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La mémoire perdue

Ce matin, à la BNF, mais sinon 6 ans plus tôt


PICT0026

 

J'ai enfin trouvé un moyen de récupérer photos, textes et messages du temps de mon ordinateur n-2, lequel semblait avoir après réparation d'un esquintement de disque dur perdu ses capacités de connexion wi-fi.

A longue patience mais je sais que si aucun élément extérieur ne se produit qui vient contrarier ce projet, j'irai au bout, me voilà en chemin pour retrouver mes images des années 2005 et 2006. Afin que ce travail fastidieux ait un sens, en plus que pour certaines d'aider à un de mes chantiers, j'ai décidé d'enfin créer cet album photo du comité de soutien que j'avais promis à certains. Par ailleurs, je prends le temps de loin en loin de jeter un coup d'oeil sur les éléments transférés, je ne suis pas un robot je suis un être humain.

Et précisément pour cette raison, je possède quelques failles. Je savais que mon changement radical de vie au moins professionnelle et les événements subis lors de la sombre saison 2005/2006 n'avaient pas été sans séquelles.

Je sais aussi que ma vie "d'Usine" me convenait et ressemblait si peu qu'il est saint que mon cerveau en ait effacé bien des éléments. Il n'est pas bon de trop bien se souvenir de nos lieux d'enfermement. 

En revanche ces photos de mars 2005 sur lesquelles je suis retombée ce matin me laissent mal à l'aise. Je sais par déduction et parce que je reconnais l'une des silhouettes qu'il s'agit d'un bureau collectif où nous venions d'emménager. Les collègues m'avaient peut-être sollicitée pour photographier, ces endroits ne m'inspiraient guère. Sans doute s'agissait-il d'une fin de déménagement, la satisfaction du devoir accompli, d'être parvenus à caser tous les cartons alors que l'espace réservé à chacun se réduisait sans cesse. Mais voilà, ces lieux ne me disent plus rien, et à peine les humains - sauf une, bonne lectrice -. Je sais que j'ai travaillé en ces lieux, je ne m'en souviens plus, je ne m'y revois guère et serai peu capable de dire quel était mon bureau, je sais où se situait le bâtiment car nous y occupâmes des locaux successifs pendant assez d'années, mais j'ignore quel était l'étage de la photo, n'avais pas souvenir de ces bribes de cloison, par exemple. Plus rien. La femme alors encore jeune que des salariés ont côtoyée en ces lieux et qui portait mon nom était bien quelqu'un d'autre à qui je n'ai plus qu'un très faible accès.

L'amnésie partielle dont je souffre est plus étendue que ce que je croyais.

Mais pour cette part-là, je ne saurais regretter.

[photo : l'image en question, 10 mars 2005 très précisément]

 

 


Diffusion impossible

une étrange manie, permanente

 

C'est ce message de la régie concernant un documentaire dont j'avais sollicité la diffusion qui m'y refait penser "Diffusion impossible, en traitement de conservation" (1), ainsi qu'une cliente récente à la librairie qui avait sélectionné deux ou trois volumes parmi les soldes  dont aucun n'avait de prix bien défini - ce qui est rare chez nous - et nous en avions ri, je lui avais confié que pour une fois ça m'amusait que ça ne m'arrive pas. J'ai en effet le chic quand un choix assez large nous est présenté, de produits dans un magasin, d'ouvrages dans une bibliothèque de précisément opter pour le non-disponible ou mal référencé, l'objet qui à la caisse réclame que son code-barre soit intégralement resaisi, le DVD qui ne peut être communiqué au public (mais rien ne l'indiquait au moment où je l'ai sélectionné).

Je ne sais pas pourquoi, mais que c'était au point au Prisunic près de chez moi, qu'une cheffe de quelque chose m'avait repérée et dit un jour joyeusement, C'est bien quand vous venez, comme ça on sait après les références qu'on n'a pas entrées.

Au moins cette caractéristique un peu embarrassante ne fait donc pas systématiquement de moi la pesante de service - bien malgré moi -. Serais-je trop curieuse des choses mal connues, trop anciennes ou trop nouvelles ou (trop) peu usitées ?

 

(1) C'est je crois la 5ème fois, mais je ne l'écris pas pour me plaindre, il a généralement suffi d'un peu de patience, au pire d'attendre un ou deux mois avant de réitérer la demande, et le (très léger) tracas s'est résolu.

