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De Louis la maison

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Pour Saint-Florent-le-Vieil du fond désordonné d'une cuisine clichoise, matin calme de congés payés.

Quand Louis Poirier est mort, âgé, il a souhaité léguer ses biens à la collectivité, choisissant pour cela une association au sérieux éprouvé.
Du legs la part immobilière s'avéra encombrante, trop coûteuse, semblait-il, à assumer.

La commune en hérita, un peu embarrassée. Louis n'était pas n'importe qui, il avait eu, pour ces bâtiments un bon projet (maison d'écrivains), mais que personne ne pouvait porter. A part peut-être un Mécène Fortuné.

[Mécène Fortuné, si tu lis ces lignes, n'hésite pas à me contacter au gilda.clg(at)gmail.com, si tu savais tous les projets formidables que je te garde au frais]

On ne pouvait quand même pas en faire n'importe quoi, de ce vieux Louis la maison grise. On se doutait aussi qu'un musée, il n'aurait pas aimé. Ni non plus un lieu criard de restauration rapide, ou la succursale d'un établissement d'assurances ou de crédit.

Le lieu serait public, c'était ce qu'il souhaitait.
La commune recevrait quelques aides si le projet comportait certaines utilités.
En ces charmants villages, l'internet manquait.

Projet :

Le corps de bâtiment secondaire sera transformé moyennant quelques travaux au demeurant pas si coûteux en laverie automatique. Touristes en saison, habitants sous-équipés ravis de n'avoir pas plus loin à aller,  locaux dont la machine serait tombée en panne,  assez de personnes en auraient l'usage.
Au rez-de-chaussée de la maison, on ouvrira un débit de boissons, à l'occasion dépôt de pain (pour dépanner) et fournisseur de menue monnaie pour les clients de la laverie. On pourra l'hiver y boire du thé bien chaud, pendant que les draps  se feront essorer.
Aux clients  sympathiques et curieux de l'endroit ou bien des livres,  le  tenancier révèlera qu'habitait là autrefois un des plus grands écrivains français du XXème siècle, qu'il signait Gracq, Julien Gracq et qu'il était des plus discrets. Certains connaîtront son nom et ses livres, on peut imaginer qu'il seront passé exprès. D'autres, non. Mais, on leur racontera. On leur donnera envie. On leur laissera le choix entre une liseuse électronique, télécharger sur la leur ou bien d'étranges volumes non découpés et un vieux coupe-papiers. Les plus jeunes adoreront, mais trouveront les mots petits et les images absentes. Ils liront, un peu, au moins. Pour se faire une idée. Quelques-uns, sidérés et séduits, ne repartiront qu'à la nuit (1).
A l'étage, bien sûr, un cyber-endroit. Connexions internet haut débit, ordinateurs en bon état, pas nécessairement si nombreux, mais permettant aux clients de la laverie de meubler leur attente, aux gamins du coin de venir jouer en réseau pour pas trop cher, aux chômeurs de passer envoyer leur CV et consulter les offres, aux passants pressés de relever leurs mails, aux blogueurs de bloguer, aux écrivains de publier (en ligne, désormais).
Il ne sera ainsi pas cessé d'écrire, en ces lieux habitués. Aux dimanches, on fera des lectures au café.
Et le linge sera lavé.
Des temps d'avant subsisteront un vieux carré de papier peint sans indication de rien et quelques meubles pratiques dont on taira l'origine mais qu'on respectera.

(1) Penser à ouvrir un hôtel, pas très loin, aussi, si le village n'en possède pas au moins un déjà.







