un vendredi de file d'attente, Bastille
Les attentes désormais sont devenues plus longues, et les attendants moins nombreux : certains du groupe informel que Kozlika avait initié ont tellement pris goût à l'opéra qu'ils sont désormais abonnés, du moins ceux qui en avaient les moyens financiers. Parmi les autres d'aucuns ont quitté Paris, ou ne peuvent plus se libérer comme avant.
Est-ce une impression personnelle biaisée par mes relations amicales ? : mais voilà j'ai l'impression qu'en 5 ans les possibilités des uns et des autres quant à une liberté horaire vis-à-vis de leur travail (J'arriverai tard mais resterai après ; je pose en dernière minute finalement une RTT etc.) se sont réduites comme peau de chagrin.
Par ailleurs il se confirme que les guichets ouvrent plus tard, et le hall d'accueil aussi. C'est donc d'une heure debout dehors que nous payons nos places accessibles, contre une demi-heure l'an passé.
Arrivée à 7 heures j'obtiens le numéro 80 et me retrouve un temps séparée de mes camarades plus matinaux ou logés plus près.
Un groupe de dames discute Mises en scène, sujet inépuisable s'il en est. Des chanteurs, des voix on ne sait que trop combien les sentiments des uns et des autres obéissent à des critères de séduction, bien plus qu'intellectuels. On se hasarde finalement assez peu sur ce terrain passionnel. Comme en amour qui attirera l'un laissera l'autre de marbre. Seul(e)s quelques cas exceptionnels embarquent l'ensemble des amateurs (1).
En revanche les Mises en scène, en ces années (en cette décennie ? ces décennies ?) où la mode est à la mise en avant du metteur en scène et qui dès lors doit affirmer sa patte par des essais marquants, se prêtent joyeusement à débats.
Celle d'une récente Walkyrie (2) a révulsé les unes et ravi les autres, on y voyait entre autre des danseurs nus et étendus, figurant les soldats morts au combat se faire ramasser et laver par de solides teutonnes aux allures d'infirmières, puis qui se relevaient d'un pas mécanique, prêts à aller hanter d'autres cieux ou lieux. Ils étaient avant lavage entassés par lots et par le biais d'un maquillage efficace remarquablement sanguinolents. Peut-être aussi choisis parmi les plus minces d'une population où sont rares les gros.
Je n'avais vu qu'une chose : un rappel des images qu'on voyait (3) en classe, si ce n'est à la télévision de ces moments terribles de libérations des camps de concentration qu'avaient délaissés les nazis en déroute. Et ces monceaux de cadavres, la peau sur les os.
Et voilà qu'une des dames discutantes, à qui l'ensemble de la mise en scène avait beaucoup plus, vive et joyeuse s'exclame :
"- Ils étaient beaux, ils étaient nus, ça faisait du bien !"
Je dois manquer un tantinet de sensualité (4). Ou bien c'est la mémoire que j'ai en excès.
(1) Nataaaallliiiiiiiiiiiiiiie !
(2)article de Jacques Doucelin sur concertclassique.com
(3) J'emploie le passé uniquement parce que j'ignore ce qu'il en est actuellement. Je sais simplement que pour la shoah mes enfants sont au courant, qu'ils l'étaient déjà, me semble-t-il, à l'école primaire et que je n'avais en tant qu'adulte qui se doit de mettre au courant de ce qui précédait, qu'à répondre à des questions, fournir des compléments.
(4) Ou alors je suis encore plus désexualisée que je ne le craignais. Presque 5 ans après, ça n'est pas exclu.
PS : les liens plus tard, ma connexion de l'instant n'est pas tout à fait pratique. De même pour la taille du texte.
PS' : Pour mémoire numéro 80 et 3 guichets consacrés aux réservations ⇒ sortie vers 13h30