 


"Je suis un excellent soldat"

Tout à l'heure sur l'esplanade de la BNF

 

J'ai vaguement entrevu un petit groupe en uniforme, quelque chose de sombre que je ne sais pas identifier, pas les patrouilleurs habituels de vigipirate en tout cas, et ne tenant pas d'armes - sinon une brève alarme reptilienne se déclenche en moi, parfois avant même que j'ai compris pourquoi -.

Mes pas vont vers l'entrée de la descente vers la bibliothèque, et le groupe à présent dans mon dos semble suivre aussi cette direction.

C'est alors qu'un des hommes répète à plusieurs reprises "Je suis un excellent soldat", il ne le dit pas pour rire, il est très sérieux, il ajoute même, "pas seulement très bon, excellent". Ses collègues restent silencieux, ils sont visiblement de merveilleux taiseux.

Nos chemins divergent, je n'en saurais jamais davantage ni pourquoi il disait ça, comme une constatation, une évidence, ni comment une conversation pouvait mener là, même pour des militaires.


Ce rire peu charitable qui nous saisit parfois

Ce week-end, au bord d'un océan

 

Je préfère me moquer de moi-même que des autres, ou mettre en boîte les copains mais en leur présence, seulement voilà, parfois les gens que la vie nous présente et avec lesquels nous devons parler nous font des sortes de sketchs qu'on croirait tout droit sortis d'un spectacle comique.


Et je ne suis vraiment pas très douée à retenir mes rires.


C'était la très jeune femme qui nous a accueillis à l'hôtel le premier jour. Une petite fausse blonde comme il y en a tant, soucieuse, soigneuse de son apparence et précisément se conformant aux canons du moment, désireuse de bien faire - visiblement -. 

  

La première bizarrerie est apparue quand j'ai eu l'idée incongrue de lui demander après qu'elle nous avait remis la clef en nous accompagnant à la chambre alors que je venais de lui dire que je connaissais les lieux, s'il fallait un code pour le wi-fi. J'ai eu l'impression d'avoir prononcé un mot vulgaire, grossier ou osé, eussé-je dit "levrette" (1) qu'elle n'eût pas présenté un visage différent, entre ahuri et un peu offusqué. 

  

Elle m'a finalement dit qu'elle ne savait pas parce que l'hôtel avait changé de propriétaire il y a deux mois.

  


J'ai songé qu'il était sage de ne pas insister, qu'il y aurait probablement une personne mieux informée à l'accueil un peu plus tard et qu'il était inutile de persécuter inutilement celle qui avait le malheur de prendre son tour de garde quand arrivait une dangereuse internaute, l'internet c'est le diable, nous tous le savons.

  

Puis elle nous a demandé à quelle heure nous descendrions prendre au lendemain notre petit déjeuner. J'ai logiquement demandé entre quelle et quelle heure il était servi, elle m'a répondu entre 8 et 10, j'ai dit que nous descendrions entre 8 et 10 que ça nous allait et elle a alors insisté : - Oui mais à quelle heure vous descendrez ?

 

Puis comme on mettait un temps à répondre - pourquoi donc veut-elle un horaire précis ?- elle s'est justifiée : - C'est pour mon collègue, vous comprenez ?

  

Celui qui m'accompagnait a alors courageusement hasardé un Huit heure et demi, qui a clos une conversation laquelle menaçait dangereusement de me rappeler Teddy Vrignault et son complice ( - Le train pour où ? Pour Caen. Oui mais pour où ? etc.).

 

Pour le wi-fi je me suis débrouillée.

  

 

Au surlendemain matin, et alors que nous avions eu affaire la veille à des personnes affables, dont une parfaite jeune femme brune, et aux réactions compréhensibles, y compris lorsque nous signalâmes que le lait était tourné - probablement car nous étions descendus lâchement à 8h34 -, elle prit son service dans la matinée et s'empressa de venir frapper à notre porte.


- À quelle heure vous libérez la chambre ? C'est pour faire le ménage.


J'ai répondu que nous ne savions pas encore, c'était pour plusieurs raisons - une course à faire, les amis que nous avions hâte d'aller retrouver ... - la stricte vérité. Que notre journée ne soit pas déjà planifiée à la minute près a semblé la plonger dans un abîme de perplexité. 