[photo : même fleuve, amont, autre maison, pour l'idée du surplomb]

Les vraies photos de l'authentique sont chez François Bon

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Du principe de l'histoire du jockey qui entre dans sa salle de bain appliqué à tout autre chose

Il était une fois un jeune gars d'une treizaine d'années que sa mère en vue d'une période proche où l'usage en serait nécessaire décida de pouvoir d'un téléfonino.
Elle était peu fortunée et l'appareil rustique, mais néanmoins pourvu de toutes les fonctions de base des téléphones portables et l'abonnement quoi que léger offrait la disposition de quelques services fort utiles.
Par exemple on pouvait en cas de non décrochement de l'appareil à temps laisser un message pour expliquer le but de l'appel qu'on avait tenté.
Ce téléphone n'était pas très original.

Soucieux du bien-être de ses interlocuteurs ultérieurs, le garçon entreprit de personnaliser l'annonce du répondeur possible. Une présentation enfantine et légère lui semblait exclue. Il avait 13 ans que diable. N'était plus un bébé.
Une injonction autoritaire donné du ton de celui qui ne répondra à rien, "Répondeur de Stéphanot, laissez un message" lui était étrangère.
Il estima raisonnable et judicieux de laisser les mots sans grande originalité mais courtois et efficaces et qui commençaient par "Vous êtes bien sur le répondeur de Stéphanot, si vous voulez laisser un ...".

On ne sut jamais la suite. Car telle l'histoire du jockey qui entre dans la salle de bain (1), elle ne fut pas articulée. Conscient de jouer au grand, qu'il n'était pas déjà, version voix d'aéroport, qu'il n'aurait jamais, il éclatait systématiquement de rire avant la fin des phrases prévues.

Alors il se dit qu'après tout, ceux qui d'un téléfonino connaissaient l'usage sauraient déposer leurs paroles sans l'information complète, et il laissa sans l'effacer son rire vainqueur annoncer le bip que l'appelant devrait guetter pour causer.

Sa première victime fut sa pauvre maman. Retardée à l'usine, elle tenta d'appeler pour prévenir son fiston. Las, ce dernier, concentré sur un jeu en ligne risqué et passionnant avait provisoirement éteint le petit appareil.
Elle tomba donc sans préparation sur le début d'annonce et l'éclat de rire ; qu'il avait ce jeune bougre fort communicatif.

Elle en rit aux larmes et ne put donc rien articuler. Même après deux tentatives et une préparation psychologique sévère en vue de la troisième.

A une amie un peu découragée par quelques revers de fortune professionnel, elle indiqua le souverain remède. Appelle donc mon fils, tu verras.
Elle appela puis rit. Se sentit mieux ensuite.

Aux lecteurs de son blog, qu'elle souhaitait réjouir, et comme le garçon donna son accord, être appelé pendant les vacances d'été ne le dérangeait guère, elle indiqua la bonne affaire.

L'une et les autres, après avoir si bien décoincé leurs zygomatiques, s'empressèrent d'en parler à leurs meilleurs amis.

Un tournant décisif autant qu'irréversible fut franchi lorsque simultanément Lomalarch et Florence Aubenas qu'avaient prévenus respectivement et au même moment Anna Fedorovna,  Monsieur KA, Labosonic,
Franck Paul et Anita, Sorj Chalandon, Philippe Jaenada, Marie Desplechin, François Reynaert et Sophie Calle,  ne purent résister à l'envie d'adapter  la même technique pour leur propre annonce de téléphone portable. L'un comme l'autre étant souvent contactés au moins pour leur travail et leurs rires étant de qualité bien supérieure à celle du commun des mortels, plus personne après les avoir entendus ne put enregistrer d'annonce pour son propre répondeur sans s'esclaffer en cours de route.

C'était l'été, il faisait beau, on souhaitait renouveler son message pour que les interlocuteurs tentant leur chance pendant nos vacances ne tombent pas sur un accueil trop austère alors que le téléphone gisait au fond du sac de plage qu'on avait délaissé le temps de quelques brasses, et voilà qu'on riait.
Après tout, autant laisser ...

Au 15 août, ne restait plus intacts et sérieux sur tout le territoire national, que les répondeurs des personnes incapables de s'en servir et dont la famille était déjà partie, ceux des entrepreneurs de pompes funèbres (respect des clients) et ceux de ceux qui ne s'en servaient vraiment jamais.

