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Le désespoir du petit moucheron

Hier matin, in my chaotic kitchen

 

Je n'avais rien fumé, rien bu, ne prends pas de médicament (fors de l'aspirine contre le rhume qui m'équipe ces jours-ci et elle n'est pas périmée), bref, j'avais juste avalé mon café du matin, et vaguement inquiète pour quelques bien-aimés, regardais d'un œil pensif un moucheron qui progressait sur le bord du verre d'eau que j'avais disposé près de l'ordinateur sur lequel j'écrivais.

Je ne bougeais pas. Quand on est perdu(e) sans ses pensées on gigote assez peu.

Il n'y avait personne d'autre, pas même un autre insecte assez près. Tout d'un coup le moucheron a fait un plongeon. Un plongeon parfait, un saut de l'ange du moucheron, art de cercle grand style, entrée dans l'eau sans vaguelette, aux jeux olympiques on l'eût bien noté.

Le temps que je me frotte les yeux, sur le mode, mais je rêve, depuis quand les moucherons sont-ils suicidaires ?, il n'était plus qu'un petit point noir inerte. De toutes façons je n'ai suivi aucune formation de secouriste du moucheron, et une intervention de ma part eût sans doute été écrasante.

Comme aucun séisme ni fin du monde ne sont intervenus hier dans la journée (1), et que la nuit, à défaut de sensualité fut plutôt joyeuse dans sa première partie, j'en déduis ce matin que ce geste harmonieux mais si définitif était de l'ordre de la décision individuelle, une panique personnelle, le panache d'un désespoir, à moins qu'une fanfaronade ultime - les autres ne peuvent pas mais moi je saurais nager -.

Comme le même soir j'ai vu François Morel dessiner des Sempé (2), je peux supposer que le moucheron plongeur était à l'avant-garde d'un moment surréaliste, ce matin révolu.

 

(1) dont les comportements aberrants des animaux ou des insectes auraient été les prévenantes pythies.

(2) presque aussi mieux que le vrai, surtout pour les poireaux. PB293756_2

nb : L'évocation des poireaux est sans concertation (ni non plus la relecture de l'œuvre d'Annie Ernaux), je ne lis ce billet de Janu qu'à l'instant. Rien de tel qu'une jolie concordance pour s'en aller travailler le cœur un brin léger - ou plutôt, disons, moins lourd -.

 



Cet instant du dimanche soir

hic et nunc

 

Cet instant du dimanche soir où un geste signe notre capitulation, c'en est fait du week-end, il va falloir après quelques heures de sommeil se replonger dans la semaine et le travail ou sa recherche, mettre à nouveau de côté ce qui nous tient vraiment à cœur, reporter au suivant ce qu'on n'est pas parvenus à effectuer.

Cet instant du dimanche soir où l'on prépare le réveil, le téléphone, la radio afin qu'il sonne ou s'enclenche à l'heure dite. Quand il faudra attaquer le lundi.

Et bien souvent ne pas toucher terre avant le soir du vendredi.

Ma vie a changé, je n'ai plus un tel rythme. Plus vraiment. Entre l'écriture et le gagne-pain et la lutte contre les manques et le chagrin, c'est un feu continu sans autre trève que le sommeil où l'ensemble est retravaillé, je l'oublie mais le sais. L'écriture et le gagne-pain sont de bonnes choses, ce n'est que l'épuisement que je crains.

Il n'empêche que cet instant du dimanche soir où je vérifie le radio réveil, cet instant, fors en de devenues très rares vacances, ne m'a pas lâchée.

Je suis pour toujours et à jamais la fille qui aimerait un jour de plus au week-end pour pouvoir enfin vraiment faire l'amour ou me reposer.

 


Premier souvenir du Rond-Point, depuis théâtre bien-aimé

Right now, in the place


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La pièce (1) me laisse perturbée, il y a dedans de vrais morceaux de correspondance nazie ou si bien imités qu'ils donnent la nausée, j'attends au fond d'un canapé le courage de rentrer.

J'ai l'ordinateur, ils offrent le wi-fi, autant bloguer.

