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Un grand Nicolas

Difficile à dater, Paris

P2260013 

C'est le billet de François Bon Est-ce toi ou moi qui suis loin ?  qui m'y a fait repenser.

De mon enfance banlieusarde et relativement abreuvée de télé, qui en ce temps-là avait pour souci l'édification et l'instruction du bon peuple (1), j'avais gardé l'idée que fors quelques trublions cabotins et qui la jouait en clowns, les écrivains étaient de doctes messieurs en costumes sobres s'exprimant sérieusement y compris sur des sujets qui ne l'étaient pas, avec un vocabulaire soutenu millésimé grand-papa y compris pour évoquer à mots couverts la gaudriole. Ou bien : ils étaient morts et en classe étudiés.

Tous me semblaient de lointains grands bourgeois. Autant dire que les martiens même(s ?) étaient plus proches de moi. Et puis il n'y avait pas de dame. Ah si, deux Marguerite que je confondais, alors que je savais qu'elles ne se ressemblaient pas. Pas leurs livres, en tout cas.

Sur d'autres rivages vivaient des auteurs de romans policiers, que je considérais eux (et elles, car il y avait des femmes, là au moins parmi eux) comme des potes, suffisait que je nage assez bien pour entreprendre la traversée ; alors que dans le premier cas c'était un voyage inter-planétaire qu'il fallait.

En attendant, puisque j'étais de ceux que la vie ne laisse pas voyager, et déjà sans entreprendre de grandes choses elle me semblait, l'existence, si difficile et harassante à mener que je n'envisageais rien d'autre comme possible (2), pour ne pas mourir sur place je lisais ce que les uns ou les autres proposaient. Sans trop d'écart de mondes, ou pas tant que ça à la lecture, ça m'allait.

Je prends à nouveau conscience aujourd'hui que si ce fut une rencontre précise qui a pour moi tout changé, et peu après celles dues à l'internet (3), ma perception des choses avait commencé à bouger un peu auparavant grâce à Johnny (4) et Nicolas Bouvier.

Il était venu, mais quand était-ce ?, un printemps je crois, 1996 ou 1997 ?, à la bibliothèque de l'Usine parler de son travail.

Le premier il m'aura donné l'envie. Une envie ambivalente puisqu'accompagnée de la certitude que jamais je n'aurais le niveau, forcément avec lui, c'était comme avec Rilke ou Virginia Woolf, placer la barre exemplaire un tantinet beaucoup trop haut.

Mais voilà, il disait que voyager était possible à tous, observer, transmettre, raconter. Que raconter bien était beaucoup de travail, surtout beaucoup de travail - et ça s'était pour me plaire, pas pour m'effrayer -. Il semblait dire aussi qu'il n'y avait ni besoin d'être "Fils de" ni fortuné pour essayer. Par sa présence même il témoignait qu'on peut avoir cette place au monde : vivre en s'y déplaçant, rencontrer les autres, laisser une trace écrite de l'époque et des lieux traversés, une façon d'avoir perçu.

Émanait alors de lui une grande gentillesse, celle de la sagesse acquise. Peut-être était-il déjà malade, pour moi c'était évident qu'il savait.

Il avait longuement parlé d'un ami peintre récemment disparu (ou très gravement atteint) et qui lui manquait.

À l'époque j'étais bien incapable d'exprimer mes sentiments, j'ai probablement plus timidement que d'autres demandé une dédicace en vue d'un cadeau (5), si je ne me suis pas éclipsée les yeux encore brillant vers un bureau gris où l'on m'attendait, mécontents d'un retard probable (6). J'espère qu'il avait perçu à quel point il avait été entendu et n'avait pas perdu son temps ce jour-là en allant parler à quelques salariés français.


[photo : les locaux, depuis utilisés par d'autres, ou la bibliothèque à l'époque se trouvait]


(1) Ce qui est terrible c'est qu'à l'heure de son abêtification systématique on en viendrait à regretter ces bons vieux relents de paternalisme.

(2) Olivier Adam dans son recueil "Passer l'hiver" ou plus récemment Florence Aubenas dans "Le quai de Ouistreham" ont su très bien l'exprimer, quand on est dans le dur de par la vie quotidienne et une logique d'arriver tout juste et à bout de forces à joindre les deux bouts, on arrive au mieux à se rêver des interstices et quelques améliorations mais on n'est pas capables (sauf si quelqu'un nous tend la main et nous sort de ce marécage) d'envisager tout autre chose. On pense simplement que C'est comme ça, c'est la vie, qu'on ne vaut pas mieux que le sort subi.

