entre jeudi 28 et vendredi 29 janvier 2010, à Paris, Montreuil, Boulogne, Clichy et Bruxelles et near New-York en pensée.
Le jour de la mort annoncée (1), je pensais à mon meilleur ami dont je suis sans nouvelles depuis quelques temps.
J'avais passé une bonne journée. Deux rencontres qui j'ignore pourquoi, j'ignore comment, vont compter. Entre les deux une lecture importante pour moi (2) et ce bonheur inouï de pouvoir lire dans la journée, quand il faut, quand je veux. Tant que mes yeux voudront, je ne m'en lasserai pas.
Le jour de la mort annoncée, un rendez-vous manqué, mais de façon amusante. C'était de toutes façons des retrouvailles légèrement ironiques avec mon très lointain passé. Peut-être était-il préférable que j'en reste au souvenir. Décevant d'apprendre qu'un héros de son enfance est tenu par sa coûteuse et plus très tendre au point de lui obéir quant à l'heure de rentrer.
Les hommes aimeraient-ils qu'on les mène méchamment plutôt que d'être respectés ?Et puis en ouvrant l'ordi, cette brève qui dit que celui qui s'était retiré du monde en pleine gloire et n'avait plus souhaité publier s'est retiré pour toujours de tout le monde entier.
Le jour de la mort annoncée, j'ai tenté de me dire : mais qu'est-ce que ça peut bien changer ? Il n'était déjà plus là.
Je n'y suis pas parvenue.
Je n'ai pas pleuré. Ou peut-être si ? Mais
Le lendemain de la mort annoncée, j'ai pataugé dans ma journée, comme pour un deuil intime. Le café qu'on se prépare et qu'on oublie d'avaler. La lessive qu'on sort à moitié, les spaghetti qu'on laisse cuire bien au-delà du al dente. Ah si, quand même, je paie le téléphone et l'électricité.
Le lendemain de la mort annoncée, j'ai parlé avec Simone. C'était prévu. Mais on est soudain passées dans une autre recherche. Je sors apaisée. Chagrins numérotés. Ne pas tout mélanger.
Le lendemain de la mort annoncée, comme j'étais en avance, je suis passée à Shakespeare and Co pour acheter ce qui doit être mon 4ème exemplaire de "The catcher ..." mais celui-là je vais le (re)lire sans le laisser sombrer dans une pile. Et des poèmes de Sylvia Plath que le livre de Claude Pujade-Renaud m'aura donné envie de (re)découvrir.
Je pense à mon ami Sébi, un peu perdu de vue et pour qui l'année doit être douloureuse. Ne trouve hélas pas le temps de lui écrire. J'avais découvert Sylvia grâce à lui.
Le lendemain de la mort annoncée, je rencontre au café un ami que j'espérais voir sur son lieu de travail juste après. Nous lisons le journal, lui Libé, moi le Monde. J'aime ce genre de partage. Être ensemble, sans forcément causer. Et le peu qu'on cause va compter.
Il m'a offert ma bière sans que j'en ai rien vu (la classe).
Un texte d'une romancière haïtienne laisse tout le monde bouche-bée. Le meilleur de l'écriture.
Le lendemain de la mort annoncée je comprends qu'un secours trop précoce n'est pas bon. Ou plutôt puisque pour le général je le savais, je comprends que c'est l'erreur que j'ai commise dans ma vie privée. Vouloir aider trop vite et trop concret.
Le lendemain de la mort annoncée, je vois un film manqué par cause de son succès le dimanche qui précédait. L'acteur principal est présent. C'est passionnant. J'en pleurerais presque de ne pouvoir plus partager. Le film m'agace mais néanmoins me plaît. L'envie de retrouver "The catcher ..." m'en fait trouver la fin longue. Reste un brin de réconfort : avoir les mots plus séduisants que la tronche n'est peut-être pas rédhibitoire.
Mais pour une femme ? Et plus toute jeune ?
Le lendemain de la mort annoncée, je lis, je lis, je lis. Et c'est la seule activité qui fait passer le deuil ressenti et l'inquiétude pour mes absents personnels. Round up the usual absentees.
Nous laisserez-vous lire ce que vous écriviez ?
Dans la nuit de la mort annoncée, j'ai écrit pour un ami un texte où je vous confiais un message pour quelqu'un que j'admirais.
(1) de J. D. Salinger
(2) en raison entre autre de sa connexion avec des sujets qui me tracassent particulièrement en ce moment. En plus qu'il est fort bien écrit. Et si juste. Il s'agit du livre d'Arnaud Cathrine "Le journal de Benjamin Lorca".
[photo : au Méliès de Montreuil]
billet esquissé le 30 janvier mais finalement rédigé le 1er février vers 1h am