  

Une demi-heure plus tard, elle est revenue, poser la même question, comme si elle avait passé tout le temps intemédiaire à réfléchir comment était possible une telle anomalie, des gens qui un dimanche à 9 heures et demi ou 10 heures du matin ne savent pas encore précisément quand ils vont bouger.

  

J'ai soudain compris que sous son apparence d'ultra-conformité se cachait quelqu'un qui tentait désespérément de faire comme tout le monde, mais qu'elle devait souffrir d'un handicap léger, qu'elle avait du mal et besoin de se rattracher à des choses à la fois strictes et simples pour pouvoir les accomplir et que s'y joignait quelque peur de mal faire. Alors à la deuxième demande j'ai répondu doucement que ce n'était pas grave si elle ne faisait pas le ménage aujourd'hui, que nous gardions la chambre encore jusqu'au lundi que surtout elle ne se tracasse pas et qu'on ne lui en voudrait pas de ne pas l'avoir fait, Ne vous inquiétez pas, le lit on le refera, vous avez sûrement d'autres choses à faire. J'ai cru déceler une étincelle de compréhension, elle a remercié et s'est éclipsée.

  

Pour revenir un quart d'heure après. Entre temps, qui m'accompagnait était revenu de faire ses emplettes ou sorti de la salle de bain et c'est lui qui a répondu. Il n'avait pas entendu les tentatives précédentes et, plongée dans une heureuse lecture (2), je n'avais pas pensé à lui parler des interventions qui avaient préludé à cette nouvelle interruption de nos activités, par chance alors très sages (2 bis).

  

C'était la jeune femme consciencieuse qui demandait si cependant nous voulions des serviettes ou des draps propres. Il a dû deviner que j'avais dit qu'un ménage pour ce jour était inutile et répondu que ce n'était pas la peine, que les précédentes iraient encore très bien, que faire des lessives inutiles nuisait à l'environnement (et là je dresse l'oreille sur le mode, Ben qu'est-ce qu'il a ce matin, qu'est-ce qui lui prend ?) et je l'entends ajouter d'un ton professoral gentil (3) - Vous avez déjà entendu parler du développement durable ?

 

Je n'ai pas attendu la suite de l'exposé (4), j'ai filé sur la terrasser exploser (de rire).

  

Mon manque de charité est atténué par le fait qu'elle est probablement à l'heure où j'écris à trois minutes près, retard impardonnable, en train d'expliquer à sa famille que vraiment ce week-end il y a eu à l'hôtel des parisiens, des fous. Et qui n'avaient ni horaires ni (sens de l')hygiène. Vraiment, parfois, les clients ...

 

(1) cf. un billet mémorable de La fille aux craies (le retrouver quand je pourrai)

(2) "La femme et l'ours" de Philippe Jaenada, un régal de rire et de tragédies locales, comme dans la vie mais en mieux écrit.

(2 bis) Encore que je ne suis pas persuadée qu'il soit très sage de lire un roman de Philippe Jaenada, d'autant plus que celui-ci comporte quelques scènes à la sensualité surprenante quoiqu'au romantisme douteux. J'admire ceux qui savent faire rire sans vulgarité avec les moments bizarres de l'animal humain.

(3) Ce n'était pas pour se moquer, il était soudain lui-même tombé dans une faille écolo-militante, peut-être un article dans un journal qu'il venait de feuilleter. Il a ce don de répéter sans discernement à la personne suivante ce que vient de dire la personne d'avant (ou l'article qu'il vient de lire ou ce qu'il vient d'entendre aux informations) parfois de façon totalement hors sujet et inappropriée. Là au moins, il y avait un lien.

(4) Mais j'ai néanmoins capté qu'il profitait ensuite du premier degré irréductible de l'interlocutrice pour se rancarder sur la jolie femme du patron. 


