Et la mobylette sépara (2ème partie)
23 mai 2011
La première est ici
(hé oui 2 ans et 3 mois pour écrire la suite d'un petit billet et ce grâce à un film, "Coup d'éclat" vu hier, invraisemblable mais malgré cela très bien, avec une Catherine Frot extraordinaire)
C'était en effet devenu en quelques années un cadeau traditionnel de réussite au BEPC. Ce n'était pas sans cause : le lycée en ces banlieues était généralement plus loin que le collège et l'on montait donc d'un cran dans l'échelle de la locomotion. C'était d'ailleurs assez amusant : à l'école on allait à pied, au collège en vélo et au lycée en mobylette.
Pour les plus fortunés. Ou ceux aux parents tolérants. Les miens jouèrent la carte du risque, je pressentais que cette prudence parfaite cachait un budget serré et le désir aussi de souhaiter pouvoir encore en les limitant d'amplitude maîtriser mes déplacements. Ma mère avait l'inquiétude facile et mon père les a-priori de contrôle sur une fille d'un père méditerranéen. Je n'ai pas cherché à lutter mais j'ai eu tôt fait de m'instruire, grâce à de généreux copains, et avais vite appris comment faire rouler la mécanique, en cas de besoin.
Le vélosolex, qui eût pu présenter un intermédiaire intéressant ne semblait pas d'actualité, je me demande si l'on en fabriquait encore (il y eut arrêt de production, puis plus tard reprise mais j'ignore les dates). Je me souviens d'y avoir pensé comme d'une alternative possible, peu m'importait ce que les autres en pensaient (c'était pour les vieux pépés).
La plupart de mes potes immédiats possédaient des parents directifs ou peu fortunés, nous restâmes donc un petit groupe d'irréductibles malgré eux, mais qui se tinrent chauds et continuèrent à pédaler pour se déplacer. Il n'en demeura pas moins qu'une fracture sociale s'opéra parmi les adolescents entre ceux qui en avaient une et ceux qui n'en avaient pas. Ceux qui dès lors avaient une belle autonomie géographique et ceux qui étaient limités à la force de leurs gambettes.
Des amours se sont perdues pour cause d'un des deux non motorisé auquel on préférait un pair. Des amitiés essouflées. Des stratégies élaborées : partir à 3, une mob et un vélo, monter à deux sur la mob et se relayer (1).
Je me souviens d'avoir longtemps tenu le coup et fait des trajets hebdomadaires de 7 à 8 km pour piano et entraînement de football. D'avoir abandonné, lorsque mon équipe féminine ferma, faute d'entraîneurs, quand j'eusse dû faire 12 km pour le club le plus proche. Alors qu'en mobylette je les aurais faits.
Cela dit, je n'étais pas à plaindre : en échange de mon relatif peu de protestations, mon père m'avait promis qu'il aiderait pour La Voiture, jugée indispensable à une vie d'étudiant puis professionnelle, qu'il ne savait pas comment mais qu'on se débrouillerait. Il tînt parole, et joliment.
(photo à venir quand j'en retrouverai).
Ce qui fit de moi, comme je passai le permis à 18 ans 1/2 une des premières vraiment motorisée. Et dûment équipée d'une sagesse toute neuve : il est inutile d'envier les possessions du voisin, au tour suivant de la vie qui va, on sera peut-être le mieux loti et ça n'est pas une fin en soi.
N'empêche, pour l'abandon du foot par manque de moyens pour y aller (2), j'en avais pleuré.
(1) Il me semble, à vérifier, que les casques n'étaient pas encore obligatoires, ou ça commençait à peine et donc beaucoup était toléré. Un peu comme en voiture pour les ceintures de sécurité, dont l'absence d'utilisation était d'autant plus rarement verbalisée que certaines voitures n'étaient pas entièrement équipées ni non plus d'appuie-têtes.
(2) trajet d'un patelin de grande banlieue à un autre = fors le ramassage scolaire aucun transports en commun. Les cars emmenaient vers les gares où des trains allaient vers Paris ou vers la ville d'un cran plus loin. Mais en transversal, rien.