Je m'abstiendrai de tout commentaires concernant ceux des ministres ou bien de l'Elysée. On dira qu'il y a des porte-paroles pour ça.

Quant aux quelques morts de rire, ce qui survint parfois, ils furent imputés à quelques jours de canicule que la mi-août apporta. Qu'ils ne nous en veuillent pas.

(1)  Bourvil évidemment

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à l'ombre d'un marronier (fin - provisoire (j'espère) -)

suite de ce billet et celui-là

[Les liens restent à complèter, mais pas chez moi, connexion d'emprunt et il paraît que l'apéro ne peut se faire sans moi ]

L’été 2005 s’écoule donc dans une sorte de bonheur épuisé (la période du comité de soutien avec cette double vie qu’elle m’a fait mener m’a complètement décalquée), d’immenses illusions, de difficultés larvées « à l’usine » (1) et pas mal d’écriture.

 

Il y a l’Hôtel des Blogueurs dont j’ai déjà parlé et qui m’apprendra beaucoup d’un point de

vue technique

et narratif. Emotion forte : quand à ma question de savoir si un cross-over était envisageable pour l’épisode où Michel Jouffreau (le personnage qu’on m’avait confié) devait aller consulter un médecin et que ça soit Bruno Sachs qu’il aille voir, Mar(c)tin Winckler me répond que dans la vraie vie ce sont les patients qui choisissent leur docteur et qu’il n’y a pas de raison pour que ça soit différent dans

la fiction. J

’ai bossé ce jour-là comme jamais.

Et certaines scènes que sous l’impulsion du personnage tenu par Johann je me suis trouvée amenée à écrire alors que l’idée ne m’en serait spontanément jamais venue.

L’écriture collective est un exercice intense et salutaire.

 

Je poursuis par ailleurs mes récits italiens, bien décidée vers l’automne à en proposer au moins six pour relecture à l’amie qui m’a mise au travail presque deux ans plus tôt. Ma vie alors était calme et stable.

 

Et puis il y a des messages, des commentaires, des petits mots encourageants des uns et des autres qui me poussent à bloguer enfin « pour de bon ». Je reprends alors l’idée d’une toute première ébauche de manuscrit sur une suggestion qu’elle m’avait faite et sur laquelle j’avais travaillé de novembre 2003 à février 2004, avant d’être coupée dans mon élan par des chantiers amicaux, la publication par

Paul Fournel

de son « Poil de Cairotes » qui naviguait vraiment dans les mêmes eaux (2) et la maladie de mon père.

Ça tombe que cette idée convient au format blog comme un gant à une Gilda : « une « forme » dans laquelle tu pourrais inscrire les impressions que tu ramasses et que tu écris (3), une sorte de journal par bribes organisées » (4). Alors fin août 2005, c’est parti pour Traces et trajets.

 

Au départ, j’ai derrière la tête une intention sinon touristique du moins tournée davantage vers la ville que le résultat ne le fut. J’invente donc le personnage de Wijteczk, le coursier polonais (5). Ce grand ami imaginaire sera mon guide à travers des quartiers de Paris peu ou mal connus.

A ce moment-là, et pour la première fois de ma vie, tout semble aller si bien que je m’autoriserais presque des projets d’avenir. Je suis rieuse, bien aimée, et mon seul combat est de parvenir à faire de mon travail mon métier, quitte à ne presque rien gagner.

Fatale erreur, dure illusion, mission impossible (6).

 

L’automne suivant n’est qu’une longue suite de difficultés et calamités qui s’abattent, désespoirs et problèmes de santé, fors quelques petits feux de joie éphémères, un prix littéraire, une soirée heureuse et réussie fin octobre à feu l’Arbre à Lettres de

la rue Bachaumont

et la rencontre en fin d’année au même endroit de Nikita et ses parents.