De quelques petits mystères des bribes de solutions

 

Tous ces jours-ci, mais je récapitule

 


Mystère du soutien-gorge qui sentait le tabac alors que je ne fume pas

C'est une quinte de toux qui m'a mise sur la piste, lors d'une de ces matinées estivale (on pourra dire qu'il y en eu, allez 5 en tout à Paris (qui a dit J'exagère ?)) où me préparant à aller au travail je tente d'écrire un peu dans ma cuisine avant l'heure fatidique et donc fenêtre ouverte puisqu'elle donne sur une cour et au delà de petites maisons d'une cité isolée, bref, du calme, du paisible et même parfois des oiseaux. Mais également des voisins. Et contrairement aux oiseaux les voisins fument parfois. Je fais partie d'une espèce en voie de disparition qui pourrait s'appeler le non-fumeur tolérant. Tant qu'il ne s'agit pas de rester plusieurs heures de rangs dans une pièce enfumée fermée, je supporte sans problème un peu de fumée. Et malgré la propagande active depuis quelques années je reste persuadée que si je tombe un jour sous le coup d'une atteinte pulmonaire elle sera selon toutes probabilités avant tout d'avoir longtemps travaillé dans des bureaux amiantés, de vivre en ville à l'air pollué, d'aller en vacances dans une Normandie nucléairement sur-équipée, et autres joyeusetés - qui sait si nos vieilles peintures écaillées ne sont pas toxiques - bien davantage que de la clope que fume à ma table un copain. Seulement voilà, ce matin-là ça piquotait de façon désagréable et mon corps a choisi de protester. Je me suis donc rendue compte qu'une de nos nouvelles voisines semblait avoir l'habitude de fumer sur son balcon avant d'aller travailler et que si le vent portait, je m'en prenais et, donc mes vêtements, plein les pirettes de la respiration. C'est donc ce qui avait dû se produire mais sans que j'en sois consciente et sans me faire tousser au matin du soir où mon soutif puait la fumaille. Cela dit pourquoi cette seule pièce d'habillement ? Le coton serait-il davantage réceptif que le coton + quelque chose du chemisier que je portais ce jour-là ?

 

Mystère des camions blancs

Ces jours-ci comme si d'un commun accord avec lui-même le dieu des petits mystères avait décidé d'abandonner le suspens, j'ai croisé à la fois un tournage, matériel visiblement stocké dans ces véhicules si banalisés qu'ils en deviennent peu discrets ; et un déménagement, mêmes camions non taggés et non dédiés à une entreprise en particulier. 

Reste que ça me surprend.

 

Mystère des chaussettes orphelines

Depuis jolie lurette je me dispensais de laver housse de couette et chaussettes en même temps : j'avais remarqué la sérieuse propension des premières à avaler les secondes, et de façon sélective, jamais une paire complète mais toujours sournoisement une de chaque paire disponible dans le tambour de la machine à laver.

Voilà que grâce à une robe de ma fille aux poches larges et élégantes (oui parce que d'abord on peut être larges et élégantes en même temps, y compris si l'on est une poche), j'ai compris qu'en fait toute pièce vestimentaire dûment équipée de plis fermés pouvait servir de piège à chaussettes. Et pendant tout le temps (chez nous fort long) où il attendra son tour de repassage puis qu'on ait à nouveau envie de le porter à nouveau, l'autre chaussette (bien sûr, une seule toujours est capturée et l'autre laissée en liberté) reste orpheline.

Enfin, j'avais oublié mon don pour déteindre une lessive entière par la couleur d'un vêtement qui n'y sera pas, c'est probablement mon double quantique qui me joue des tours. Il se trouve donc que des chaussettes ne retrouvent jamais leur partenaire car celle-ci contre toute attente aura changé de couleur pendant que ça sœurette aura eu la présence d'esprit (mais pour une chaussette d'esprit peut-on parler ?) d'attendre une lessive suivante et moins risquée. Je peux donc me retrouver en possession d'une chaussette blanche et d'une bleue que je ne songe pas dans un premier temps à apparier, alors qu'issues d'une même paire auparavant immaculée.

 

L'air de rien ça fait trois mystères de légèrement éclaircis en moins d'une semaine, si ça continue je vais me prendre pour Sherlock. 

Ou au moins Miss Marple.

 

(les liens vers les billets plus tard, je suis trop fatiguée).

PS : La vie humaine n'étant pas constituée de romans policiers, on remarquera que ces explications sont partielles ou presque contestables. Il n'en demeure pas moins qu'elles constituent un progrès par rapport à l'étape précédente qui n'était faite que de perplexité.