Je suis à deux pas de l'endroit où j'ai causé jadis avec Jean Marais. Trois ou quatre phrases pas plus, j'étais de ma banlieue, trop mal bien éduquée, je n'osais pas parler. 

Il n'empêche.

C'était au mitan des années 80. Je devais être en fin d'études, vivotant déjà avec le futur père de mes enfants, lequel s'apprêtait à partir faire sa coopé au Burkina Faso.

J'avais une grande amie qui se prénommait Éliane mais que l'internet et mes mauvaises fréquentations ont fini par froisser.

Une petite sœur que j'aimais et à qui je tentais d'ouvrir la voie vers les belles choses, elles-mêmes pas tout à fait accessibles pour moi. Je crois qu'obscurément je me disais, je suis l'aînée, je dois assurer mais peut-être qu'elle, au moins, pourra en profiter.

Ma sœur pour le théâtre était douée. Elle n'en a fichtre rien fait. 

J'ai honte de ne plus me souvenir si mon père était ou non de la sortie. Il n'aimait ni la dépense ni le manque de sommeil. Mais peut-être qu'il s'était dévoué pour pouvoir raccompagner ma mère et ma sœur dans la lointaine banlieue où ils habitaient.

J'ignore pourquoi mais puisqu'elle était là alors qu'habitant en province peut-être lui devions-nous l'impulsion d'y aller, mais voilà, nous avions des places pour cette représentation du Cid, avec Gérard Philipe Francis Huster et Jean Marais (désolée mais 30 ans plus tard, les autres je les ai oubliés - Isabelle Nanty may be ? -). Nous allions peu au théâtre, à l'époque très cher par rapport au cinéma plus populaire et bon marché.

Autant dire que nous étions tout espantés, émus, secoués, ne causant plus qu'en alexandrins en sortant.

Mes banlieusards devaient être tout stressés de devoir rentrés. Et celui qui est devenu l'homme de la maison déjà jeune préférait dormir à sortir (2). Alors pourquoi sommes-nous un peu restés ? Peut-être que ma petite sœur rêvait de voir les acteurs ?

Par un hasard de calendrier (3), ça devait être la dernière. Au sous-sol du théâtre, la trouve festoyait.

Nous étions en haut des escaliers une toute petite poignée de gens quelconque encore attardés (4). Quelqu'un du théâtre, un responsables, nous a alors dit, allez restez pas là, on est en train de fêtez en bas, vous avez aimé la pièce, venez (5).

Et soudain on s'est retrouvés avec dans les mains une flûte de Mumm Cordon Rouge (6) en train de trinquer à la beauté du Cid et du théâtre tout entier.

À deux pas de nous, Jean Marais. Ma sœur voudrait un autographe mais elle n'ose pas demander.

Et j'y vais.

Et je trouve même une fois ma mission accomplie - c'est si facile je la désigne, elle est encore toute gamine, le vieil homme est heureux de voir que des jeunes encore s'intéressent -, les mots pour dire comment j'ai aimé, et pourquoi. Je me souviens que le plus dur était de ne pas parler avec ce putain de rythme contaminant des alexandrins.

Il prononce des paroles bienveillantes. Seul leur ton m'est resté. Et son regard, impossible à oublier.

Trente ans après et malgré qu'il a viré trop chic et "en vue" ces dernières années, ce même théâtre est l'un de mes refuges préférés.

Et je mesure émue le chemin parcouru.

En plus que depuis quelques temps, je travaille tout près.

Je crois que la beauté, la grâce du plus haut niveau, quel que soit le domaine concerné, une fois qu'elle nous a effleuré, on est contaminés. Et ensuite nous n'avons de cesse qu'à la rejoindre, coûte que coûte.

Mon écriture d'aujourd'hui, loin d'être stabilisée mais que j'ai gagné le droit de tenter, doit probablement quelque chose au regard de Jean Marais et l'encouragement qu'il contenait pour quelque chose qu'à l'époque j'ignorais moi-même porter.

Un soir de juin des années quatre-vingt au Rond-Point.

 

PS : J'espère que ma petite sœur n'a pas perdu le bout de papier / le programme ? / le billet ? qui avait été signé.