Peu à peu Wijteczk se fait insaisissable et incarne la quintessence des amis qui effrayés par malheur et maladie s’éloignent. Au printemps suivant, quand je perds pieds après une ultime désaffection, Traces se fait plus introspectif et (trop) sombre. Pendant 6 semaines je suis consignée chez moi, incapable d’assumer une journée de bureau dans son intégralité. Mes déplacements se limitant de la maison à la boulangerie, de la boulangerie au cyber-truc (7), du cyber-truc à la maison avec parfois piscine, la part « petites chroniques de la vie en ville » s’estompe forcément.

 

Je pousse un de ces jours-là jusqu’à

la librairie Art

en Ciel, non pas tant que mes forces reviennent mais parce qu’elle se trouve sur le chemin de la CPAM où je devais déposer un papier. « Un homme dans la poche » d’

Aurélie Filippetti

m’y attendait. Acheté puis aussitôt lu, il me redonnera le goût de lire et quelques éléments de compréhension sur ce qui vient de se jouer dans mon existence. Je ne dirais jamais assez combien ce livre-là lu à ce moment-là aura compté. Merci Aurélie.

 

Je dois beaucoup aux livres d’être encore là.

 

Je me cramponne à l’écriture des récits italiens, et je fais bien : ils me permettent de survivre, de conserver chaque jour une raison de lendemain. Pour autant ils sombrent dans le sombre. Ce n’est pas leur couleur. Je comprends que je les trahis et les mets de côté en attendant des jours meilleurs qui pourront les accueillir. J’entame la rédaction d’ « Après » pour le coup parfaitement noir et destructuré, un peu expérimental dans sa forme (encore que, d’autres sans doute déjà l’ont fait) mais que ralentit une documentation nécessaire sur Cézanne. Je suis ignare et le sais. Quand on va mal, apprendre soigne. Je le sais aussi. Je me traîne au musée d’Orsay.

 

En juin 2006, la part « touristique » se retrouve comme miraculeusement appelée pour Voice of a City.

D’autres blogs apparaissent en annexes, question de rangement. Je place à part le cinéma, les livres, quelques pseudo-poèmes (ça a beaucoup dégénéré, depuis les haïkus de la première idée), une section Déplacements (comme si prendre ses rêves pour des réalités pouvait leur donner davantage la chance de se concrétiser). En travaux, quelques fictions.

 

Les deux années suivantes ne sont qu’une lutte jours après jours et parfois heures après heures pour tenter de sauver ce qui peut l’être dans l’écriture et dans ma vie, malgré la fragilité induite par la perte de toute confiance, en moi et en les autres, très difficile à réparer. Je traverse des périodes où plus rien n’a de sens. Des nuits de fièvres et de cauchemars. Si vos meilleurs amis deviennent vos assassins aux premiers revers de fortune, à quoi bon persister. Le travail et le tenir bon finissent cependant par payer.

 

Quelques bonnes fées et un enchanteur apparaissent, que j’aimerais bien un jour avoir l’occasion de remercier de façon signifiante et (pour eux) utile. A partir du moment où je suis épaulée par des personnes qui avaient déjà de par leur vie tout autre chose à faire, je ne me sens plus le droit d’abandonner. Désaimée, je n’existe plus très, je peux néanmoins me rendre solidaire sur tout le temps restant. Aider les fées est une ambition présomptueuse (très) mais qui me satisfait. Tenter de ne pas décevoir l’enchanteur.

Honorer décemment les propositions de travail qui se font. Pas gagné quand sur une fiction entre trois personnages on n’est plus capable que de raconter la mort de deux d’entre eux et la souffrance du troisième, en lieu et place d’une comédie qu’on espérait imaginer.

Avancer sur « Sans nouvelles », « Café Vanille » (titre provisoire car il y est beaucoup question de natation et que ce titre-là n’en dit rien ; « Jérémy, nageur » plus explicite est un peu plat ; des idées ? (c’est une histoire de jeune gars qui nage et commencer à aimer)).

