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Ne vous fiez jamais aux seules images

De nos jours, avec un simple ordinateur, quelques bons copains pour la figuration, du savoir-faire accessible, et sans doute pas mal de temps, on peut sortir des images dignes plus fictives que celles d'un grand film hollywoodien et si réalistes. Je le savais mais ils le prouvent. Ne jamais se fier directement à ce qu'on nous montre aux JT.

Veuillez installer Flash Player pour lire la vidéo


Bravo à ceux qui ont concocté ce sujet. Merci à Gilsoub pour le lien.

Il y a un an passé, j'ai été apparemment trompée par mes propres yeux ; les mots étant eux-mêmes sujet à interprétation, je me demande à quoi se fier.


Les incompréhensions

today, kitchen reading

"Les mots tuent, l'absence de mots aussi. Une patiente qui m'était chère fut un jour cruellement blessée par une phrase à double signification: elle ne retint que celle qui correspondait à sa souffrance interne, sans même que j'en prisse conscience au moment même. Je ne la revis pas, et tous mes efforts d'explication butèrent sur ce qu'elle avait pris pour du mépris alors que je souhaitais simplement la réconforter. Dix ans plus tard je maudis encore mon incompréhension et regrette de ne pas avoir mesuré à temps le contresens. [...]"

Ces mots de Carl Vanwelde, étaient si précisément dans le fil de mes pensées de l'instant où je les ai lus, que je ne saurais rester sans les partager.

Il nous offre en prime une splendide citation de Gilbert Cesbron, cet auteur que j'ai apprécié et qui était apprécié dans ma jeunesse quand il semble avoir de nos jours totalement disparu.

Au sujet de ceux qui me semblent injustement oubliés ou leur travail perçu pour autre chose que ce qu'il est, ma petite contribution.

C'est par là chez Mar(c)tin (merci encore à lui de nous offrir de si bons sujets d'exercices).

Ceux qui me connaissent bien auront compris qu'il s'agit de madame Highsmith, que j'admire à plus d'un titre.


The mysterious mister Mistry

Ce soir, in my quiet kitchen

  

J'étais en train de me cramponner pour ne pas désespérer, "le samedi soir quand je peux j'écoute pousser mes cheveux", me dire que la maison en effet collatéral des derniers développements était en train de perdre ses pannes, ce qui me fait marrer en plus de redevenir confortable, quand via Christine Genin, m'est parvenu un lien vers cette vidéo.

Bizarrement, je n'ai pas eu l'ombre d'un doute quant à ce que je voyais, mais quand au fait que ces inventions seraient en open source. Le point "trop beau pour être vrai". Il semblerait cependant bien que même ça soit bien réel. Qu'il existe encore des humains comme ça est un mystère pour moi. À une époque où être partageux est si dépassé que même dans la vie privée avoir ce type d'attitude crée des malentendus, ça me paraît tenir du miracle. Ou bien : ça n'est pas possible, ça ne va pas durer. En attendant et même si demain, je dois une fois de plus être frappée de désillusion, là maintenant, profitons.

  

Pour ce qui est des réflexions subtiles, je laisse les mots à François Bon, et pour la part technique à l'inventeur lui-même.

Et bien sûr des limites au rêve, qu'on peut commencer à pister par là (merci @Padawan pour le lien), mais ce soir je n'en ai pas envie, non, pas.

Stéphanot, tu vois, ton idée de pouvoir s'envoyer par un scanner des objets plats et qu'ils se reconstituent chez l'ami destinataire, on s'en approche pas à pas.

Bon sang, pour la première fois depuis des semaines et des mois, j'ai envie de vivre un peu vieille afin de voir la suite. Et si j'avais 20 ans de moins je me ferais cinéaste pour réaliser le film, loin des canons holly ou bolly-hoodiens.

Thanks mister Mistry.


Du jour au lendemain (Boy, it's been such a goddam book, we all miss you)

entre jeudi 28 et vendredi 29 janvier 2010, à Paris, Montreuil, Boulogne, Clichy et Bruxelles et near New-York en pensée.

P1290014

Le jour de la mort annoncée (1), je pensais à mon meilleur ami dont je suis sans nouvelles depuis quelques temps.

