Comme d'un vieil oncle (bien-aimé) apprendre le décès
11 janvier 2010
Vers 18 heures, avant un Rond-Point qui par ailleurs restera mémorable
Je m'apprête à sortir, jette un dernier coup d'œil à mes messageries, et voilà qu'une brève attire mon regard, Éric Rohmer est mort. Ce n'est pas une surprise il était très âgé et physiquement usé.
Je me sens aussitôt aussi triste que s'il se fût agi d'un vieux monsieur de ma famille, un oncle bien-aimé, pas vu si fréquemment mais tendrement aimé et admiré.
Il est l'un des cinéastes de mes 20 ans. Ça compte. Qu'on le veuille ou non.
Il y a aussi qu'il y a deux ans, je l'avais croisé, et que ce moment reste inoubliable. Il était en compagnie de ses actrices d'antan et il y avait un moment de bonheur de retrouvailles et d'estime et d'affection qui m'avait alors aidée à tenir pendant quelques temps et donné la force d'une rencontre et d'une tentative d'autres retrouvailles le mercredi d'après. Je leur en suis très reconnaissante, même si cette dernière a peu ou prou échoué.
Consciente d'être plus émue que je ne le devrais, en plus que je ne trouvais pas ses films sans défauts (mais néanmoins je les aimais), je voudrais partager le billet qui alors m'était venu. Peut-être aussi pour les plus jeunes et mes propres enfants qui ignorent qui le cinéaste était.
Mon chagrin de bécassine et l'âge du capitaine
"[...] De la même façon que je dois à Marcel Pagnol la révélation que les livres étaient écrits par des êtres humains qu'on appelait les écrivains (2) et non pas par des sortes de robots ou des équipes de travailleurs qui auraient enfilé des mots (3), je dois à deux réalisateurs et aux ciné Actions qui avaient programmé des rétrospectives ou des festivals de leurs films la révélation de l'existence de leur métier.
J'étais étudiante à Paris et découvrais du moins aux mois corrects ou aux jours de grève des restau. U (le prix du repas équivalait presque mais pas tout à fait à celui de l'entrée tarif réduit au ciné) le privilège du choix au cinéma. Jusque-là c'était tel film passe au ciné de ma banlieue on y va si on peut. Il y a une et une seule salle. On ne peut pas enfant si personne ne consent à nous y accompagner, on n'y va pas plus grands parce qu'on a trop de devoirs à faire ou pas assez d'argent (de poche) ou que des parents pointilleux ont décidé que ce film n'était pas convenable, ou qu'on était trop enrhumé(e) pour parcourir les 2 km à pieds.
L'un d'eux est Ernst Lubitsch. [...]
L'autre est Eric Rohmer.
Avec un couple d'amis nous prenons rapidement l'habitude après avoir
lors d'une rétrospective rattrapé notre retard, d'aller voir chacun de
ses films dés la sortie. J'aime la façon de parler de ses personnages,
un peu trop chic propre mais pas tant que ça, j'aime qu'ils
se parlent beaucoup mais pour se dire tout autre chose que "T'as pensé
à acheter le pain ?", "C'est trop cher", ou "Arrête de lire, viens avec
nous". Eventuellement si, "C'est trop cher" ils peuvent se le dire mais
pour des plaisirs optionnels ou des locations d'appartement. Ils ne
souffrent jamais longtemps du froid ou de la faim, et leur problème de
maison ou d'amours c'est d'en avoir trop plutôt que pas (6).
Pour moi c'est reposant, mais pas non plus trop loin. [...]"
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