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Le jardin des voisins

Il y a quelques temps, mais c'est (hélas) encore vrai maintenant, en France.

 

Une fois de plus je me sens en phase avec un billet publié par Matoo. Moi vieille hétérote, lui jeune homo, on voit les choses de la même façon ce qui en soit est déjà un pied de nez aux idées reçues. La seule différence est qu'on ne prendra pas tout à fait les mêmes exemples, pour illustrer les mêmes idées (sourire).

Ainsi celui-ci de ses billets m'a fait irrésistiblement penser au jardin des voisins.

Ils habitaient un appartement de centre ville, un ensemble de peu d'étages, au rez-de-chaussée des maisons avec un jardinet et au-dessus d'autres logement. Par une bizarrerie architecturale leur appartement, plat mais long, surplombait deux logis avec chacun son petit terrain. L'un d'eux était assez sauvage quoique sans mauvaises herbes ni de trop hautes, un peu de fleurs un peu sauvages dans un coin et parsemés de jouets d'enfants. L'autre était pour partie recouvert de gravillons, tiré au cordeau, un massif de telle couleur ici, l'autre là, le gazon ras comme la chevelure d'un soldat, les 4 chaises réglementaires en plastique autour d'une table de jardin moulée et d'un blanc éclatant, malgré une pluie récente.

Nous étions elle et moi à la fenêtre ; pensives.

Elle rompit le silence :

- Quel dommage qu'il y en ait un si moche !

Elle parlait des jardins.

Je regardais celui tout militaire, celui qui ressemblait à une photo de magazine plutôt qu'à un jardin où passaient des humains et j'acquiescai :

- Oui, c'est un peu déprimant. Mais l'autre est joli au moins.

Et je tournais la tête vers celui habité, naturel, épanoui, quoiqu'un brin désordonné.

Alors, elle comprit :

- Mais non, je voulais dire l'autre, c'est celui-là qui est moche avec tout ce fouilli. Rien n'est soigné.

Nous avions pourtant été élevées ensemble mais nos référentiels étaient devenus à ce point disjoints.

(depuis, on se voit moins).

Moins personnel, plus récemment :

C'est une réunion mensuelle entre lecteurs passionnés dans une librairie amie. Nous lisons tous le même livre puis en discutons. Comme ça se passe le soir à l'heure du dîner, chacun s'efforce d'apporter un truc à boire ou grignoter, ou bien les libraires. Chips, rondelles de saucissons, gâteaux secs, vin de pays, rouge le plus souvent, de l'eau. Passe un soir un journaliste pour voir comment ça se déroule et faire de nos réunions un exemple dans un article. Afin d'illustrer que ces réunions quoique littéraires sont tout sauf guindées, il intitule le paragraphe nous concernant, Textes, vin rouge et saucisson, ou quelque chose de cet ordre. Certains d'entre nous y ont vu une sinistre allusion, un étiquetage xénophobe, quelque chose de dépréciatif. Moi qui suis assez susceptible sur tout ce qui ressemble à une exclusion et qui sais pertinemment que qui aime les livres d'où qu'il vienne est le ou la bienvenue, je n'y avais vu qu'un côté "Bonne franquette". Mais il est vrai qu'avec le sale climat qui règne en France (et pas seulement) en ce moment, cet angle des choses prête désormais à interprétations. Ce bon vieux saucisson ayant été instrumentalisé par les tenants de la discrimination, y faire référence devient connoté.

(zut alors, moi j'aime bien ça - et le picrate aussi - ; pour autant je ne ferme pas ma porte)

 

 


Complices au grand jour

Lundi soir, non loin de Guy Moquet

PICT0011

Je venais de passer une bonne soirée quoique déjà un peu étrange par certains points de vue, quand m'en retournant paisiblement je suis tombée sur cette injonction affichée sur une devanture illuminée a giorno.

Compte tenu du type de boutique concerné, j'ai vraiment cru qu'au cours de la soirée on avait dû basculer dans une 4ème, 5ème ou 6ème dimension. Qui est devenu fou, est-ce le monde ou moi ou bien un peu chacun ?


Jour férié

Lundi de Pâques, cette année

 

C'est en écoutant le choix de KMS qui date de samedi mais que je n'ai le temps de savourer qu'aujourd'hui, que la conscience m'est venue que le calme particulier de ce lundi était celui d'un jour férié.

Depuis deux belles années que ma vie professionnelle a totalement changé, que je me suis libérée d'un job qui n'avait rien à voir avec moi mais uniquement mes fins de mois, de toutes façons difficiles malgré ce sacrifice-là, les week-ends m'importent peu, de même que les jours officiellement non travaillés. Mon rythme n'a plus que peu à voir avec le calendrier général, je suis en permanence en activité, ne prends que le repos que le corps impose, n'ai plus besoin de vacances au sens où elle me furent jadis si nécessaires - c'était le moment de l'année où enfin je me retrouvais, ce qui m'a permis une fois sauvée de redevenir moi-même sans de trop graves difficultés même si ma vie sentimentale n'a pas franchement aidé -.

Et même si mon enfermement n'était pas apparent et tout à fait volontaire, il s'agissait tout bonnement de gagner sa vie, et je ne subissais de la part de l'entreprise aucune fascination (c'est bien, d'ailleurs ce qui me fut in fine reproché, n'être pas dupe et ne m'en pas cacher), quelque chose d'une expérience traversée dont on doit se sauver, et ce que raconte Claire Vajou  (1), aidée à parler par Olivier Germain-Thomas n'est pas sans faire écho.