J'avais passé une bonne journée. Deux rencontres qui j'ignore pourquoi, j'ignore comment, vont compter. Entre les deux une lecture importante pour moi (2) et ce bonheur inouï de pouvoir lire dans la journée, quand il faut, quand je veux. Tant que mes yeux voudront, je ne m'en lasserai pas.

Le jour de la mort annoncée, un rendez-vous manqué, mais de façon amusante. C'était de toutes façons des retrouvailles légèrement ironiques avec mon très lointain passé. Peut-être était-il préférable que j'en reste au souvenir. Décevant d'apprendre qu'un héros de son enfance est tenu par sa coûteuse et plus très tendre au point de lui obéir quant à l'heure de rentrer.

Les hommes aimeraient-ils qu'on les mène méchamment plutôt que d'être respectés ?

Et puis en ouvrant l'ordi, cette brève qui dit que celui qui s'était retiré du monde en pleine gloire et n'avait plus souhaité publier s'est retiré pour toujours de tout le monde entier.

Le jour de la mort annoncée, j'ai tenté de me dire : mais qu'est-ce que ça peut bien changer ? Il n'était déjà plus là.

Je n'y suis pas parvenue.

Je n'ai pas pleuré. Ou peut-être si ? Mais

Le lendemain de la mort annoncée, j'ai pataugé dans ma journée, comme pour un deuil intime. Le café qu'on se prépare et qu'on oublie d'avaler. La lessive qu'on sort à moitié, les spaghetti qu'on laisse cuire bien au-delà du al dente. Ah si, quand même, je paie le téléphone et l'électricité.

Le lendemain de la mort annoncée, j'ai parlé avec Simone. C'était prévu. Mais on est soudain passées dans une autre recherche. Je sors apaisée. Chagrins numérotés. Ne pas tout mélanger.

Le lendemain de la mort annoncée, comme j'étais en avance, je suis passée à Shakespeare and Co pour acheter ce qui doit être mon 4ème exemplaire de "The catcher ..." mais celui-là je vais le (re)lire sans le laisser sombrer dans une pile. Et des poèmes de Sylvia Plath que le livre de Claude Pujade-Renaud m'aura donné envie de (re)découvrir.

Je pense à mon ami Sébi, un peu perdu de vue et pour qui l'année doit être douloureuse. Ne trouve hélas pas le temps de lui écrire. J'avais découvert Sylvia grâce à lui.

Le lendemain de la mort annoncée, je rencontre au café un ami que j'espérais voir sur son lieu de travail juste après. Nous lisons le journal, lui Libé, moi le Monde. J'aime ce genre de partage. Être ensemble, sans forcément causer. Et le peu qu'on cause va compter.

Il m'a offert ma bière sans que j'en ai rien vu (la classe).

Un texte d'une romancière haïtienne laisse tout le monde bouche-bée. Le meilleur de l'écriture.

Le lendemain de la mort annoncée je comprends qu'un secours trop précoce n'est pas bon. Ou plutôt puisque pour le général je le savais, je comprends que c'est l'erreur que j'ai commise dans ma vie privée. Vouloir aider trop vite et trop concret.

Le lendemain de la mort annoncée, je vois un film manqué par cause de son succès le dimanche qui précédait. L'acteur principal est présent. C'est passionnant. J'en pleurerais presque de ne pouvoir plus partager. Le film m'agace mais néanmoins me plaît. L'envie de retrouver "The catcher ..." m'en fait trouver la fin longue. Reste un brin de réconfort : avoir les mots plus séduisants que la tronche n'est peut-être pas rédhibitoire.

Mais pour une femme ? Et plus toute jeune ?

Le lendemain de la mort annoncée, je lis, je lis, je lis. Et c'est la seule activité qui fait passer le deuil ressenti et l'inquiétude pour mes absents personnels. Round up the usual absentees.

Nous laisserez-vous lire ce que vous écriviez ?

Dans la nuit de la mort annoncée, j'ai écrit pour un ami un texte où je vous confiais un message pour quelqu'un que j'admirais.


(1) de J. D. Salinger

(2) en raison entre autre de sa connexion avec des sujets qui me tracassent particulièrement en ce moment. En plus qu'il est fort bien écrit. Et si juste. Il s'agit du livre d'Arnaud Cathrine "Le journal de Benjamin Lorca".