Le chagrin du quai 9 3/4

Ce matin plus particulièrement et je ne sais pas trop où

 

Ce matin je suis là et j'ai la tête ailleurs. Je suis dans ma cuisine, au bord de m'en aller bosser - le temps encore de faire deux ou trois trucs si je parviens à me concentrer -, et en même temps quelque part en Isère.

Quelque part où je ne peux être pour quelques raisons solides et matérielles : je tiens boutique en l'absence du patron et remplacer une remplaçante de façon impromptue est délicat, je pourrai le faire pour quelques heures mais sur une journée et une fin d'après-midi (je suppose que c'est ce qu'il aurait fallu pour aller participer à la cérémonie d'adieux de l'amie inconnue dont la vie s'est achevée) ce serait compliqué.

Que le concret s'impose tout en me rendant triste me simplifie la décision. La situation qui se présente est pour moi sans précédent et typique de nos nouvelles vies : voilà que nous pouvons ressentir un réel attachement pour des personnes que nous n'avons pas rencontrées, un peu comme les marraines de guerre du siècle passé, sauf qu'alors la relation était déséquilibrée puisqu'il convenait de soutenir le moral d'un qui était au front. Auprès de nos amis d'ici nous sommes tantôt qui bataille tantôt qui encourage et souvent qui rigole avec, et qui rigole de choses pas nécessairement très drôles lors de leur survenue.

Alors que faire quand survient la fin ? Notre présence qui fut celle d'une âme, doit-elle devenir concrète puisque la mort, elle, l'est. Serait-ce au contraire indécent que de venir assister à l'adieu que les proches d'un défunt auront prévu pour lui ? Se présenter à eux - en l'occurence pour quelqu'un qui écrivait, en tant que lecteur/lectrice jusque-là discret - offrirait-il du réconfort, celui du chagrin moins lourd s'il devient partagé ou au contraire un malaise - mais qui sont donc ces gens ? -.

Il est de certains amis de l'internet pour lesquels il apparaît clairement que l'activité bloguesque correspond à une seconde vie et pour eux l'on sait d'emblée qu'il faut rester discret. 

D'autres au contraire dont le blog est public comme le fut l'activité professionnelle, et qu'on se sait nombreux à suivre. Ceux qui tels MDA à Libé, étaient ouvertement présent sous leur identité, et dont les proches s'attendaient à voir venir des lecteurs, heureux de ce témoignage d'une forme nouvelle d'amitié dont ils savaient qu'elle comptait pour leur parente, camarade ou amie. La cérémonie avait lieu à deux pas de chez moi, j'y suis allée porteuse de bien des messages d'autres internautes plus lointains dont certains qu'à leur demande j'ai consignés dans le cahier de condoléances, nous étions un petit lot timide et ému, plusieurs nous ont parlés, heureux de notre présence. Me sentant légitime, je n'ai eu aucun doute qu'elle était justifiée.

Mais pour la plupart d'entre nous les choses sont intermédiaires, on ne se cache pas, mais on prend un pseudo, ceux des nôtres savent que nous bloguons, interviennent parfois, mais ne connaissent que peu nos amis de l'internet et seraient sans doute bien embarrassés de voir débarquer cinquante personnes émues et peinées comme des intimes mais dont ils ne savent rien.

Je ne sais pas quoi penser. 

Et quand en désespoir de cause on souhaiterait se conformer à un usage, puisqu'on ne sait vraiment pas en nous-même ce qui convient ou pas, ce qui serait le moins pire pour les bien-aimés de la personne qu'on aimait bien, on s'aperçoit que notre relation étant d'un type encore inédit il y a 12 ou 15 ans, l'usage lui-même n'existe pas déjà.

Perplexité de pionniers, qui ont bien percuté que lorsqu'ils tentent d'évoquer leur chagrin auprès de personnes qui se tiennent à l'écart de la vie internautique, ils sont considérés avec la condescendance un peu inquiète accordée à qui annoncerait que son train part du quai 9 3/4 et qu'il ne faut pas le manquer.

Nous ne sommes rien qu'une bande d'invisibles à qui quelqu'un va beaucoup manquer. Et ce manque-là, c'est pour de vrai.