PS' : Si vous pouvez allez voir "Et mon cœur scintille" de et avec Jacques Gamblin et deux danseurs, faites-vous du bien, foncez.

 

(1) "H. H." de Jean-Claude Grumberg. Il n'y a aucune ambiguïté, ce qui est cité c'est pour le dénoncer, en faire mesurer l'horreur. C'est moi qui ne le supporte pas, de lire ou d'entendre ça. 

(2) Ô jeunes filles n'épousez jamais un casanier, en vieillissant il empire.

(3) Je suis quasiment certaine que le choix dans la date était conditionné par les jours de venue d'Éliane dans la capitale. Variante : elle habitait déjà Paris mais c'était juin et il avait fallu jongler entre des dates d'examens.

(4) En fait c'était peut-être très prosaïquement parce que nous avions dû aller aux toilettes, nos banlieues respectives étaient éloignées.

(5) Version moins glamour mais tout aussi plausible : - Les toilettes sont où ?

- En bas, je vous montre, venez.

(6) Que du coup j'aime à tout jamais

(billet non relu parce que j'ai quand même une maison où rentrer)

[photo : sur place]


I'm turning into an english speaking something

Today mais ça n'est pas la première fois

 

La première alerte eu lieu l'an passé je crois, à la BNF j'en suis certaine. Il y avait un petit tracas de connexion internet et à la jeune femme qui se tenait en face de moi je me suis adressée en anglais sans m'en rendre compte et sans que rien ne me laisse présupposer qu'elle était plus à l'aise dans cette langue qu'en français. 

Peut-être était-elle effectivement native d'un pays dont c'est le parlé, elle m'a répondu de la même façon comme si c'était naturel et c'est seulement au moment de reprendre le fil de mon travail en cours (en français) que j'ai pris conscience que nous avions toutes deux échangé en anglais.

Ça fait bizarre. Un peu de la même façon que lorsqu'au moment de quitter la maison on s'aperçoit qu'on a posé sans le faire exprès les clefs dans un endroit totalement incongru (ce qui ne m'arrive pas, mais je vois bien l'effet). 

Je ne le parle plus si bien que ça, trop longtemps sans assez de voyages mais le lis et sauf accent carabiné ou argot particulier le comprend sans effort et l'écrit sans hésiter (mais en faisant des fautes, so french touch m'avait-on dit à l'époque où j'écrivais pour VOAC).

Il se trouve que dans mon travail de libraire d'un quartier touristique, je jongle au cours d'une journée entre pas mal d'idiomes, j'ai supposé que je m'étais mise en mode "je suis au travail je parle la langue de qui vient", que peut-être un détail, mais lequel ?, concernant la jeune femme m'avait laissé à mon insu présupposer qu'elle était d'un pays anglo-saxon.

End of story.

Jusqu'à aujourd'hui une forme de récidive. Depuis le matin j'ai lui en anglais puis regardé un film en américain. Une fois achevé ce que j'avais à voir avec ces deux-là, j'ai pris un ouvrage en français, du siècle précédent mais enfin la langue n'a pas tant changé. 

Il n'empêche qu'il m'a fallu une page pour prendre conscience que je lisais le français avec un petit brin d'effort et comme de l'extérieur. J'étais d'ailleurs plutôt contente de ma relative aisance ... jusqu'au moment où je me suis rendue compte qu'il s'agissait de ma langue maternelle, non mais.

J'ai aussitôt retrouvé ma rapidité de lecture coutumière.

Mais j'en demeure troublée. 

Depuis bientôt six longues années que ma vie est comme incomplète, à différents titres, et même si par ailleurs elle est depuis l'an passé assez formidable, il m'arrive par moments de ne plus trop savoir que je suis une femme (1) - quant à l'âge n'en parlons pas, comme je suis dès mes 10 ans perçue en vieille dame indigne (2) et que je débute dans un nouveau métier où j'ai donc comme une vingtaine d'années, je suis complètement déphasée -.

Alors j'ignore de quelle redoutable pathologie mentale ou neurologique je suis en train de faire l'expérience, but I just got the wild feeling I'm turning into a young english-speaking something.