[photo : au Méliès de Montreuil]

billet esquissé le 30 janvier mais finalement rédigé le 1er février vers 1h am

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Non je ne suis pas Bidot Jean-Franquois

today, à plusieurs reprises

Depuis un moment déjà, je ne réponds plus guère aux appels sur le téléphone fixe.

Une raison pratique : je passe mon temps dans ma cuisine qui est mon lieu de travail et les appareils sont à l'autre bout de la maison. Le temps que j'entende sonner, si j'entends (puisqu'en plus souvent j'écris musique au casque, branché sur l'ordi), que j'ôte mon casque, sauvegarde l'en-cours, me lève et fasse les 15 ou 20 pas nécessaires, il est trop tard pour prendre l'appel.

Deux autres :
- mes ami(e)s intimes m'appellent sur mon téléfonino, que généralement je garde à portée de main. Ou bien m'envoient des mails (oui, j'ai du retard dans les réponses, pardon).

- les lignes fixes ont été presque entièrement polluées par les appels commerciaux, il est devenu rare, à part amis des enfants de recevoir sur les postes fixes des appels personnels.

Ces appels destinés à nous vendre ci ou ça laissent rarement de traces. Personne ne répond, personne ne rappellera.

Mais depuis quelques temps certains sont passés à l'aide de robots bavards et comme par je ne sais quel réglage involontaire, je reçois un texto (1) pour m'avertir qu'un message a été déposé, me voilà à écouter sur mon téléfonino cet étrange monologue, offert par une voix pseudo-féminine d'aéroport à laquelle on n'a pas totalement appris le français :

"Si vous êtes Bidot Jean-Franquois veuillez appuyer sur la touche 1, sinon veuillez appuyer sur la touche 2" - Le répondeur (et d'ailleurs personne dans cette maison) n'étant ni Bidot ni Jean-Franquois ni capable d'appuyer sur aucune touche, la proposition se répète trois fois, puis se conclut par un "Aucune réponse n'a été détectée, nous vous rappellerons ultérieurement", auquel j'aurais envie de rétorquer que nous n'y tenons pas.

Je serais néanmoins curieuse de savoir quelle est l'instance commerciale qui se permet de contacter les prospects comme ça, en ne leur accordant pas même l'aumône humaine et en donnant des ordres, même sur un ton poli.


(1) Évidemment ce genre de mésaventure survient de préférence en période d'attente inquiète de réels textos de la part de personnes auxquelles nous tenons et dont nous attendons des nouvelles avec une impatience triste.


Qu'as-tu fait, pauvre Christian ?

aujourd'hui dans le métro

26012010(001) Second changement de ceux qui en métro me mènent chez le kiné. La séance était prévue, ce corps vieillissant que d'aucun font surplus, j'y tiens encore un peu puisqu'il a survécu alors je l'entretiens, mais une épaule droite douloureuse me la rend nécessaire. Vraiment. Pressé. Urgent.

Et puis cet homme est maître en tensions qu'on apaise. Comme j'ai encore peiné quelqu'un en voulant secourir, j'en ai grand besoin. Je ne suis pas un Ange de Wim ou bien si maladroit.

26012010
L'attente et le tracas me rendent un brin distraite. 

Mais néanmoins.

Des mots écrits en rouge sur une grande affiche à fond blanc vantant l'expo MacVal de Boltanski Christian attirent mon attention.

J'avais été déjà impressionnée par la couverture médiatique de son Monumenta au Grand Palais. Et là, presque toute la station est pourvue de publicités concernant son travail, navettes depuis le Grand Palais jusqu'au musée excentré. Quel traitement somptueux (1).

Les mots en rouge, en fait, semblent le déplorer.

Mais sur un mode étonnant : l'œuvre n'est pas vraiment attaquée, il n'y a pas d'insultes, rien de l'habituelle agressivité des protestataires, non, simplement un message hélas anonyme, envoyé à l'artiste, presque une forme de post-supplique cryptique à l'adresse d'un ami perdu :

"Quelles compromissions, aberrations, délations, quelles ventes d'amis en esclavage, quels vols ont été tiens ? L'heure toujours, le déluge etc ... tes amis en châtiment à la hauteur ton art ? Qu'as-tu fait pauvre Christian, qu'as-tu osé faire ou ne pas faire ?" dit l'étrange prose.