Je suis un gros macho

Constatation intemporelle

 

Le billet étant déjà écrit par quelqu'un d'autre (1) mieux que je ne l'aurais fait, je ne vais pas le réécrire, il suffira de remplacer "mojito" par "whiskies", supprimer l'option "tatouages" (2), ainsi que la ligne "Enculééé" d'abord parce que je ne conduis plus guère et ensuite parce que mon flegme routier est inaltérable d'en avoir tant vu.

Ajouter aussi une ligne que durant mes premiers vingt ans, le foot (pratiqué et supporté) fut une de mes passions.

Et une autre pour exprimer que je ne sais pas jouer les chieuses hystériques (3) même en cas de force majeure de type grand-amour-potentiel-qui-ne-demanderait-qu'à-éclore-si-j'endossais-le-rôle-qui-le-ferait-bander. Ce qui est très masculin : les coléreux ou -riques sont légions mais les chieurs hystériques probablement une exception. Au mieux (au pire ?), ils sont chiants.

Il faudrait aussi nuancer car dépourvue de la dose de testostérone nécessaire pour être apte à leurs bouffées, que la colère et la violence me sont très féminimement étrangères, je ne les emploie que sans autre issue, voire contrainte et forcée. Et que j'ai ce pragmatisme de vie quotidienne dont chez les humains que nous sommes tous, les mâles usent plus rarement que la majorité des femelles.

Quoi qu'il en soit, au lendemain d'une affaire de viol, réel ou prétendu, chi lo sa ?, dont la conclusion favorable au mâle met en colère bien de mes consœurs, et alors que je me sens totalement incapable (4) du moindre élan compassionnel de sororale solidarité pour cette seule raison d'être du même côté d'une barrière que la société tient à vouloir ériger, la conclusion s'impose : à la force physique près, comme Manu des Pensées, je suis un gros macho.

(Cela dit vu mon attirance pour les hommes, serais-je un gros macho homosexuel ?)

 

PS : Ce billet n'est pas sans rapport avec celui-ci chez Maïa Mazaurette, Stupeur et monde de mode. Parce que marre, marre, marre de cette société qui veut nous (les hommes d'un côté, les femmes de l'autre) cloisonner, nous stéréotyper, nous éloigner les uns des autres quand nos différences certes réelles (et non sans charmes), ne sont pas si grandes qu'on veut nous l'imposer à présent que libérées des grossesses enchaînées nous parvenons enfin à une autre vie que celle de simples reproductrices.

 

(1) blog Les pensées de Manu

(2) J'ai dû mal à tout ce qui altère, même si c'est censé être en plus (+) beau, la peau humaine, je n'aime donc ni les boucles d'oreilles, ni les piercings, ni les tatouages, ni le maquillage sauf par des pros d'un tel niveau que ça frise l'artistique, ni l'épilation, ni le bronzage dès lors qu'il est étudié - en revanche je trouve que le bronzage agricole de qui travaille en plein air ou y pratique une longue activité n'est pas sans beauté -, ni les teintures et vernissages d'aucune sorte. Bref, à part l'eau, le savon et la crème hydratante, je n'aime la peau qu'à l'état sauvage avec ses bizarreries natives complétées des cicatrices qu'y dépose la vie.

(3) Dite encore théorie du Gros Manseng et dont les exceptions que je connais, car comme pour toute bonne théorie il y en a, se dénombrent sur les doigts d'une main.

(4) dans ce cas précis. D'ailleurs si je devais éprouver un quelconque sentiment de solidarité ce serait de classe (sociale), contre le fait que qui est riche et puissant s'en sort (presque) toujours mieux que qui n'a pas les moyens.


De l'inquiétante prolifération des petits lapins qui n'en sont pas

These days in Paris,

 

Parisienne, j'ai l'habitude que soient nécessaires deux ou trois rendez-vous pris avant de parvenir à voir quelqu'un qu'on aime tout court, beaucoup ou bien ; citadins sur-occupés nous sommes les champions de l'imprévu de dernière minute, du bouclage prolongé, de la fuite d'eau intempestive, de la fièvre du petit dernier et des déplacements professionnels soudainement imposés.

Plus les années passent plus j'ai l'impression de ne plus connaître que des personnes que leur emploi surmène ou à l'opposé d'autres qui sont laminées (et donc également peu disponibles) de n'en trouver pas.

