Madonna mia
26 janvier 2010
Les seuls instants de mon existence où je serais tentée de croire en un minimum syndical d'entité(s) divine(s), sont lorsque j'ai le privilège d'entendre certaines des plus grandes voix d'opéra ; de celles qui ont la classe intersidérale et laissent sidérés.
Elles dépassent le niveau possible d'une alliance entre la prédisposition et le travail obsessionnel monomaniaque et acharné qui permettent aux plus grands de l'être (quel que soit d'ailleurs le domaine de l'effort).Elles tiennent d'un état de grâce. C'est par exemple Alagna et Gheorghiu dans La Bohème fin 2003 (1).
C'était ce soir Natalie Dessay dans La Somnambula. Quelque chose de l'ordre de la beauté impossible même en rêve et qui survient pourtant. Très fragile, impalpable. Perceptible seulement par les vivants vivants ou de timides poètes. Pas tout du long mais par instants.
Son engagement dans le rôle est tel (elle ne joue pas Amina, elle EST Amina) qu'elle nous y entraîne. Je crois que j'ai vécu ce soir ma première histoire d'amour qui se terminait bien, malgré la force inouïe des apparences trompeuses.
J'en suis sortie épuisée, avec des étoiles dans les yeux qui se battaient entre celles de l'éblouissement sensoriel et celles du malaise vagal menaçant : toute ma tension était passée dans cette étrange et miraculeuse forme d'accompagnement.
Afin de me garder de toute crise mystique, mon existence se charge bien vite de me rappeler aux réalités, même si celles-ci sont moins dures cette année qu'elles ne l'avaient jamais été. Nous sommes néanmoins bien rentrés.
Et là, je dors (2).
(1) L'état de grâce chez les humains vous est d'un provisoire assez désespérant ...
(2) ... et j'écris en même temps. On ne se débarrasse pas d'un personnage réjouissant aussi facilement.[photo de téléfonino : la scène à l'heure des applaudissements]