 

(1) et par d'autres d'en avoir une conscience très douloureusement trop affutée.

(2) J'ai dû lire trop jeune trop d'Agatha Christie. D'où une inexplicable attirance plus tard pour les si peu sensuels Belges et une forme précoce de Miss-Marplelite aigüe.

 

 


Le kiosque tel qu'il était

Ce soir, tard, dans mes fichiers

 

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Mon petit ordi saturé m'oblige sans plus attendre à (le) ménager. J'ai donc entrepris la poursuite de longues sauvegardes et autres transferts de photos sur flickr et un disque dur externe.

Je tente de le faire en prenant malgré l'urgence, mon temps, effectuant certains tris au passage et bien des retrouvailles.

Ainsi le kiosque de la place des Martyrs à Clichy, qui entre-temps s'est effondré et s'apprête à être reconstruit mais probablement en "décor tout beau-joli" et sans le charme de l'authentique.

Le voici donc tel qu'il était en 2009 en mai, au retour d'un beau dimanche de visite d'expo (Calder à Beaubourg) en compagnie d'une amie toujours présente, et d'un ami pour sa part envolé depuis. Ce qui me peine un peu.

Quant aux mômes de l'image, ils ont sans doute (bien) grandi.

[photo : Clichy, le kiosque - 24 mai 2009 19h40]

 


Maxime numéro 15, la parabole du cafard et d'Alicia Baudry

Ce matin in my chaotic and cosy kitchen

 

C'est un dimanche calme ce qui est bienvenu, mais malgré la présence affectueuse d'un cafard aux longs cils aux longues antennes et qui me regarde aussi tendrement qu'un Belge, quoi que probablement plus actif s ,  je me sens un peu seule.


Paul Emploi le sent qui m'envoie un message. J'ai quitté Paul il y a bon nombre de jours déjà, un paquet de mois, ce n'était qu'une brève escale le temps de se refaire une santé, reprendre un brin confiance en soi ; il ne s'agissait en aucun cas d'une relation destinée à être éternelle. Plus oublieux que les cafards persistants mais bien moins que les hommes, Paul Emploi m'envoie cependant de loin en loin quelques mails. Il a voulu par exemple savoir si je l'avais quitté parce que c'est Dédé et j'ai consenti à lui avouer que bon, c'est D.I. en fait. Sans pour autant préciser davantage que ces initiales, sait-on jamais. Quand il ne radie pas lui-même Paul est peut-être jaloux.

Donc ce matin voilà que sans ambages il m'annonce "Votre dossier de recherche d'emploi alicia baudry va être supprimé" (sic) (1).

Paul, nous ne nous voyons plus, d'accord, mais ça n'est pas très élégant de m'avoir confondue avec alicia, en tout cas pour elle, qui croit peut-être que tu te soucies de son sort alors qu'à la première inadvertance venue tu dévoiles sa présence à une femme qui l'a précédée.

N'écoutant que mon bon cœur et parce que la vraie Alicia Baudry aurait sans doute besoin de savoir sans trop tarder que Paul Emploi a décidé de l'oublier, j'ai entrepris de la rechercher. 

C'est d'ailleurs une loi de sagesse ancestrale de la vie sur l'internet, qui nous dit "Il faut toujours suivre la piste d'un bug qui t'a croisé(e), qui sait par quel(s) chemin(s) il pourra t'entraîner". C'est la maxime numéro 15.

Mon dimanche calme soudain devenait aventureux.

Sans quitter ma cuisine. 

C'est (presque) mieux qu'une chambre à soi.

Hélas rien de déterminant : les Alicia Baudry visibles sur la toile pourraient constituer une équipe de football ; sans trop de remplaçants mais une équipe. Et quand bien même je pourrais de leur groupe distinguer celle que Paul Emploi souhaitait contacter, il n'est pas évident - aucune d'entre elles ne semblant être une internaute aguerrie - que je puisse lui faire signe.

En attendant, l'une d'elles semble être inscrite sur un site social que je ne connais pas, et comme je suis curieuse de ce qui se passe sur notre village virtuel, du moins quand je dispose d'un moment, j'y vais voir.