Tout ça pour dire qu'un rendez-vous reporté, à part dans quelques cas un petit pincement au cœur car je m'en réjouissais un peu d'avance et vraiment très très, ne me dérange guère tant que le motif du report en reste léger.

Qu'à mon sens poser un lapin signifie Ne pas venir du tout et sans prévenir non plus, et non pas Annuler avant en le signalant à temps pour qu'on ne soit pas déjà en route vers le lieu de rendez-vous.

Et qu'être prévenue simplement que l'envie est venue à manquer me suffit amplement. C'est pour moi légitime et je n'ai pas de satisfaction particulière à être l'élément inspirant d'une créativité débridée en matière de prétextes.

Cela dit, il est des périodes où sans qu'on sache pourquoi le coefficient de rendez-vous manqués augmente de façon curieuse et sans liens entre eux. Je traverse l'une d'elle, un peu comme si le petit dieu des agendas m'avait dans le collimateur. Rien d'irrémédiable, je crois, dans les uns comme les autres cas ce n'est que partie remise, j'espère. En particuliers, pour la première fois de ma vie, la mort d'un réalisateur fut la cause d'un de ces contretemps et si je n'avais pas été un peu triste de la nouvelle qu'on m'apprenait, j'eusse été capable d'en rire tant m'amusait le lien inattendu de cause à effet. Aujourd'hui ce sera sans doute la fin d'un dictateur, ce qui me plaira bien, même si comme l'écrit si bien @Bouletcorp "Quelqu'un va prendre un air sombre et dire "Mh il faut voir ce qu'il y aura après"" .

En revanche un rendez-vous manqué de thé d'hier, annulé pour fléchissement de santé par l'amie que je devais retrouver, et même si je suis heureuse de ce qu'à la place j'ai pu partager, ne fait que m'inquiéter. Et je tourne en rond dans l'attente d'une heure posssible et acceptable d'un appel de ma part qui permettrait de reprendre des nouvelles sans (trop) déranger.

Alors s'ils me gênent peu, surtout quand prévus à la librairie aux heures où de toutes façons j'y suis, je préférerais que s'enraye cette tentative de prolifération des débuts de lapins. Ce serait rassurant. Ce serait bien.

 

PS : Et merci encore à qui m'a tenu compagnie alors que je n'étais qu'en état principal de mâchonner mon inquiétude, ce qui ne devait pas faire de moi une présence très divertissante. 


Salut à toi la Fille aux craies, et grand merci

Ce matin, mais où en fait ?

 

Je ne crois pas que nous nous soyons croisées dans le monde concret où peut-être lors d'un Paris Carnets du temps où ils attiraient foule et où il était difficile de retour dans la vie grise de se souvenir de chacun de ceux avec lesquels on avait trinqué.

En revanche je sais avoir suivi son blog à différentes époques, chaque fois que les turbulences essentiellement fatiguo-professionnelles de ma propre vie m'en laissaient le répit.

Je crois que c'est grâce à Chondre que nous nous sommes croisées. Cependant comme souvent avec ceux et celles qui en viennent à compter, j'ai le sentiment qu'on se connaît depuis bien avant, enfin bien avant, 2005, je dirais ; à moins que ce billet ne soit pas le premier où nous nous soyons entrevues.

Elle ne parlait pas de [sa] maladie sauf période que j'aurais manquée ou tout récemment dans ce billet mais j'avais reconnu chez elle cette qualité d'humour qu'ont ceux qui savent concrètement et de près combien c'est fragile une santé. Incisif, noir et tendre (jamais bête et méchant) qui est comme une politesse, une forme ultime d'élégance.

Ces derniers temps, alors qu'en retrouvant une existence plus sereine, je recommençais à lire chez les amis avec une sorte d'irrégularité régulière, on se croisait plus solidement. Nous nous entretouitions avec bonne humeur et certains soirs où je traînais lamentable entre saine mais lourde fatigue de mon bon boulot et chagrins amoureux elle m'a fait bien du bien. 

J'ai les mots pesants aujourd'hui, du mal à garder le cap de mes pensées, un peu comme mon appareil photo lorsqu'il fait trop sombre et que je lui demande de faire une mise au point qu'il parvient un instant à atteindre mais ne peut conserver. 

