus grande satisfaction. Mais il restait réservé à ceux qu'on appelle des "lecteurs avertis". 

Puis est apparu Ruquier, qui dans une de ces émissions "On n'est pas couchés" à parlé avec enthousiasme du livre, l'auteur était présent qui a assuré ... et soudain ce livre est devenu un "Must have", le présentateur avait mis le feu aux poudres. Comme nous étions déjà dans la boucle, les affaires ont bien marché et j'étais heureuse que ça tombe sur un roman de haute qualité.

Je suis juste à peu près persuadée que les 2/3 des "clients télé" ne l'ont qu'à peine effleuré.

Il n'y a presque plus d'émissions littéraires sur la télé de grande écoute. "La grande librairie" a parfois un peu d'influence, mais ça reste marginal, nombre de gros lecteurs ne la suivent pas. En revanche il semblerait bien que si quelqu'un a pris la relève d'influence du vide intersidéral laissé par le départ de Bernard Pivot, ce soit Laurent Ruquier. 

Drôle d'époque que la nôtre, dans laquelle une émission non littéraire emporte le morceau concernant les bouquins.

 

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