Le mystère du passage clouté
Le mystère résolu de la mite géante

Cinq ans après

Force est de constater que si une jolie femme après avoir été quittée peut espérer raisonnablement trouver sinon un nouvel amour du moins un amant, quelqu'un qui perd une âme-sœur, c'est sans espoir de succession.

En lisant "Olivier" le livre si élégant (trop ?) de Jérôme Garcin sur son jumeau perdu, je reconnais bien des points. My own long-lost twin at least is alive. J'ai même eu le privilège de parler au téléphone avec celle qui est proche désormais et je la sais en de bonnes mains et comprends que je ne faisais pas le poids mes malheurs ma banque et moi - c'est plutôt pour cette personne que je m'inquiète en fait (1) ; sachant que qui a quitté quittera, je me tiens prête à venir confier les mots qu'il faudra -. J'espère encore pour elle que le moment ne viendra pas. C'est un deuil redoutable. Sur les cinq ans, deux ans de brouillard complet.

Celui qui m'a aidée au plus près à sortir du brouillard est aussi celui qui deux ans après m'y a replongée. Il est moins dense, et pas fuligineux, pas aussi dangereux. Depuis que j'ai lu Romain Gary, je crois que j'ai un peu compris. Mais je ne peux m'empêcher de croire que mal revenue d'entre les limbes après qu'on m'a éliminée, atteinte aussi par une limite d'âge que j'aurais franchie sans le savoir pendant ma période de peine, c'est moi qui suis finie.

L'amour me joue donc des tours, mais comme me faisait remarquer une amie, au moins il joue (avec moi) encore un peu.

Un bien pour un mal : d'être tombée au fond du trou et d'avoir joué de malchance au jeu de dé des voisinages professionnels et des incompétences managériales qui m'ont mise en présence d'un cas pathologique, je m'en suis finalement tirée par une forme de libération anticipée qui tient du ravissement.

Une seule certitude : il faut que j'écrive et sans plus tarder, que je cesse d'avoir des états d'âme et de vouloir ménager et que j'évite à la fois les écueils de la présomption littéraire, mon goût du cryptique pudique et de l'expérimentation et à l'autre bout celui du récit-confession (j'en vois qui tremblent, je n'irai pas, sachez-le, dormez en paix (2)). À force d'essais-erreur, je finirai, si du temps m'est encore accordé, par trouver la voix juste et la focale qu'il faut. Seulement avec cette amnésie physique que les circonstances et les chagrins m'ont collé et la fatigue permanente de la thalassémie (3), ce n'est tout simplement pas gagné.

Je dois beaucoup à quelques-un(e)s qui m'ont bien aidée à tenir le coup ou m'ont accordé une chance à des moments inattendus. Bizarrement il va me falloir attendre avant de pouvoir le faire vraiment.

Comme dirait un ami du sud, "On n'est pas rendu". N'empêche qu'en attendant la prochaine tempête, probablement par maladie, à moins qu'on se décide enfin nous aussi à faire la révolution, je n'ai à me plaindre ni d'avoir survécu, ni de l'accalmie.

 

(1) Elle dit ce qu'à l'époque je pensais, c'était pour moi l'évidence même et comme elle semblait partagée je n'ai pas su m'en soucier : la vie sans elle, je ne peux pas imaginer.

Je n'ai pas imaginé, j'ai bien été obligée de faire avec, c'est-à-dire sans.

(2) Un et un seul élément de ce qui advint est intransposable - j'y ai réfléchi dans tous les sens, c'était par trop unique - : ma participation au comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun. Nous y étions suffisamment nombreux pour que quoi que je puisse écrire reste assez anonyme (je crois ?).

(3) Je dois aussi écrire sur ce souci. Parce qu'hélas bien placée pour témoigner et que ça pourra aider d'autres personnes, que personne n'en parle jamais. Mais comment tenir tous ces chantiers alors qu'en même temps il faut gagner sa vie ?

 

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