Ma première pensée est qu'il ne fait pas bon être un artiste reconnu en période de pouvoir contestable. Le succès se trouve immédiatement entaché, que ce soit le cas ou non, par un soupçon de collaboration (2).

La deuxième, qu'on se croirait pour un peu aux USA du temps du Maccarthysme, il y a les termes de délation et vendre ses amis. Charmant climat.

Vivement qu'on change de gouvernement !

Qu'il ne s'agit au fond de sans doute guerre plus que l'expression d'une jalousie, avec traditionnelle pointe de plagiat sous-entendu. Pour avoir vu un jour des amis se fâcher à cause d'une question d'heure vide du décalage horaire printanier sujet d'une de leurs conversations privées, dont un exemple ressortait dans le livre de l'un d'eux et l'autre revendiquait la paternité, je me dis que l'accusation est souvent abusive.

Mais la conclusion ressemble un peu à une bouteille à l'amer, et m'a si fort fait songer que je n'étais probablement pas la seule à avoir l'ombre regrettée d'un Wytejczk dans ma vie, que finalement cette étrange missive m'a touchée. Et que peut-être elle rappellerait au principal concerné qu'il a un vieux pote que ça fait longtemps qu'il n'a pas rappelé et qu'il pourrait être judicieux de ne point attendre après le déluge.


(1) Loin de moi l'idée de sous-entendre qu'il serait immérité, je ne m'y connais pas assez en art moderne et en plus n'ai pour l'instant vues ni l'une ni l'autre des expos et crois que son tout récent bouquin est rudement bien. Je veux simplement constater qu'à l'ordinaire l'art n'est pas si bien traité (et d'ailleurs le déplorer).

(2) Je suis la première à réagir, peut-être à tort, ainsi. Quelques légions d'honneur relativement récentes me tracassent un peu.

[photos de téléfonino in situ]


Madonna mia

tonight, Bastille

25012010 Les seuls instants de mon existence où je serais tentée de croire en un minimum syndical d'entité(s) divine(s), sont lorsque j'ai le privilège d'entendre certaines des plus grandes voix d'opéra ; de celles qui ont la classe intersidérale et laissent sidérés.

Elles dépassent le niveau possible d'une alliance entre la prédisposition et le travail obsessionnel monomaniaque et acharné qui permettent aux plus grands de l'être (quel que soit d'ailleurs le domaine de l'effort).

Elles tiennent d'un état de grâce. C'est par exemple Alagna et Gheorghiu dans La Bohème fin 2003 (1).

C'était ce soir Natalie Dessay dans La Somnambula. Quelque chose de l'ordre de la beauté impossible même en rêve et qui survient pourtant. Très fragile, impalpable. Perceptible seulement par les vivants vivants ou de timides poètes. Pas tout du long mais par instants.

Son engagement dans le rôle est tel (elle ne joue pas Amina, elle EST Amina) qu'elle nous y entraîne. Je crois que j'ai vécu ce soir ma première histoire d'amour qui se terminait bien, malgré la force inouïe des apparences trompeuses.

J'en suis sortie épuisée, avec des étoiles dans les yeux qui se battaient entre celles de l'éblouissement sensoriel et celles du malaise vagal menaçant : toute ma tension était passée dans cette étrange et miraculeuse forme d'accompagnement.

Afin de me garder de toute crise mystique, mon existence se charge bien vite de me rappeler aux réalités, même si celles-ci sont moins dures cette année qu'elles ne l'avaient jamais été. Nous sommes néanmoins bien rentrés.

Et là, je dors (2). 


(1) L'état de grâce chez les humains vous est d'un provisoire assez désespérant ...

(2) ... et j'écris en même temps. On ne se débarrasse pas d'un personnage réjouissant aussi facilement.

[photo de téléfonino : la scène à l'heure des applaudissements]


Shores of Tripoli (point com)

ce matin, in my kitchen linked to the wonderful ninternet (1)

PICT0018

J'avais tout à l'heure du mal à travailler, comme au temps des vieux lundi. Trop de choses sont pour moi trop compliquées et je me souviens pourquoi j'ai tant aimé et les mathématiques et la physiques quantiques. Dès lors qu'on mettait les neurones en route, c'était harmonieux, logique, ça se comprenait.

À présent les miens sont usés et je n'ai plus même la capacité de me réfugier ou seulement en bordure dans ces mondes si doux, sans agressivité. Ces mondes ou rien, jamais ne me refroidissait.

