Questions d'une fin d'été : pourquoi ne pas les traiter ?
Ce je ne sais quoi (Un Indégivrables pour démarrer Septembre)

Allez, dans l'eau, allez

un dimanche matin, in a nearby swimming pool et dans une autre, il y a 30 ans

Depuis quelques temps, un mois environ, il m'est possible grâce aux vélibs d'aller à et revenir de la piscine en vélo. Cette impression d'enfance et de légèreté que ça me met. Justement d'enfants ils sont deux ce dimanche, au bord du bassin. 6 et 3 ou 7 et 4, à vue d'œil. Deux petits gars, silencieux mais hors de l'eau.

Leur père,un solide nageur quoiqu'en gestes plus puissant qu'élégant, partageait avec moi et une ou deux autres personnes un des couloirs réservés à qui souhaite s'entraîner.

"Allez dans l'eau, allez" leur dit-il d'un ton d'autorité qui trahit le militaire ou le cadre supérieur.

Devant leur air peu décidé, il ajoute "Sinon vous ne reviendrez pas avec nous".

Je me demande un bref instant si l'homme ne pousse pas la majesté jusqu'au nous singulier puis remarque une femme discrète qui pratique une brasse scolaire, tenace et régulière ;  sans doute la maman. Les deux gamins retournent muets et sans entrain vers le second bassin.

Le petit bain qu'ils auraient sans doute préféré est aujourd'hui en travaux et c'est l'ancienne fosse

au fond amovible qui a été mise en position "Petit bain". Peut-être ne s'y sentent-ils pas rassurés comme à leur ordinaire. S'ils en ont en un.

Peut-être ont-ils vraiment beaucoup insisté pour aller à la piscine tous les quatre. Peut-être que leur père n'est pas sans raison excédé.En tant que parent d'enfants qui furent petits avant que d'être grands, je suis bien placée pour savoir combien ils peuvent être parfois épuisants et testeurs de limites. Je me garde donc bien d'intervenir en quoi que ce soit et m'efforce de ne pas juger.

Je n'aime cependant ni le ton de l'homme, il ordonne, menace et n'explique pas, ni la passivité absolue de la mère - dans un couple bien réparti quand l'un met l'autorité l'autre intervient pour atténuer -, ni surtout le fait que les enfants n'émettent pas un son pour discuter. Ils se contentent de venir tout au bord. Ne disent ni "Allez, viens Papa !", ni "On voudrait partir, on en a marre là".

Pour venir ils viennent. Avec la régularité de ma guêpe adoptive (1), deux fois, trois fois au bord du bassin, toujours silencieux et toujours le père qui les renvoie. Il finit par leur indiquer un horaire en vérifiant auprès du plus grand qu'il sait bien lire les minutes à la pendule digitale de tout au bout là-bas.

Au bout du compte à l'heure de la sortie c'est le père qui devra les chercher, qu'ils l'aient fait exprès en revanche enfantine ou plus simplement parce qu'ils n'osaient plus.

Peu après dans les vestiaires si sonores où nous entrons tous au même moment, l'établissement va fermer, les bassins viennent d'être évacués, j'entends la même voix autoritaire déclarer :

- Maxence, je te donne trois minutes sinon on part sans toi.

Et une petite voix répondra :
- Oui Papa, j'ai bientôt fini Papa.

Effacée mon ambiance d'enfance. Malgré le vélo qui me rappelle tant notre façon en banlieue d'y aller (sinon, la piscine, c'était vingt minutes à pieds). 

Les règlements ont-ils changés ? À partir du CE2 ou bien du CM1 dans mon Val d'Oise premier, nous avions des séances hebdomadaires scolaires. Aux vacances ou parfois les samedi quand on parvenait à glaner assez de petite monnaie (2), on y allait en bande. Peut-être que la présence d'un grand frère légalisait l'équipée ? Je n'en ai pas le souvenir. Peut-être que les enfants seuls étaient autorisés.

Je sais juste que j'aimais déjà nager, j'ai toujours aimé l'eau avant même de savoir, jamais eu peur d'y mourir (3) ; que je déplorais que les copains n'aient pas le droit plus souvent (4). Et que quand on y allait on s'amusait fort bien.

Au point qu'une quarantaine d'années plus tard il m'arrive d'en rêver, cette piscine-là et pas une autre, à l'époque neuve et lumineuse (5), je rêve que j'y suis, en bande de potes, qu'on rigole comme des fous, qu'on s'y amuse bien, et y revis parfois des bribes de Palombella Rossa (6). Quoi qu'il en soit, la piscine était un grand moment de liberté, sans les parents dans les pattes, juste des maîtres nageurs peu amènes qui nous rappelaient de ne pas courir au bord du bassin et de ne pas non plus en sauter trop près. Mais qui globalement nous laissaient bien jouer. Et nous glissaient au besoin un petit bon conseil s'ils nous voyaient partis à faire quelques longueurs autrement qu'en chiens fous.

Résultat, et malgré les brèves contraintes d'un entraînement en club (7), j'ai conservé le goût de nager et qui m'est d'un grand secours.

Je crains fort que les deux petits gars qui n'osaient pas même exprimer leur lassitude à leur père, adultes, n'auront pas trop envie de poursuivre une pratique qu'il leur aura gâchée lors des premières années.


(1) Depuis notre retour de Normandie une guêpe vient dans la cuisine où je travaille, avec une régularité de guetteur effectuant une ronde de surveillance. 

(2) L'entrée n'était pas chère, quelques francs, mais pour la plupart d'entre nous c'était déjà beaucoup

(3) Non que je fusse inconsciente du danger mais de toutes les morts dont les adultes me menaçaient si je ne faisais pas ou au contraire faisais ci ou ça, celle par noyade me semblait fort enviable et davantage porteuse d'un au-delà (sans jeu de mots).

(4) Mes propres parents émettaient des réserves et me certifiaient que j'allais m'enrhumer ce qui était facile à prédire puisque piscine ou pas j'y étais sans arrêt, mais en gros disaient oui. D'autres étaient bien plus stricts, surtout avec leurs filles.

(5) Le mur ouest à présent plein comportait une sorte de vitrail moderne et qui offrait surtout en fin d'après-midi des couleurs magnifiques. Il a sans doute été condamné pour cause de déperdition d'énergie. Mes rêves les ont conservées.

(6) Euh ... en beaucoup moins énervé.

(7) Interrompu pour cause de décret médicalo-maternel concernant les rhumes perpétuels.


PS : Bien évidemment, le prénom n'est pas le vrai, quoique de la même gamme.


[photo : la piscine au second plan]



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