Me concernant, je tombe sur ceci : 

Image 1
(la fiche entière par ici)

et qui me plaît bien. Agent technique forestier en Guadeloupe est peut-être un bon poste pour écrire en parallèle. Mieux que libraire au pied des Champs (Élysées). En plus qu'à peine arrivée j'ai déjà 79 amis et pas des moindres (2). Peut-être parmi eux un amant potentiel ?

Voilà qui m'a réjoui ce début de dimanche.

Entre temps, le cafard majestueux est parti.

Merci Paul.

 

(1) Là, je n'invente rien. J'ai réellement reçu ce message et tel en était l'objet.

(2) En fait Fiona Charles est le vrai nom de Fiona Gordon, vous savez, la Fée (mais que ça reste entre nous) ;-)  :


 

PS : "per.sonn.es est le premier site de réseau social entièrement fictif d’Internet
aucun des éléments affichés sur ce site n’est personnel". C'est écrit en bas en petit. À la réflexion je l'avais déjà croisé dans ma vie d'internaute, mais ça n'était peut-être pas alors si abouti. Bravo aux concepteurs.
en savoir plus 

 



En mode parisien

ces jours-ci et puis cette nuit, en ma banlieue de Paris

 

Il quittait le bâtiment, siège social d'une entreprise qui fait dans la communication, avançait vers moi - c'est-à-dire le métro : have no illusion, tu ne l'intéresses pas - à grands pas, tout en agrafant son truc-phone, jeune et capable d'une vie après le boulot. L'autre le suivit de peu, le même en plus élancé (consignes de recrutement ? Jeunes, vifs et beaux ?), et qui prouva dans l'instant qu'il maîtrisait de siffler avec deux doigts en bouche, grand prestige du temps où j'étais enfant, ce qui fait qu'il m'en reste des bouffées d'épate facile pour ce micro-"exploit". Il sifflait pour appeler son collègue et peut-être un peu pote, lequel déjà lancé dans sa musique portative sur-mesure mis un temps conséquant avant de se retourner.

Alors le siffleur plaisanta le marcheur : "En mode parisien, toi !"

Sa bulle malgré le nombre de passant et marcher si rapidement, indifférent au monde (surpeuplé) et ne se surprenant plus de rien (un sifflement puissant en pleine rue)

 

J'ignorais qu'un soir où deux après je suivrais ce mauvais exemple.

 

Je sors du métro, la nuit est déjà dans l'entame, demain s'annonce chargé, je ne veux pas traîner. En quelques enjambées je dégote un vélib. 

J'ai bien vu plus près de la station un homme pas tout à fait sur le trottoir, en fauteuil roulant avec une caisse en carton sur les genoux. Non loin de lui une voiture, j'ai vaguement cru qu'il s'apprêtait à y monter (ou venait d'en descendre, je ne sais).

Mais une fois le vélo enfourché et alors que j'allais au croisement voisin, repassant pour se faire près de l'homme infirme, quelque chose m'a alertée : la voiture n'y était plus, le fauteuil et son occupant étaient donc seuls avec leur carton et sur la rue. J'ai demandé Besoin d'un coup de main ?, au même moment qu'un jeune couple faisait de même, l'homme concéda qu'il ne parvenait pas à monter sur le trottoir (1), celui du jeune couple l'aida, nous échangeâmes un geste de Pas la peine mais remerciement / de salut et je poursuivis ma route.

Ce n'est que bien près de chez moi, comme s'il me fallait une éternité afin que les informations ne me parviennent au cerveau que je suis sortie du mode parisien qui à force d'en voir ne s'étonne plus de rien, et de toutes façons ne sait se déplacer qu'en se dépêchant, qu'il m'est apparu clairement qu'un handicapé seul et chargé dans la nuit par ici c'était une situation quelque peu anormale et qu'il eût peut-être été judicieux au moins d'attendre avec lui qu'arrive le véhicule que sans doute si stoïquement il attendait.

