à Belleville vers minuit
Être dans de beaux draps

Non praevalebunt

Hic et nunc

 

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Un commentaire reçu par Mitternacht sur un de ses billets est si caricatural qu'il semble de parodie ou de provocation.

Sa réponse m'a émue.

Je viens de là dont elle parle ou à peine un peu moins loin. Ça tombe que je m'en sors à présent. Même si c'est pas gagné, le chemin du choix est enfin dégagé.

Il m'a fallu pour ça 20 années d'en chier. De ceux de ma banlieue j'avais cette chance, ce privilège, ce cadeau des bonnes fées ou de je sais quelle absence de ciel, pour avoir ce qu'on appelait en ce temps-là "des facilités". La chance corrolaire d'avoir des parents qui étaient prêts à faire "des sacrifices" pour que leurs gosses puisque bosseuses et bonnes en classe puissent ne pas dès 18 ans se mettre à travailler, même si nous n'étions "que" des filles. Cette 3ème chance d'être née dans un pays où des types avant nous s'étaient battus pour une école laïque, gratuite et obligatoire (1) avec des accès à des études supérieures au moyen de concours qui accordent place au mérite, le vrai, pas celui hérité.

J'ai bossé comme une damnée. Je m'en suis tirée. J'ai fait ce qu'il fallait. Donc oui, c'est possible.

N'empêche, c'était tout autre chose qui me convenait.

Née du côté de ceux qui ont les choix d'entrée de jeux, en garniture de leur layette, je serais déjà à l'heure qu'il est experte dans le domaine qui me passionnait. J'y suis à présent une vieille débutante qui dans la bataille a failli crever.

Alors le premier qui ose me dire en face qu'on fait ce qu'on veut de sa vie, que si on est chômeur ou smicard c'est qu'on l'a bien voulu, je risque de ne pas exactement lui faire bon accueil.

Et ce n'est pas parce qu'à titre individuel je m'en sors à présent que j'oublierai à quoi ça tient (un cerveau qui marchait bien, des parents qui faisaient de leur mieux, des instances de scolarité qui permettaient de s'accrocher, et des rencontres miraculeuses). La seule part qui m'appartenait fut de bosser. Je n'ai pas non plus oublié les moments où c'était épouvantablement difficile et risqué (santé).

Peut-être qu'il faudrait envoyer tout le monde faire vers 20 ans un stage ouvrier pendant  une année, vous gagnez le smic et avec ça vous devez vous nourrir et loger ; ressentir dans vos carcasses l'épuisement que ça met. Ça en ferait réfléchir certains (2).

 

[photo : au sortir de la BNF un vendredi soir d'automne d'été]

(1) Celle qu'on est en train de flinguer depuis un paquet d'années à coup de coupes budgétaires et de préjugés pourris.

(2) En fait même pas, c'est idiot, ils se débrouilleraient pour se faire exempter.

 

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