Opéra Bastille, ce soir-même
Alors l'histoire c'est une sorte de Tristan et Yseult pour téléfilm du samedi soir, et ne jouez pas les petits surpris ni ne criez au spoïlage si je vous dis que Roberto et Juliette ils meurent à la fin.
En vrai dans l'histoire Roberto s'appelle Paolo et Juliette Svetla Vassileva que trop elle est bonne dans le rôle de Francesca, de toutes façons je suis pas jalouse, elle est jeune, elle est jolie, elle a depuis toujours travaillé sa voix, elle a pas fait 23 ans d'Usine, elle a pas poussé en banlieue (mais peut-être c'était pire, hein, après tout).
C'est l'histoire de trois frères, un boiteux, un borgne mais qui l'est pas tout de suite mais bon les sales blessures ça arrive quand on guerroie, et un beau (Roberto) et qui chante que c'est à se pâmer.
Roberto, je crois qu'il faudrait qu'on se calme toi et moi sur les spaghetti. J'ai 4 kg à perdre. Et toi ?
Mais la voix, elle, ne bouge pas. Ou si elle avait bougé, elle est revenue tout bien (voire mieux ? ce quelque chose de moëlleux qui fait qu'on a envie de lui tomber dans les bras, de s'y lover comme un chat mais en évitant de ronronner afin de ne pas la parasiter)
Paolo ne chantant pas durant la première partie où il se contente d'un simple tour de scène afin qu'on admire sa personne et que Francesca tombe amoureuse, ça permet de penser à tout autre chose : la semaine à venir, qui ne sera pas de tout repos, un embouteillage bruxellois, un baiser qu'on aimerait, d'autres qu'au moins on n'aura pas gâchés, un peu plus haut dans la journée, de la fatigue perpétuelle qui fait qu'on se limite pour ça et pour le reste, et qu'on s'endort partout, ce qui décourage les princes charmants (1), d'un meilleur ami soudain silencieux après pourtant un texto rigolard (au moins je suis certaine qu'il n'est pas fâché, mais alors quoi, cette inquiétude que j'ai toujours dans ces cas-là, ma vie ayant trop souvent mis des catastrophes sur les silences inexpliqués), de Wytejck dont j'ai vu une photo ces jours-ci et qui a changé de coiffure et de couleur de cheveux comme s'il voulait me ressembler du temps où l'on se fréquentait (voilà qui est curieux), "Aux bords du lac Baïkal" (2) petit livre de toute beauté, commencé la veille et laissé malgré moi de côté parce qu'il fallait s'activer mais je sens qu'il m'attend, Rimini, qui représente tout autre chose pour moi que ce qu'en fait cet opéra, et Francesca, prénom d'une amie perdue de vue après qu'elle avait divorcé, une nostalgie du temps où l'on venait à Bastille en bande de joyeux blogueurs à l'époque où les programmes ne puaients pas (3), l'anniversaire de Yannick Hamonic (je le lui souhaite joyeux s'il venait à passer, n'ai plus d'adresse où le joindre), des révolutions en cours ou prévues vent force 9 à 10 en provenance du sud et ne plus savoir suivre.
Bref, le premier acte a été bien rempli.
(Comment ça, je n'étais pas concentrée ?)
Du second je n'ai que peu suivi : j'écoutais Roberto, subjuguée et sentant par moment grâce au rappel d'une extase du temps d'avant ma première mort et que je dois à une Bohème dans laquelle sa femme d'alors et lui figuraient, se soulever, frémissant, le voile de l'amnésie.
Pas de chance pour moi, l'acte trois venu trop vite a mis fin à cette brise d'espérance, c'était reparti pour du plus guerrier, et j'avoue que William Joyner dans le rôle de Malatestino dall'ochio, était un méchant parfait, juste la bonne dose de second degré pour être irrésistible. On sent qu'il s'amuse dans le rire sardonique.
À peine le temps d'un petit Je t'aime et Roberto c'était fini. Y a pas, trépasser mutuellement dans les bras de son Grand Amour, ça a de la gueule. Dommage que ça ne m'arrivera pas (4).
Le rideau est retombé (5), sur mes sensations perdues le voile aussi, mais néanmoins cet espoir : peut-être que ça reviendra via tout autre chose que ce qui manque.
Les saluts frimaient un peu. Gilda suppute une romance entre Roberto et Svetla. Je n'en sais rien, étant aussi du sud je peux avoir des gestes très tendres d'affection spontanés sans qu'il s'agisse de romance à proprement parler, peut-être qu'en homme avisé il profitait d'une possible prolongation de la promiscuité des rôles, peut-être qu'en femme d'expérience et fine psychologue elle a raison, je peux simplement dire qu'à la scène ce couple fonctionnait et que leurs étreintes, comment dire, ... non ... rien.
La voix de Roberto Alagna m'a fait un bien fou dans une zone du fond du crâne où je n'accède plus guère et je lui en sais gré.
Pour un compte-rendu sérieux de l'opéra, voir chez Joël. J'ai juste vaguement perçu qu'on se baladait quelque part entre Verdi et Wagner (pour les chœurs particulièrement) sans l'ampleur de ces deux maîtres. Sans déplaisir non plus.
(1) Il est en effet prouvé que les compétences naturelles d'un prince charmant sont dans le réveil, pas l'endormissement. Si on leur attribue un rôle d'endormeur, il se mettent à faire de la résistance au changement, et après ce n'est plus une histoire d'amour mais un échec de management.
(2)de Christian Garcin
(3)J'aime l'explication de l'ami Jean-Michel lequel suppose qu'ils seraient à présent issu de telle ou telle fabrication particulière censée obéir à de sévères contraintes écologiques et que donc "ils ne polluent plus mais ils puent".
(4) Avec la chance que j'ai et si une maladie ne devance pas, je risque de mourir assassinée par la légitime d'un homme persuadée que c'est pour moi qu'il l'a quittée alors que je serai même pas au courant et que je n'aurais plus fait l'amour depuis 25 ans. Mon prénom appelle un destin amoureux ridicule et tragique, j'en connais une qui l'a vaincu mais moi pas.
(5) Au fait je n'ai pas bien saisi pourquoi ce portrait gris comme ceux des tombes l'ornait.