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11 octobre 2010
Gare Satin-Lazare, dans un sens puis dans l'autre, en fin de matiné, et ensuite le soir
Elles sont en jeans mais on sent que pas n'importe lesquels, et petite veste cintrée pour faire chic au-dessus. L'une a des talons malgré le matin, l'autre pas.
On a fait croire aux filles qu'il était féminin d'en porter, mais leurs chevilles plus tard ainsi que leurs vertèbres le leur feront payer.
L'une est blonde (fausse, forcément), l'autre non.
Et c'est celle-ci qui semble inquiète et en colère, parlant visiblement de l'une de leurs amies dont le bizutage a été rude et qui en a témoigné.
Coincée par le piétinement de la foule et même si je ne souhaite ni entendre ni écouter, je n'ai pas le choix.
- Ils ont fait la même chose aux garçons et aux filles. Les filles n'en pouvaient plus elles pleuraient ...
Quelques pas plus loin, en réponse à une question de la blonde :
- Non, ça elle m'a pas dit.
Puis
- Non, non quand même pas.
Et :
- Il n'y avait aucun membre du corps enseignant, ça n'est pas normal, ça.
Mais l'autre semblait indifférente au sort de leur camarade, à croire qu'il s'agissait d'une école dont elle avait raté le concours et que le bizutage aussi débile et humiliant qu'il ait été, elle le regrettait. Et pour l'heure se faufilait entre les voyageurs sans se soucier d'être deux.
Trop jeune pour avoir été elle-même bizutheuse et pourvue de remords.
En bas de l'escalator, les voyant prendre une direction j'ai délibérément choisi l'autre (pour le même métro).
* * *
Le panneau tarde à afficher la voie du train pour "Maison - La" ce qui fait qu'à son abord les humains s'accumulent. Foule dont la fatigue est palpable.
Elles sont toute jeunes, bien de leur banlieue, parlant toutefois un français d'adultes et moi que le mouvement général ou plutôt son absence (Bon alors quand est-ce qu'ils l'affichent ce train ?! ) a déposée auprès d'elles, suis tout de leur conversation pourtant confidentielle. Je comprends très vite qu'il s'agit d'une jeune femme contrainte de prévoir une IVG, qui craint qu'à force d'obstacles et de délais d'attente côté planning familial les choses échouent et que les copines ainsi qu'un garçon (le père potentiel ? un frangin compréhensif ?) vont se cotiser en vue de l'éventuel et très urgent plan B.
- Moi je peux donner 100 €, Thomas 100 aussi et Aïcha 100.
Puis elle suppute les potentialités de quelques autres. Elle est calme, pragmatique et déterminée. Je me dis qu'il doit être bon de la compter parmi ses proches amies. D'ailleurs le silence relatif de l'autre, qui pose de loin en loin une question mais brève, est plein d'admiration.
* * *
Est-ce une (sale) impression ou pour la condition féminine, depuis 20 à 30 ans ça ne s'est pas arrangé ?