(3) en particulier à ceux qui y publiaient en feuilleton et répondaient (ça alors ! ) quand on envoyait au site un mot pour remercier de cette belle façon d'offrir à lire en attendant le bouquin papier.

(4) Hé oui ! Assumé.
(mais qui à l'époque ne soutenait pas la droite mafieuse)

(5) Pendant longtemps je n'ai vu aucun autre usage du monde des dédicaces, ce n'est que plus tard, après en avoir reçues de réellement personnelles, que j'ai un peu compris que dans certains cas ça avait un sens et qui pouvait compter.

(6) Bibliothèque d'entreprise : les rencontres avaient lieu de 12h30 à 14h00 (théoriques). Tout le monde ne pouvait pas rester sur l'ensemble de la durée et il fallait choisir : se cultiver ou se sustenter. Plus tard les conditions de travail se sont durcies, les budgets sociaux rétrécis, trop peu de gens avaient encore le courage malgré tout d'y assister, et les rencontres avec des auteurs se sont espacées puis ont disparu. Je leur dois beaucoup.



Quelque chose de drôle (rien à voir avec le billet précédent)

À peine plus tôt, au lit et dans un endroit propre mais indéterminé


Étant passée des siestes hibernatives hivernales aux siestes légères d'été - des premières je ressors sombre avec la sensation d'y avoir épuisé l'après-midi, des secondes fin prête à attaquer une délicieuse deuxième (voire troisième) partie de journée -, voilà que j'ai été tirée de mon sommeil par un fou-rire irrépressible.

C'est la première fois, je crois, que ça m'arrive.

J'aidais pour travailler deux amis qui tenaient un cabinet de quelque chose de médical, l'un en soignant, l'autre en assistant(e), et recevais moi-même des personnes à l'accueil. À un moment donné, alors que j'avais une personne en face de moi et pour quelque chose de supposé grave, je lui posais des questions, elle répondait, je notais, mes deux comparses passèrent par là et me firent une sorte de sketch (du comportement d'un de leur patient précédent ? d'un sujet d'actualité ?). Ils étaient d'une drôlerie fine, parfaite, complice, accordée, en rajoutaient juste un peu sachant que j'étais sensée continuer à être sérieuse et bien sûr je me montrais incapable de résister longtemps et partais dans une rigolade illimitée, à devoir me cramponner à la table afin de ne pas tomber.

Ce qui m'a tirée de ce rêve si sympathique, c'est que malgré la force sauvage du rire, je ne perdais pas ma respiration.

Quelque chose de mon cerveau a trouvé ça bizarre, donné l'alerte, et remise dans mon lit par un chaleureux lundi du mois de juin 2010.

Dommage, j'aurais volontiers continué à rire encore un peu. Le boulot et leur compagnie ne me déplaisaient pas.

[pas de photo : vous savez prendre vos rêves en photo, vous ?]


Quelque chose d'inquiétant

Ce matin, en une du Parisien et puis sur de site du journal Le Point

PRÉFETS - Jusqu'à 66.000 euros de primes au mérite

Il y a des effets très dommageables et pervers à mettre du mérite sur des données qui dans un monde civilisé ne devraient pas être quantifiables.

Par exemple qu'une banque offre des primes à ses employés en agence parce qu'ils auront réussi à refourguer un max de cartes bancaires bleu-blanc-rouge à leurs clients naïfs pendant la coupe du monde de football (1), ça ne fera grand tort à personne, baratinez beaucoup et amusez-vous bien.

En revanche, que soit quantifiés des objectifs dont la réalisation porte tort à autrui ou, comme dans le domaine médical, conduit à diminuer la qualité des soins au nom du rendement et de la très-sainte rentabilité et c'est peu à peu notre humanité et notre libre-arbitre qu'on met en danger.

(1) exemple farfelu choisi à dessein



Des emprunts sauvages et non autorisés

Sur l'internet hier et ce matin


Un camarade avait attiré mon attention et celle de quelques autres sur un article concernant le Nutella, et des réglementations européennes qui risquaient d'en réduire l'usage.

J'avais lu trop vite sans me méfier qu'il s'agissait d'un bête exercice d'Euro-bashing, pensé que ça intéresserait mes enfants à défaut de les amuser, transmis le lien sur mon "mur" facemuche. Et puis que ce produit est trop gras et sucré n'est pas faux. Le tout est comme en toutes choses fors l'amour et la lecture, d'être modérés.

Je n'avais pas bien vu la photo qui accompagnait l'article : plus lente à s'afficher, elle était masquée quand je l'ai lu par une de ces publicités parasites qui nécessitent qu'on clique pour s'en débarrasser. L'article était court, je l'ai parcouru sans prendre cette peine.

