Des limites des opérations marketing quant à certains sujets.
Voilà 10 ou 15 ans (1) qu'un citoyen pas spécialement fortuné a dans ce pays la possibilité d'avoir (au moins) une adresse de messagerie électronique et que très rapidement tous ceux qui avaient quelque chose à vendre ou une sollicitation à exprimer ont envahi nos boîtes à lettres. Nous avons appris à nous en protéger, parfois d'ailleurs au détriment de vrais messages qui se retrouvent coincés.
Par ailleurs, les transfusions sanguines restant pour le moment nécessaires (2), et le système du don étant fort fragile dans une époque du "tout se paie" et du "chacun pour soi", il n'est pas surprenant que l'établissement français du sang multiplie les modes d'appels.
Me voilà donc par le biais de j'ignore quelle revente d'adresses et comme sans doute tant d'autres internautes, soumise ces temps-ci dans ma messagerie à cet envoi répété de leur part en manière d'injonction "Votre sang fait la différence".
Ça tombe précisément que mon sang n'est pas tout à fait ce qu'il devrait être, oh rien de bien grave, ça s'appelle béta-thalassémie et j'ai la chance inouïe de l'avoir sur un mode mineur ce qui ne m'empêche en rien d'avoir une vie. Le résultat de ce petit défaut de fabrication fait de moi une anémiée permanente, quelqu'un qui ne sait pas bien ce que c'est de n'être pas fatiguée - il m'est si exceptionnel de ne pas l'être que sur une vingtaine d'années je compte en peu de mois les jours où je ne l'étais pas, généralement grâce à l'amour, Johnny (3), ou autres moments de tellement belle vie ou si incroyable que la carcasse se laissait oublier (généralement pour mieux se venger dans les temps d'après) -.
Il m'arrive plus souvent qu'à mon tour de pleurer d'épuisement, de ne pouvoir faire un pas de plus, d'être foudroyée de sommeil sans même sentir venir, ce qui n'est pas sans danger. D'avoir dû renoncer à faire l'amour (4) parce que sans plus aucune force.
Toute ma vie durant et voilà qu'elle commence à être étonnamment un peu longue, mon sang, effectivement, aura fait la différence. On ne peut pas mieux dire. Je ne peux pas l'oublier. Il se passe rarement un jour sans qu'un moment de moins bien ne vienne me le rappeler. Et pourtant c'est pas faute de me battre, de "faire malgré", de bosser parfois plus que ceux de pleine santé simplement parce que c'est ma seule défense possible (5), du moins la seule qui semble à ma portée.
Donc voilà, mon sang, voudrais-je l'offrir, on n'en voudrait pas, je tombe sous le couperêt des deux premières conditions de rejet :
don de sang : pourquoi les contre-indications existent
Je ne les conteste pas, même si je trouve odieuses parmi les suivantes celles concernant l'homosexualité masculine. Qu'elle soit emballée sous une proprette apparence statistique sans doute peu contestable ne change rien à l'affaire, cette exclusion de principe peine.
Et je suis surprise, voire estomaquée, qu'un simple détartrage puisse empêcher quelques jours de donner. Je comprends très bien qu'il s'agit d'être extrêmement prudent et sais aussi de ceux qui périrent des conséquences d'une époque qui le fut moins. Donc sus à l'homosexuel anglais grand amateur de steack tartare de vache folle dont une carie hier a été soignée alors qu'il vient de se remarier (ah non zut il a pas le droit, donc : ) de changer de partenaire sexuel (6) depuis moins de 4 mois.
Vous qui lisez ce billet, si par chance formidable vous êtes de pleine santé, ni trop jeune, ni trop vieux (7), ni trop maigre (8), ni trop gros (9), et que vous menez une vie sexuelle remarquablement sage et monogamique (10) ainsi qu'une vie dentistique prudente et parcimonieuse, je crois qu'ils ont vraiment besoin de sang pour en arriver de solliciter à ce point-là, et ça peut arriver à chacun d'entre nous d'être demandeur demain. Donc vraiment, si vous pouvez, donnez. En pratique pour qui est éligible, ça ne semble pas compliqué.
C'est de l'être qui l'est.
Mais de grâce, système de gestion des appels aux dons, cessez d'envoyer vos sollicitations en masse avec des accroches à la con. C'est cruel. Inutilement.
(1) Bien sûr avant c'était déjà possible mais il fallait être large dans son budget et peut-être un peu bon technicien. Je parle ici de l'internet des familles, de celui qui en France a supplanté le minitel.
(2) J'imagine que tôt ou tard on saura s'en passer, synthétiser ce qui manque au patient malade, blessé ou opéré et rien que ça sans devoir recourir à la production artisanale et imparfaite d'un autre être humain.
(3) Hé oui !
(4) Du temps où j'étais encore capable d'intéresser un homme. Au fond, finalement, le problème est réglé.
(5) Ceux qui ont des maladies autrement plus graves et menaçantes savent encore mieux que moi ce dont je veux parler.
(6) Je connais quelques personnes, peu importe leur orientation sexuelle, que ce singulier dans le texte doit bien faire rigoler. Luc Ferry aurait-il sévi dans son élaboration aussi ?
(7) Passé 60 ans on peut encore mais c'est plus compliqué.
(8) Il faut peser plus que 50kg.
(9) Comme peut paraître étrange cet argument qui dit qu'en cas d'obésité les veines peuvent être difficiles à trouver. Est-ce vraiment la raison ? (ce n'est pas une question rhétorique, j'ai un doute d'ignorance)
(10) Je l'écris sans ironie, quand je suis amoureuse de quelqu'un qui m'aime, je suis monogame sans même y penser, y compris sur de longues périodes fougueuses et apaisées.