Quelqu'un que j'aime avait besoin de mes services dans un domaine qui me convient (relire et qu'on en cause), je ne m'en sens pas capable pour l'instant. La part de moi qui sait est dans le deuil un instrument fragile et désaccordé.

Je ne parviens pas non plus à expliquer à ceux des miens qui ne pratiquent pas ou peu l'internet combien le chagrin n'a que peu à voir avec le fait de se connaître "en pour de vrai" ou non ; c'est sans doute mieux dit (1) que je ne saurais l'exprimer. Et que ce n'est pas parce que #Nibbler et #Supermari n'ont jamais eu l'occasion de sortir de leur touitesque virtualité que je sais faire abstraction de la peine (2) qui doit être la leur aujourd'hui.

Ils seraient sans doute surpris de savoir que si tout ceux pour qui leur mère et compagne a compté se rassemblaient, ça ferait une petite foule nombreuse et diversifiée.

On est en effet un peu plus que quelques-uns pour qui le café avait un goût amer (3), dans nos cuisines ce matin.

Reste à espérer que #Nibbler devenue grande pourra s'en venir glaner parmi ses écrits, s'ils perdurent sur l'internet, une présence maternelle qu'elle n'aura pas eu le bonheur de goûter autrement, et que de liens en liens elle découvrira combien c'était quelqu'un de bien et de bien-aimé.

Merci encore @fiocree et courage à ceux qui doivent continuer.

 

(1) chez Daria Marx, Ces gens qui n'existent pas. 

(2) je ne trouve pas de mot adéquat, peine ne suffit pas, mais l'emphase d'autres termes serait malvenue.

(3) chez Sasalaloute, Le goût (amer) du Nespresso dans ma cuisine. 

PS : Chez l'une de ses amies, qui nous aura vaillamment donné des nouvelles (encore merci) et également avec une discrète élégance dont j'aurais aimé être capable (ce billet est la preuve que non) chez quelqu'un que nous avions en commun sans que je le sache (ou bien j'avais su mais sans faire le rapprochement, je suis très forte pour ça, j'ai quand même mis 8 à 9 mois pour me rendre compte qu'un film que l'une de mes amies évoquait en l'appelant "Sarah" et l'autre "Elle s'appelait Sarah" était le même).

PS' : Pour ceux qui se posaient la question, je crois que La Fille Aux Craies s'appellait ainsi en raison (sans doute d'autres aussi, les choix humains sont souvent polycauses) de ce texte qu'elle avait écrit.


Lire la suite "Salut à toi la Fille aux craies, et grand merci" »


De l'anecdote à l'expérience

Lu ce matin, in my chaotic and cosy kitchen

 

Il est de ce qu'on cherche dans l'écriture comme des nuages qui s'accumulent et menacent parfois, on sent que quelque chose accroche, ou qu'on tend vers une survenue, que ça va éclater, que ça fera sans doute mal mais qu'après tout s'éclaircira.

Je me suis aperçue ce matin en lisant ce texte de Catherine Voyer-Léger (1) qu'elle mettait les mots justes sur quelque chose qui allourdissait les miens depuis un moment sans que je parvienne à cerner l'origine du malaise. Je me sentais glisser vers l'impudeur de l'anecdote quand c'est d'expérience (sinon commune du moins partageable) que je souhaite parler. 

C'est d'ailleurs ce qui clochait dans un récent petit chantier.

La suite n'est pas évidente, on peut offrir d'abondants détails sans pour autant être dans l'anecdote et rester croyait-on assez larges, flous et distants tout en tombant vers le Ma-petite-histoire-qui-ne-regardait-que-moi, donc avoir pigé ne va pas pour autant rendre la navigation plus aisée. Il n'empêche que ça va mieux, que je me sens l'esprit clair, désencombré et que le ciel est enfin bleu (2).

Merci à l'amie de blogs un peu trop lointaine de géographie pour que je paie mon coup. Mais l'intention y est. Et peut-être qui sait, si vous passez un jour par Paris ?

 

 

(1) à qui je dois aussi d'avoir lu "La concordance des temps" d'Évelyne de la Chenelière  que je n'avais aucune chance de découvrir sinon : il n'était alors pas (encore) distribué en France et même à présent ça n'est pas gagné.

(2) pas le vrai hélas, et le fut même hier pour certains voisins terriblement vraiment pas