Alors je suis allée rendre visite à mes amis sur les différents lieux de croisements électroniques. Qu'on ne vienne jamais me dire que les réseaux sociaux de l'internet se construisent contre la vie d'en vrai : si j'étais sortie de chez moi pour aller à leur rencontre un matin de début de semaine, je n'aurais trouvé personne, les uns trop loin, les autres enfermés.

J'ai ainsi appris grâce à Zvezdo et une fois de plus David Madore, qu'il existait un (pour moi) mystérieux pays qui s'appelait Transnistrie (2) et qu'on aurait pu croire issue d'un T*ntin.

Et qu'il y avait un Club Contexte auquel j'aimerais bien adhérer en plus de celui des pratiquants de l'Effet Zahir (3).

Dire que je me sentais radicalement mieux après ces petits exercices de para-philomathie, serait un pieu mensonge, mais entre eux, un brin de courrier postal dont une part amusante et inattendue, et quelques mails bienvenus, la matinée au moins avait été traversée. Quant à l'après-midi, elle est consacrée au looking forward to hearing Natalie Dessay.

Après les temps des noirs tourments et des falaises aux mille dangers, je suis décidément arrivée sur un haut-plateau un peu désert mais de chagrins luxueux.


(1) et à propos de l'internet, surtout ne ratez pas cette brillante et désopilante compilationchez Jean-Marc Manach
Rions un peu avec l'hadopi

(enfin désopilant c'est en s'efforçant de se dire que mieux vaut en rire, sinon tant d'incompétences cumulées de la part de personnes détenant du pouvoir est simplement terrifiant)

(2) ou République Moldave du Dniepr

(3) David Madore étant un redoutable baptiseur de concepts, encore merci à lui. Merci aussi à Romain Gary dont la lecture m'aura vraiment aidée ces jours-ci.

[photo : Roi et reine, kitchen inside view]


"Tumbas" (Cees Nooteboom & Simone Sassen)

Jeudi, je crois. In my kitchen


Je me suis fait un cadeau. Ça n'est pas souvent : à part des outils trop dispendieux pour mon budget courant et que je dois attendre longtemps avant de pouvoir oser m'offrir sans être bourrelée de remords scrupuleux, à part les pulls que je m'achète en situation de grelottage intempestif, à part des livres mais hormis les poches je n'en achète jamais sans très précise raison, j'achète en fait fort peu.

Mais voilà, ce livre-là, j'eusse aimé l'écrire. Depuis plusieurs années déjà, j'ai du mal avec la fréquentation des vivants, je me fais rejeter, on ne se comprend pas, je dis violet, l'autre comprend bleu, l'amour me joue des mauvais tours, je me suis trouvée confrontée sur un lieu de travail à une personnalité toxique, bref, les vivants ne me veulent pas.

Mon histoire familiale et une petite santé, m'ont en revanche, permis d'assez tôt approcher la mort. Celle-ci ne m'effraie pas (1). Les souffrances à traverser dans certains cas pour y parvenir si. D'autant plus que je sais depuis les accouchements, que le curseur de l'insupportable néanmoins pas fatal, est beaucoup plus élevé que ce que j'imaginais.

Toujours est-il que je vais volontiers dans les cimetières saluer mentalement en leur emplacement, quelques auteurs, quelques poètes, quelques morts militants, je suis sans illusion ni délire, mais au moins ceux-là on ne leur pèse pas. Jamais.

Ils sont accueillants et ne vous envoient jamais vous faire pendre ailleurs parce qu'ils n'ont pas compris qu'on voulait aider et croient que vous attendez d'eux quelque chose alors que vous veniez soutenir.

Donc oui, ce livre j'eusse aimé l'écrire qui parle si bien des tombes des poètes et de quelques penseurs. C'est mieux pour eux que Cees l'ait fait en plus qu'il a quelqu'un dans sa vie et qui est photographe, dès lors le travail était complet, satisfaisant et fort bien fait.

La page sur Virginia Woolf en son jardin, est belle à pleurer. Je n'aurais su faire que ça (pleurer) (et prendre une photo floue et embuée).