J'avais une bonne mais longue journée dans les pattes, une soirée haut de gamme plutôt inattendue, un vague à l'âme désormais habituel que le chacun chez soi soit survenu trop tôt, et quelques questions tristes et taraudantes qui ne me lâchent plus. Alors je n'ai pas su trouver le courage de faire demi-tour. D'autant qu'une fois sur le trottoir l'homme m'avait semblé serein. Et qu'aux gestes et expressions que j'avais lues sur leur visage, j'avais compris que le jeune homme qui déjà avait aidé avait dû émettre une proposition en ce sens, que l'autre avait déclinée. [choses qu'on se dit pour se dire qu'on a bien fait]

Il n'empêche, qu'on le veuille ou non, tôt ou tard après de longues années comme citadine on n'échappe pas au mode parisien. J'aurais dû immédiatement trouver anormale la présence d'un homme sur son fauteuil roulant, chargé en plus et surtout seul, dans une ville de banlieue la nuit et pas même poussé jusqu'au trottoir par qui l'avait accompagné jusque-là.

J'espère que pour lui tout est finalement allé bien.

 

(1) pourtant théoriquement prévu pour mais voilà pour qui est seul dans un fauteuil non électrique le dénivelé réduit est encore trop grand.

 


Je ne veux pas d'autre(s) vie(s)

Un soir, lien qu'on m'a, ainsi qu'à d'autres, par touite retransmis

 

On pouvait considérer qu'en gros nous avions deux parts importantes dans nos vies, la vie professionnelle (ou son prélude estudiantin) et la vie affective et qu'il était préférable, voire sage, qu'elles reste assez disjointes, sauf exceptions formidables .

Étant de pas tout à fait éclatante santé, il m'est apparu dès mes plus jeunes années qu'une part non négligeable de l'existence était constituée de la vie physique, ses réussites (acquérir à force de sport une condition physique décente et un corps acceptable), ses aléas (les maladies) et plus tard que la vie sexuelle était la jolie intersection entre celle-ci et la vie affective. J'ignorais alors que cette intersection était soumise pour certaines femmes à précoce disparition.

Quand on a de la chance, on peut avoir une vie familiale sous-ensemble harmonieux de la vie affective et si possible pas trop écrasé par la bulle envahissante de la vie professionnelle (1).

Bien sûr il y a tout le reste, les intendances et les corvées, les contingences matérielles, administratives, des assurances et des contrats, mais je les ai toujours considérées comme des murs ou des pavés, bref des trucs qu'il fallait faire avec, mais qui n'étaient pas partie intégrante de la vie, la vraie. Moins on y perd de temps, mieux c'est.

Voilà que des banques zélées et soumises après avoir trop longtemps abusé du monde à quelques ennuis financiers, ont décidé afin d'élargir leur marché, de s'attaquer aux enfants, non pas aux ados qui ont leur argent de poche et des démangeaisons consommatoires, non, directement aux enfants petits, ceux qui a priori devraient avoir en poche au plus de quoi acheter le pain familial sur le chemin de retour d'école voire leur goûter, quelques bonbons, ce genre de choses.

Quel scandale cette inconscience, il convient qu'ils apprennent et plus vite que ça, et probablement qu'ils spéculent en bourse dès que ça pourra. 

L'article entier du Figaro est par là , et j'ai beau savoir que nous n'avons pas les mêmes valeurs, rarement les qualités mises en avant pour vanter un produit ne me seront apparues comme autant d'éléments effarants qui devraient précisément faire que ça n'existe pas.

En particulier cet argument : "Réussir plus tard dans sa vie financière".

Placer les sous sur le même plan que les grands compartiments de l'existence me laisse glacée d'effroi. Le fric est une contingence, certes forte et très difficilement contournable, mais pas une fin en soi. En tout cas ne devrait pas.

(- Salut Gaston, ça va ? Et le boulot ? Et la santé alors ? Tes amours, toujours heureux ? Et tes finances ?)

Je ne veux pas d'autres vies que celles que j'aie déjà. Chers banksters, désolée, débrouillez-vous sans moi.

 

(1) Celle-ci pouvant inclure le chômage, difficile de nos jours de n'en pas tôt ou tard passer par là. 

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