Choses qui ne me concernaient pas directement, pas tant que ça, mais que pourtant j'en ai pleuré en lisant une dépêche ou en voyant les images à la télé :
1/ de rage, d'impuissance, de colère, de Ça n'a pas de sens, de Oh non, pas ça !
- l'assassinat du président Allende ;
- l'extrême-droite à un second tour en France pour des présidentielles ; dans une moindre mesure, l'élection de Nicolas Sarkozy comme président de la république en France et la première élection de Silvio Berlusconi en Italie.
- une explosion au décolage de la navette spatiale - je m'étais trouvée devant la télé à ce moment-là - 1986 ? (à vérifier) ;
- le Heysel, les morts, et que le match soit joué après ;
- la prise de pouvoir par Jaruzelski ;
- 11/9 ;
- les obsèques d'Yitzhak Rabin (plus que les images confuses de son assassinat) ;
- quand un joueur de l'équipe de France de ce temps-là (Patrick Battiston) s'est fait descendre (au sens littéral, mais il n'est pas mort) par le gardien de but de l'équipe adverse en phase finale d'une coupe du monde de football - parce qu'on y voyait en clair combien un humain peut être conditionné pour tuer afin de défendre un objectif pourtant fondamentalement futile (qu'un ballon aille ou pas dans un certain endroit) - ;
- un incendie dans une tour à Argenteuil dans les années 1970 et qui avait fait des victimes et dans le même ordre d'idée un Tupoleff qui s'était écrasé à Goussainville quelques années plus tôt ;
- les images verdâtres de la 1ère guerre du Golfe et ses frappes soit-disant chirurgicales (mais qu'est-ce qu'on veut nous faire croire, là) ;
- Tchernobyl, l'image du "sarcophage", et saisir à ce moment-là combien le péril n'était pas anodin et que bien que loin on en tomberait malades, sans doute, un jour (ou pas).
de façon décalée :
- l'assassinat du président Kennedy parce que bon je ne peux pas vraiment dire que j'y ai assisté, je suis vieille et j'étais précoce (?) mais il ne faudrait pas non plus exagérer ;
- l'assassinat de John Lennon, qui m'a touchée oui, mais à retardement - on était informés, oui, mais pas comme maintenant et ce n'est que plus tard que j'ai lu des précisions de celles qui laissent à penser que la mort aurait si facilement pu être évitée -.
de façon confuse, ce n'est pas l'image ou l'annonce elle-même qui déclenche quelque chose mais une compréhension induite concernant une situation qui dure depuis un moment :
- l'image d'Aldo Moro prisonnier, sur fond sonore d'un courrier, d'une communication qu'il avait fait parvenir, et non pas tant cette image qui était réutilisée jour après jour que le moment ou quelque chose, mais quoi (je ne comprends pas tout en italien à l'époque), me fait piger que ses "amis" politiques l'ont lâché, trop contents de n'avoir qu'à laisser ses geôliers s'empêtrer dans leur logique criminelle.
dans le même ordre d'idée : des images venues d'Irlande, Bobby Sands et ses camarades, le moment où je comprends que Margaret Thatcher ira au bout de son refus quoi qu'il en coûte et que donc il va mourir ce jeune type. Et qu'il y aura des gens pour estimer qu'elle a bien fait.
2/ de joie même si sans trop d'illusions pour la suite (parce que je ne les aurais pas très crues possible) :
- la chute du mur de Berlin ;
- les premiers pas sur la lune ;
- la libération de Nelson Mandela ;
- l'élection de Barack Obama ;
- Nadia Commaneci en état de grâce aux JO de Montréal (oui je sais, qu'est-ce que ça vient faire là mais j'en ai pleuré tellement c'était beau et pourtant la gym ne me passionnait pas) ;
- le départ sous la pression populaire d'Hosni Mubarak et son apéritif celui de Ben Ali ;
- l'élection de François Mitterrand mais je restais terriblement méfiante et extrêmement frustrée (j'étais trop jeune pour voter) ;
- une ou deux victoires de tennis (dont une de Mats Willander pour un Roland Garros ; une de Björn Borg peut-être ou deux ?) et alors que j'avais suivi le tournoi et que le match final possédait un bon sens de la dramaturgie. Cependant le souvenir a rendu flou ces émotions qui n'étaient que de passage.
D'autres choses bien sûr m'ont émues mais que j'ai vues sans écran ni photo ni texte intermédiaire, ou j'y étais ou j'en étais. D'autres m'ont marquées mais sans être liées à un moment précis, ni une image, par exemple les enlèvements en Argentine et le fait que les enfants nés en captivité soient confiés à des familles idéologiquement opposées ; la guerre à Sarajevo, qui semble si proche et si insensée ...
Pour certaines, j'ignore pourquoi, une forme de filtre a joué : jours où ma propre vie m'accaparait et me surmenait au point de ne prendre qu'au soir des nouvelles du monde ou le lendemain, annonces reçues sans détail et savoir seulement plus tard mais le choc est atténué (assassinats d'Indira Ganghi et de Benazir Bhutto, massacres, attentats), d'autres enfin où la stupéfaction l'emporte sur tout autre considération (tentative d'assassinat sur Jean-Paul II, coup d'état avorté en Russie).
L'internet a bien changé les choses, une nouvelle bonne ou mauvaise s'y trouve très vite relayée et à moins d'être volontairement déconnectés, on en prend connaissance avec une folle rapidité. L'émotion a donc davantage de chance de l'emporter.
J'ai un souvenir très précis d'apprendre la mort de Georges Harrisson par une une du Monde croisée à La Défense lors d'un midi d'Usine, concentrée sur le job, coupée de l'extérieur, et de m'être alors dit que c'était sans doute la dernière fois que j'apprenais par la presse papier la survenue d'un événement qui ne me laissait pas indifférente tout à fait (même si pas non plus affligée, ce n'est pas au même niveau que les autres éléments cités).
Je m'aperçois que spontanément j'ai écarté les catastrophes naturelles et leurs conséquences. Sans doute qu'elles me révoltent moins, qu'une part de fatalisme ancestral en moi sait les admettre et n'en pas pleurer.
Les éléments positifs ne sont pas si fréquents, les nouvelles du monde plus facilement sombres qu'ensoleillées, aujourd'hui est un grand jour équipé d'une belle admiration pour ceux qui se sont soulevés. Acceptons de remettre à plus tard les pensées rationnelles sur les lendemains qui vont déchanter, ceux qui veulent exercer un pouvoir sont si rarement ceux qui devraient.