(1) Je viens d'une forme de néant, j'y retournerai. Entre temps j'aurais pris ma petite part de contributions, consommations, pollution et transmissions. J'espère qu'il me sera épargné d'être un assassin même si je croise une guerre et même par ricochet. Depuis 4 ans je sais qu'on peut tuer quelqu'un d'autre en déléguant à lui-même le soin de l'élimination. Au sein de certaines entreprises on fait d'ailleurs ça très bien.

PS : un seul regret peut-être, il y manque mon voisin.


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Comment expliquer à celui qui vous a séduite puis abandonnée que vous l'avez avantageusement remplacé

To Belonzio, january year ten

Cher Zangra,

À lire ta nouvelle lettre ce soir en rentrant, je me rends compte que j'aurais peut-être dû avant que tu t'inquiètes d'une tentative de séduction persistante de ma part, te parler d'un fait nouveau. Elle n'a tout bonnement pas lieu d'être. Les apparences t'auront trompé.

Je ne te l'avais en effet pas fait savoir sans doute par discrétion et que tu n'aies pas à souffrir de la comparaison. Mais voilà, je t'ai trouvé un remplaçant. Ça date de Noël, presque un cadeau.

La solitude était trop forte. Je ne pouvais pas continuer à me satisfaire de ton absence sans rien faire. C'était trop de souffrance. Comme je ne suis pas séduisante ni jolie, il a bien fallu que ce soit moi qui parte à sa recherche. Ça a finalement pris assez peu de temps, un ami audacieux et compréhensif n'a pas craint de m'aider et de faire celui qui m'accompagnait. Rien de tel que n'être pas seule en certains cas.

Ne sois pas jaloux, mais vois-tu il est un peu comme toi, même couleur (je sais tu es comme moi, pas raciste, on s'en fout, c'est simplement pour te donner une vague idée de l'air qu'il a) et plutôt d'un type long et fin. Si ça peut te rassurer, il n'a pas les yeux bleus.

Franchement pas loquace, mais il s'agit tu t'en doutes, d'une relation purement physique. Pour l'instant j'ai dû mal à éprouver de la tendresse pour un autre que toi. La tendresse d'ailleurs n'est pas son fort.

En revanche, fort, il l'est. On peut toujours compter sur lui, sauf quand vraiment il est à plat - comme il est du genre à ne pas se faire de souci et recharger rapidement ses batteries, ça ne nous pose aucun problème -. Sa disponibilité est remarquable ; au début j'ai même trouvé ça un peu bizarre, je n'étais pas habituée tant on dirait que la société ne sait qu'accaparer à longueur de journées tous ses éléments mâles en état d'aimer (un peu moins les nuits, il est vrai). En revanche quand j'ai eu mes règles, il n'a pas émis la moindre contrariété au fait que je sois moi-même plutôt mal disposée. J'ai vraiment apprécié.

Notre entente est parfaite, il sait ne pas insister quand je suis fatiguée. Comme tu sais je travaille beaucoup, et participe à l'extérieur à pas mal d'événements, donc l'épuisement, c'est assez souvent. Ce qui fait d'ailleurs qu'on ne se croise pas tant. Malgré qu'il semble entièrement libre de son temps, il m'est déjà arrivé d'avoir un peu de mal à le retrouver, communiquer n'est pas son fort, c'est le moins qu'on puisse dire. Après tout, il y a les copains pour ça. Il faut dire aussi que je l'avais alors un peu négligé. Il était d'ailleurs cette fois-là dans un bureau près de la machine à café, lui qui n'en boit jamais.

En revanche dès qu'il est là, il y est complètement, sans arrière-tracas et me ferait défaillir sans la moindre défaillance si je ne restais pas avec lui encore prudente et mesurée.

Son âge ? Je ne saurais dire. Pour autant que je puisse en juger par une fréquentation aussi fraîche, on dirait que le temps sur lui a peu de prise. Il a de l'expérience en tout cas. Plus que moi. Si je prends mes précautions ? Bien sûr, certaines. Mais pas nécessairement celles que tu crois.
Ça m'amuse qu'à présent tu te soucies à nouveau de moi.

Une seule chose, surtout ne te fâche pas, mais bien souvent en sa présence, voire quand il est en moi, je pense encore à toi. Il y a parfois par moments, certaines choses, comme les rêves, qu'on ne maîtrise pas.

Allez, je t'embrasse (avec lui, tu sais, je ne le fais pas)

Consuello

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