Au moment de partager le lien sur facemuche, une vignette s'affichait. On y devinait un enfant se régalant du produit précité, à s'en barbouiller.

Je l'ignorai donc mais il s'agissait d'une image extraite du blog d'une amie, laquelle n'avait été ni consultée ni créditée.

Qu'on se le dise et répète : ce n'est pas parce que textes, images et sons sont consultables librement sur l'internet qu'on peut se servir et en faire ce qu'on veut en republication. Ce n'est pas parce que c'est facile, ni parce qu'on ne prend pas nécessairement la peine d'estampiller nos images ou de mettre partout des avertissements de type "pas d'utilisation sans autorisation préalable", que c'est permis. Les lois s'appliquent ici aussi.

Tarquine le dit bien mieux que moi.

C'est pourtant si simple de se donner la peine d'envoyer un bref message afin de demander si l'on peut emprunter. La plupart d'entre nous dira oui (1) si l'usage prévu n'est ni commercial ni  à l'encontre de nos propres idées (2).


(1) Le seul cas sur lequel je suis restrictive est celui d'une image représentant nettement une personne, qui m'a accordé de la prendre en photo et diffuser sur l'un de mes blogs ou fotologs, mais pas nécessairement que ça s'égrène ensuite. 

(2) Mésaventure qui m'est arrivée en 2007 via un article anti-vélib pour lequel deux de mes photos avaient été détournées ; moi qui malgré leurs inconvénients et dysfonctionnement éventuels suis si contente qu'existent ces vélos municipaux.


Apparence trompeuse numéro deux ou trois

De bon matin, salle de bain

Il entre pour se laver les mains alors qu'après m'être lavée les dents, j'en suis à me peigner tranquillement.

Et il éclate de rire.

J'étais habillée normalement, j'en étais aux finitions ; dans la glace se reflétait ma tête de tout les jours, ni plus ni moins drôle qu'à l'habitude ordinaire ; je ne faisais pas de grimace particulière en démêlant mes cheveux.

Alors quoi ?

- C'est juste que, c'est juste que ... Toi, tu te peignes ?!!

Je fais signe que ben oui, évidemment, pourquoi il rit comme ça.

- Ben quand on te croise plus tard dans la journée, on dirait vraiment pas.

Et il repart de plus belle dans son hilarité.

Que je ne m'étonne pas, par après, que ma séduction soit très limitée.


La victoire (provisoire) des fausses valeurs et vrais pantins

Cher François,

Je me doutais bien que si les autres partaient vous aussi au bout du compte de l'antenne alliez disparaître ; quoique bien plus classe et subtil et fin. Je me doutais bien.

Il faut sans doute libérer le créneau horaire pour les exploits de l'équipe de France de football  de la bourse les cours glorieux.

Je vous suivais sur Dailymotion, pas à l'antenne. Depuis l'été 2003, en effet, je n'écoute plus guerre (1) Inter que lorsque quelqu'un d'autre l'allume dans la maison. Je fus pourtant longtemps de ces auditeurs que vous évoquez, de ceux qu'une radio accompagne. Pour moi c'était celle-là.

Et puis voilà, Mar(c)tin qu'on aimait tant au moins le fiston et moi, et qui nous évita pendant toute une année scolaire d'être en retard lui et moi (2) et c'était si bon une voix amie et un brin militante, pour prendre courage avant d'aller marner. Seulement ses propos avaient déplu à certains (déjà) et il y eut cette fin si moche et si brutale, un matin, musique classique, sans explication et le lendemain un bulletin de publicité (peut-on appeler ça de l'information) de laboratoires pharmaceutiques, présentés sans qu'on dise (3). Sans parler de la présidence du prix du jury du livre Inter qui lui fut alors subrepticement retirée.

J'ai décroché d'Inter à cette époque-là. Et ce ne sont pas les derniers développements qui m'y feront revenir.

Ils diront : ce ne sont que des intervenants ponctuels, des humoristes, certes. Mais quand dans le même temps un ministre mis en cause dans un scandale financier comportant une part importante d'évasion fiscale, n'est pas inquiété plus que ça et ne démissionne pas.

On peut se dire que peut-être la démocratie n'est pas en grande forme dans le pays où l'on vit.

En attendant, salut François. Et grand merci. Puissent vos chroniques du vendredi rester encore accessibles. Vous retrouver faisait partie des réconforts de nos fins de semaine et vous nous manquerez.

