Talking about what's happening to Roman Polanski
28 septembre 2009
Ces jours-ci, dans mon pays et ailleurs aussi
Depuis dimanche, ça discute fort sur touiteur, facebook, ou les messageries. Je n'ai pas trop le courage de ré-entamer le débat ici concernant le bien ou le mal fondé de la ré-incarcération du réalisateur, plus de 30 ans après les faits qui lui sont reprochés.
Je fais clairement partie de ceux qui l'estiment injuste et infondée.Pour autant je trouve que les arguments avancés par l'actuel ministre de la culture, sur le thème On ne devrait pas faire ça à un si grand cinéaste et À un homme qui a tant souffert, sont à peu près très foireux.
On ne devrait faire ça à personne - la différence étant que si c'est monsieur tout le monde qui se fait ainsi coincer on n'en saura rien -, et si tous ceux qui ont souffert de par la faute d'autres Hommes devaient à leur tour faire souffrir leur prochain, on ne serait pas sortis de l'auberge et le monde serait encore pire qu'il ne l'est.
Puis j'ai dormi (un peu, il y a eu au moins une nuit), repensé à certaines choses pénibles de ma propre vie. Conversé avec un ami que son passé personnel amène à avoir un avis légèrement et sainement divergent.
Je continue à trouver intellectuellement irrecevable, surtout d'un point de vue ministériel, l'argument de type Cet homme a beaucoup souffert pardonnons-lui autant.
Cependant.
Même si ce que j'ai traversé ressemble à la fréquentation d'une école maternelle à côté des tragédies successives qu'a traversées le réalisateur à l'université de la vie, je sais quand même l'effet fait quand par l'action d'autres personnes on se retrouve anéantis, quand ce(ux) à quoi on tenait le plus au monde disparaî(ssen)t d'un seul coup.
J'ai connu la perte absolue des repères, l'envie d'en finir puisque d'une certaine façon c'est déjà fait. Je sais un peu, et sans doute guère plus, mais n'empêche un peu, dans quel état on peut être lorsque ce que l'on subit dépasse l'entendement.
Et qu'après ça, sauf rencontre miraculeuse (1), dans le cas où l'on survit, on reste destabilisés pendant de longues années, à ne plus savoir ce qui est admissible de ce qui ne l'est pas. Puisque ce à quoi on pouvait croire a été pulvérisé, on en vient parfois à se demander si ce ne sont pas les autres avec leur brutalité, leur absence soudaine d'humanité qui sont la normalité et nous-mêmes qui sommes trop gentils, coupables de naïveté et très inadaptés.
On finit aussi par chercher du réconfort dans chaque recoin possible. Certains jours il s'agit seulement de se prouver qu'on est encore vivants. Peut-être suis-je chanceuse d'être une femme après tout.
Il devient difficile de répondre à ce que les autres, l'entourage, le monde quotidien attendent de nous. Laminés, on n'a plus rien à offrir ou bien on y parvient ponctuellement mais sans pouvoir assurer sur la longueur - je pense par exemple à de nouvelles amitiés -.
On doit s'éloigner de certains qu'on ne fréquentait pas par choix mais par sens du devoir et qu'on savait supporter jusqu'alors, malgré des souffrances et des divergences. Leur toxicité pour nous devient insupportable autant qu'un tissu rêche sur une peau brûlée.
Alors oui, devenir à son tour dysfonctionnels d'avoir trop enduré, c'est ce qui arrive quasiment à chaque fois.
Ça n'excuse rien. Sinon tous nos ancêtres se seraient depuis bien avant nous entretués et personne ne serait là pour le déplorer.
Ça explique. En partie.
C'est tout.
(1) J'ai eu ma chance, elle a eu lieu, voire elles ont eu lieu, car plusieurs autres personnes formidables sont venues m'aider. D'où que je sois à présent capable d'écrire et d'en parler. Il y a deux ans presque jour pour jour, je n'aurais pas été en état de le faire.
Lire la suite "Talking about what's happening to Roman Polanski" »