Disparue sur place
Pourquoi il faut mieux éviter de prendre un sandwich un lundi (dans un distributeur automatique) - partie I

Insoupçonnable

Lu ce matin

"Il parlait au téléphone avec la secrétaire de son département. Un de leurs anciens étudiants venait de mourir. Voix basse, émue. Dans une autre pièce, sa femme n'entendait que le timbre, les intonations, des bribes. Elle a cru à une conversation galante et lui a fait tout un cirque. [...] Elle refusait de croire qu'il s'agissait de la secrétaire (au physique insoupçonnable), elle n'avait qu'à faire le bis pour vérifier. [...] Il a refait la manipulation sur son appareil, devant elle : le numéro de la secrétaire est apparu aussitôt. Il est tranquille pour un an."

Hédi Kaddour, "Les pierres qui montent" entré du 24 janvier 2008


Dans un premier temps je me suis dit que je tenais là une jolie "apparence trompeuse" à joindre à ma collection. J'en ai comme ça plusieurs, Apparences trompeuses, Objets et meubles trouvés dans la rue, Objets et gestes oubliés ou désuets, et la toute récente Jambes interminables (1), que je m'efforce au fil de l'eau de compléter.

La voix basse et émue de l'encaissement d'une annonce de deuil est confondue avec du bas de complotage et de l'émotion de séduction.

Et puis le physique insoupçonnable m'a sauté aux yeux. Je sais que j'en suis.

Un jour, une fois, une seule, on m'a soupçonnée, une amie qui m'avait crue la cause de son délaissement, que j'avais pressenti mais que j'ignorais, et que ce fut un rude moment non seulement de comprendre ce qu'on me reprochait mais ensuite d'avoir à se défendre de quelque chose qui ne pourrait jamais arriver. On se défend difficilement de ce qui n'a jamais été envisagé. Elle m'accusait, je crois, en profond désespoir de cause, parce qu'elle ne voyait vraiment pas qui et non parce qu'elle m'estimait éligible.

Ce n'est pas une découverte, depuis plus de cinq ans je sais à quoi m'en tenir et même d'ailleurs avant (2), seulement le voir en deux et deux seuls mots si irrémédiablement exprimé m'a fait mal. L'absence de verbe en fait un état. Le rend irréversible. Je suis de ces femmes au physique insoupçonnable, il faut se faire une raison, on ne peut, dans ce cas et sauf exception, pas plaire aux garçons.

Il serait parfois si bon d'être apte à susciter le soupçon.

 

(1) Au fait si au détours d'un texte publié vous tombez sur une phrase esquissant un individu, généralement de sexe féminin par ses "jambes interminables" ou qualificatifs cousins, n'hésitez pas à me les envoyer. J'en ferai un blog lisible quand j'en aurais assez.

(2) La différence c'est qu'avant je croyais naïvement qu'on pouvait compenser l'absence de pouvoir de séduction physique par d'autres attraits, qu'il existait peut-être des hommes aptes à ne pas se fier qu'à l'apparence, capables aussi de faire l'amour sans être la première fois particulièrement attirés et d'y revenir ensuite pour cause de belle entente, loin des canons (de la beauté).

PS : À part ça, dans le texte, qui ensuite passe à tout autre chose et qui auparavant évoque d'autres sujets, je n'ai pas compris ce "pour un an" à mes yeux mystérieux. Un "il est tranquille pour l'instant" voire "pour un moment" m'eût semblé plus cohérent. L'auteur sait cependant des choses qu'on ignore. Et l'on peut rêver que l'insoupçonnabilité de la secrétaire n'est pas ce qu'elle semblait.

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