Et puis oui, moi non plus je ne suis pas parvenue à vous faire sourire, avec ce billet. Nous sommes attristés. Pourquoi le cacher ?


(1) C'était un lapsus mais je laisse comme ça.

(2) Pas de podcast ou dailymotion à l'époque, ou je ne le savais pas. Au mieux on pouvait, je crois, lire ensuite le texte sur le site. Si on voulait écouter sa chronique, la chaleur rassurante et convaincante de sa voix, il fallait être là et bien là, attentifs, à l'heure dite. Si on voulait être à l'heure, qui à l'école, qui au bureau, il fallait qu'on parte juste après. Nous devions donc être fins prêts au moment où l'ami prenait parole, fors chaussures et vestes ou manteaux. Motivés, ça marchait. Nous n'avons plus jamais, par la suite, retrouvé une telle ponctualité.

(3) La chronologie exacte et précise est ici


Très charmante vélibante

Vers Guy Moquet, à l'instant en rentrant

J'ai grand choix parmi les vélos de la station où je dois prélever celui qui m'aidera à rentrer après une belle belle belle mais très tardive soirée. Je prends le temps d'en choisir un à bonne taille et qui semble en bon état.

Soudain, derrière moi, juste quand je prenais mon pass navigo afin d'en débloquer un, une voix : c'est une jeune femme qui repose celui avec lequel elle vient de circuler.

- Attendez, me fait-elle, prenez le mien, il roule vraiment bien. Tout, les vitesses, les freins, les pneus, tout bien.

Alors j'obtempère et attends près d'elle patiemment, le temps que le voyant de rouge passe à orange puis vert, signe que l'engin est à nouveau disponible. Nous échangeons quelques mots sur l'état des vélibs qui n'est plus ce qu'il était quelques 3 ans (hé oui !) plus tôt.

- Bonne fin de soirée.

J'emprunte alors ce vélo précis. Le 07.

Et effectivement, il doit être d'une livraison récente et roule avec une limpidité digne d'un vélo professionnel. Pour un peu donnerait envie de faire trois fois le tour de Paris.

Ce que je ne fais pas. Mais j'en profite néanmoins pour ne mettre que 11 minutes pour rentrer, ce qui est peu par rapport au traditionnel quart d'heure / vingt minutes.

J'aime quand dans la ville je croise ainsi des humains qui ressemblent aux anges de Wim , et  donnent un petit coup de pouce, comme ça, pour rien.


La première fois que je mets des lunettes noires à l'opéra

Ce soir-même, Paris, Bastille

Marre, marre, marre de ces metteurs en scène qui pour masquer leur manque d'idées se contentent à un moment ou un autre d'un opéra fort bien chanté, d'en mettre plein la vue du spectateur.

Au sens littéral.

Un Simon Boccanegra il y a 2 ou 3 ans de ça m'avait été gâché comme ça.

Et ce soir, pour les Walkyries jolies, sur le dernier acte, on a eu droit à des projecteurs rouges plein face dans les mirettes. Pile dans un moment censé être crucial et peut-être émouvant.

Finalement l'après-midi (sur)chargée qui m'avait empêchée de repasser par la case maison me délester des oripaux de la journée pour attraper ceux du soir fut bénie : j'avais ainsi encore dans mon gros sac diurne une paire de lunettes de soleil.

Elles ont servi.

Lire la suite "La première fois que je mets des lunettes noires à l'opéra" »


Un message des éditions Antidata le 23 juin à 10:20

pour demain soir, à Montmartre

"C'est demain soir à 20h00 que L'Attrape-Cœurs organise une rencontre dédicace avec Gilles Marchand, à l'occasion de la sortie de son livre : Dans l'attente d'une réponse favorable.

Sachez que l'auteur :
- N'est pour rien dans les mauvais résultats de l'équipe de France de football.
- Ne fera pas grève et n'ira pas bouder dans un bus si vous le montrez du doigt.
- N'a pas prévu d'insulter son éditeur.
- N'a pas promis de vider son sac à son retour en France (étant donné qu'il se trouve déjà en France et que le contenu de son sac n'intéressera personne).

Pour ceux qui craignent les grèves de la RATP, celle-ci indique sur son site que 6 trains sur 10 fonctionneront sur l'ensemble du réseau... Autant dire, un trafic normal..."

Ce message était à l'origine publié sur facemuche mais tout le monde n'y étant pas inscrit, j'ai pris l'initiative sauvage de le reproduire ici.

infos pratiques : librairie l'Attrape-Cœurs
4 place Constantin Pecqueur
75018 Paris (tout près du métro Lamarck-Caulaincourt)