Ce soir, côté cour en bas de chez moi et aussi toutes les précédentes années.
Notre immeuble est plutôt convivial, mais depuis plusieurs années ceux qui savaient organiser des festivités ont déménagé. Les autres travaillent trop tard ou trop. D'aucuns s'en foutent. Et j'émerge trop difficilement de mes années sombres pour avoir assez d'énergie sociale afin de coordonner les bonnes volontés.
Alors dans notre cour, ce soir, de fête des voisins, point.
Curieusement, la dernière année où nous avons festoyé doit être celle où Florence Aubenas était en Irak otage. Me flotte un souvenir de m'être dit, présente parmi la petite communauté festive mais n'ayant rien pu cuisiner et absente en pensées, L'an prochain si tout va bien, peut-être que je pourrais préparer un plat, cuire un gâteau et rire au soir le coeur léger.
Si ce qui m'assombrissait alors s'est effectivement résolu pour le mieux, le reste s'est ensuite mis en tempête. L'absence de fête en ces années m'avait alors et sans doute bien arrangée. J'aurais fait bonne figure, j'imagine, pour m'effondrer après.
Ceux qui en revanche ne désarment pas, d'année en année, pour la date officielle et parfois une autre (un anniversaire plus privé ?) ce sont nos voisins d'en bas.
Nous les surplombons sans vraiment les voir. Ce sont les habitants d'une cité ouvrière du XIXème siècle, bien entretenue, devenue recherchée. Autrement dit, pour leur cent-quarantaine d'années les pavillons pour la plupart et depuis réhaussés et restaurés se portent comme un charme (sauf un ou deux un peu penchés).
Elle avait été construite sous l'égide d'une dame patronesse (ou femme d'industriel, pour l'instant je n'ai pas su retrouver l'info), dénommée Thénard ce qui ne s'invente pas et explique sans doute pourquoi elle ne logeait pas sur place (1). Charitable jusqu'au bout à moins que persécutée par une génitrice tyranique (2), elle nomma la cité des noms de sa mère une Madame Renault née Jouffroy.
L'architecte s'appelait Léon Henri Picard dit Hervey Picard j'aimerais bien savoir pourquoi.
Et je pense que tous ceux qui ont participé au chantier qui dura 10 années seraient heureux de voir que les fruits de leur labeur rendent, si longtemps après et 3 guerres sévères plus une révolution avortée, encore joyeux ceux qui y logent. J'écris pour eux ce billet en espérant que l'au-délà en internet soit enfin équipé.
Donc mes voisins d'en bas, que j'entends fréquemment, surtout désormais les jeux des enfants, car la rue, privée et close depuis une dizaine d'années, est à eux aux jours de congés, que j'entends fréquemment mais que je ne connais pas, festoyent.
Il y a parmi eux au moins un accordéoniste de talent, une chanteuse qui se défend et (mais je ne l'ai plus entendu depuis un moment) un guitariste-chanteur au répertoire sympathique (3).
Et ces soirs-là, s'il fait beau, s'il ne pleut pas un déluge, de ma cuisine sérieuse et tout en écrivant ou préparant un bref dîner, je les entends rire, chanter, trinquer, danser probablement.
Les amants de Saint-Jean, une bourrée (4), une Paloma ou Le petit vin blanc (5), plus tard un peu de Big Bazar, ce sont pour moi de bonnes soirées, à s'y enrhumer quand il fait frais (6).
Merci à ces voisins inconnus du banquet d'en bas.
(1) Ceci est un jeu de mot foireux sous-jacent, pas une réelle documentation
(2) paix à son âme si tel n'était pas le cas. J'ignore pourquoi j'ai en premier lieu imaginé cela.
(3) Ah si, ça y est c'est Santillano (mais je ne reconnais pas la voix, serait-ce quelqu'un d'autre)
(4) Note, s'ils lisent, pour mes enfants : il s'agit d'une danse, pas d'une dame qui a trop bu.
(5) Jusqu'à quand le connaîtra-t-on ? J'ai moi-même bien des blancs, aux banquets d'antan je suivais mes aînés quand ils l'entonnaient. Mais à présent ?
(6) Ravie par les échos de la fête, j'en oublie de fermer la fenêtre.
pseudo-touite de 22h22 : Besame mucho ou un petit tango, ça ne serait pas de refus.
pseudo-touite de 22h23 : Tiens, l'Amant est bissé
pseudo-touite de 22h28 : Piaf, moi j'aime bien.
pseudo-touite de 22h38 : L'Auvergnat ne déçoit pas.
PS : Je fais des pseudo-touites c'est pour ne pas concurrencer les vrais de Matoo sur la télé du mardi. ;-)
[photo : ce qu'on en voit]