Je suis bien placée pour savoir que quoi qu'on essaie de nous inculquer, on n'a pas toujours le choix, qu'il faut par moment accepter ce qui se présente sans quoi on perd logement, soins médicaux possibles et on manque de quoi manger ; que tout le monde n'a pas un riche papa prêt à vendre un immeuble pour vous acheter un lieu de travail sur un caprice de poupée. Je suis consciente d'avoir eu beaucoup de chances dans mes propres malheurs et celle de formidables rencontres, de celles qui sauvent si l'on parvient à saisir la main qui se tend. N'empêche, autant que possible, il est important de ne pas se laisser enfermer trop longtemps, et toujours s'efforcer d'aller vers ce pour quoi on est fait.

Le prix à payer : une vie de consommation faible, pas de voyages de pur agrément, pas d'achats superflus ou dispendieux, le moins possible d'appareils fragiles, un ordinateur jusqu'à l'extrême panne, des réparations qui traînent, personne pour faire à notre place le ménage qu'on ne fait pas, des mois sans un violon ou un appareil photo, et pour les enfants s'ils sont, des études sans filets (pas de rattrapage de gosses de riches possible, pas d'école coûteuse où l'on s'achète un avenir).

Mais en face, la liberté d'être soi-même, tout simplement, de n'être pas épuisé tout le temps et ni éteint, ni en danger (2).

En attendant, vive les jours fériés où l'on peut tous se retrouver qu'on soit livres libres de notre temps où qu'on l'ait aliéné.

 

(1)Merci à Armand Borlant qui m'a aidée à retrouver l'émission.

(2) À ce sujet, je recommande encore et toujours la lecture du livre "Des clous" de Tatiana Arfel.


Transparente comme un drapeau

Aujourd'hui, ici ou là dans Paris

PICT0013

Cette impression certains jours de n'exister qu'à moitié.

Un message reçu la veille, exprimant une forte inquiétude, on y répond donc vite, et la réponse qui reste ... sans réponse, laissant supposer que ça n'était pas si grave (1) ou au contraire vraiment, ou qu'on a trouvé d'autres interlocutrices entre temps et peu importe qu'on reste inquiète.

Peut-être pourrais-je en faire un métier d'avenir : vous me payez par inquiétude, tracas, angoisse d'échéance, une somme convenue et je la porte pour vous jusqu'à temps qu'elle s'atténue.

Un texto certes simple, certes sans urgence démoniaque, que j'envoie. Pas de réponse. Pas même après la fin logique de la journée travaillée.

Une femme ce matin qui a failli me foncer dedans, moi qui suivais d'un pas égal ma trajectoire logique, sur la droite d'un trottoir, elle qui s'est courtoisement excusée, je ne lui en veux en rien, j'aurais d'ailleurs pu ou dû avoir conscience d'un élément solide et mobile soudain proche, mais cette l'impression persistante que la presque collision m'a donnée que je n'avais aucune consistance matérielle, que je n'étais pas visible vraiment.

Plusieurs personnes (pourquoi toutes aujourd'hui ?) qui posent une question et n'attendent pas la réponse ou attendent une réponse que vous leur avez fournie, mais se comportent comme si vous n'aviez rien émi (aucun geste, aucun son).

Heureusement, la rencontre réelle avec une jeune femme que j'avais croisée par mots interposés et qui en semblait heureuse de cette réalité. Heureusement la gardienne qui me sachant seule m'a proposé un coup de main pour des cartons - elle m'avait donc aperçue, en plus d'être secourable -. Heureusement ces deux femmes accomodantes du guichet du Rond-Point, l'un de mes refuges, revues plus tard dans la journée mais en un tout autre lieu et qui m'ont reconnue avec sympathie. On pouvait donc me voir, même sans me connaître, et m'attribuer une apparence et qu'elle reste suffisamment stable pour permettre à nouveau l'identification. Elles n'impaginent sans doute pas combien leur joyeux "Oh, mais nous vous avons vue tout à l'heure au guichet !", pour elles anodin, m'aura fait du bien.

Demain, je m'habillerai peut-être de couleurs vives. Des fois que ça puisse aider. Mais je n'en peux parfois plus de devoir lutter pour n'être pas totalement fantômatisée.


(1) et que qui l'envoyait est déjà passé à tout autre chose dans sa vie.

[photo : à travers le drapeau ; dans Paris, aujourd'hui]

 

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le panneau (tomber dans le)

Aujourd'hui, Satin Lazare, puis Clichy

 

Devinez quelle a été ma première pensée en voyant cette affiche :

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En rentrant, j'ai eu un instant de peur en croisant cet autre panneau (peu importe la publicité qui y figure, elle n'est pas en cause ou du moins pas plus qu'une autre et je l'ai choppée au hasard du moment déroulant) :

PICT0003 J'ai cru que la partie avec grille, en dessous de l'affiche-même était destinée à permettre la sortie de sons. Déjà que les panneaux publicitaires sont devenus si  envahissants en ville, qu'ils représentent une agression permanente, autant qu'au moins elle ne demeure que visuelle.

Bon, j'étais pessimiste ou trop en avance sur ce coup-là. N'en demeure pas moins que je me demande bien à quoi peu servir ce dispositif.

(et là, quelqu'un me répondrait : pour les pubs de parfums diffuser des odeurs - sauve qui peut ! -)