Recensement militaire
la malédiction du diariste

366 - Comment lui dire ?

 

Comment lui dire que je pense à lui, y parvenir sans le fâcher. Que je suis si surprise d'être finalement parvenue à attraper de l'internet sur mon lieu de micro-vacances, soudain sursaut de mon cerveau - mais oui, jadis, je fus compétente, souvent ça stagne, parfois ça me revient -, que me voilà incapable d'envoyer un message, comme si cette connexion presque de contrebande ne l'autorisait pas.

Comment le rendre sensible à des atouts qui ne seront perceptibles qu'une fois acceptés. Si je parle, je les perdrai.

Comment lui expliquer que ce soir j'ai la fièvre pour avoir commis une bouffée d'enfance (1) : décider que j'étais comme tout le monde, avec les mêmes capacités, utiliser la force puissante de ma volonté, forcer le corps. 

J'ai couru 10 à 12 km, en partie sous la pluie, vers la lande de Lessay.

Ce soir celui-ci prend sa revanche, me rappelle qui je suis ; le handicap léger qui peut me laisser croire par instant que je suis de pleine santé, mais pour me le faire payer bien cher aux heures et jours d'après. 

Comment lui dire, à l'homme, que ça serait d'un tel secours, à défaut d'autre chose, qu'il prenne parfois le temps d'appeler, ou d'écrire pour presque rien, comme au début il le faisait.

Comment lui dire qu'en l'absence de notre ex-connaissance commune, je reste très fière de mes amis. Quand par exemple ils jouent les mécènes. Ou que comme certaines, ils écrivent à ce niveau-ci.

Comment lui dire que je cherche encore ma place au monde et que s'il m'a secourue, au bout du compte il ne m'a vraiment pas aidée.

Comment lui dire qu'il fait ici ce soir un temps de tempête de capes et d'épées (salut à vous, ô grand Barbey).

 

(1) le terme est de Pennac dans son "Journal d'un corps".

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