Ne pas cesser de gagner sa vie.

 

Les choses rentrent dans l’ordre, les santés se font meilleures, sursis, les dangers s’éloignent, j’assure l’usine, parviens à éviter la maladie longue durée. Des amis décevants j’ai enfin fait mon deuil. Je suis responsable de les avoir surestimés, ou du moins la solidité de nos liens. Ça me servira de leçon.

 

Reste une personne que je ne peux effacer ; sa disparition n’est pas de la même nature que les autres, même si mes mots sur la maladie qui frappait l’un de mes enfants ont dû réactiver chez elle une souffrance similaire et encore trop récente. Je le sais, je le sens. Une confirmation m’en vient par un canal surprenant au printemps 2008. Je patauge encore dans ses conséquences : par le déroulé des faits, mon existence même, je deviens témoin à charge contre qui j’aime et m’aimait. J’incarne malgré moi une sale confirmation.

 

Je refuse d’autant plus et de toute mon énergie retrouvée que les circonstances nous aient éloignées, qu’on se soit laissé faire par le piège qu’elles nous tendaient. A moins d’un élément que j’ignore. Enquête en cours, dont je ne partagerai les conclusions qu’avec ceux qui m’auront directement aidée (c’est inévitable) et la principale intéressée. Sa vie privée n’a été que trop, bien trop divulguée.

 

En attendant j’espère parvenir à dépolluer l’écriture d’un chagrin qui l’a lessivée et déteinte en noir. Le noir n’est pas ma voix. Mon boulot c’est d’écrire pour réconforter ceux et celles qui comme je l’étais avant de la rencontrer, n’ont pas choisi beaucoup de leur vie, subissent des existences pas drôles et se sentent parfois seul(e)s. Il ne faudra pas non plus attendre de moi que j’écrive sucré, mais rirons bien ceux qui possèdent de l’humour noir, du doux-amer et le second degré.

 

Fors les contraintes économiques et que certains n’ont pas accès ou aiment tourner des pages ou l’avis de l’une des fées, je me fous du support, internet ou papier.

 

Sur Traces ..., j’aimerais à nouveau et davantage témoigner de l’air du temps, du petit quotidien de ma ville et des gens, du pas à pas des choses.

 

 

 

(1) Mon engagement militant découvert au jour de la libération des otages n’a pas toujours été très bien perçu.

(2) Du coup à tort ou à raison (lien vers Fulie) j’ai supposé qu’aucun éditeur papier n’en voudrait quand bien même je réussirai à en faire un ouvrage présentable.

(3) pour l’essentiel déjà à l’époque de brèves scènes vues, dans la rue à Paris ou en banlieue et dans le métro

(4) message du 7 novembre 2003 0 heures 49, « Paris X, 0 :45 »

(5) se rappeler qu’au printemps 2005 nous avons voté, débattu, bagarré au sujet d’un référendum concernant la constitution européenne.

(6) pour l’instant (?)

(7) C’est la période où tout allant mal tout va de travers, donc en finition de la collection de malheurs s’accumulent les petits tracas quotidiens concrets. Nous nous retrouvons donc précisément au même moment dégroupés de chez France Télécom / Wanadoo sans avoir rien demandé à personne.

KO, en pleine crise de solitude et sans le moindre internet. You know what, I was happy :-( .


Concordances

hier, mercredi, métro, café, et puis chez moi

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Assis sur un strapontin, c'est même ligne 13 du matin une heure (relativement) creuse, il se penche pour refaire un de ses lacets.
Mais dans ses mains un livre, que j'avais dés l'entrée identifié, passé un certain âge nos habitudes confinent à l'instinct et je pourrais un jour d'en forme, presque lister en quittant une rame ce qui s'y lisait.
Alors le livre il se le met en bouche, tout en prenant soin de n'en pas perdre la page et de faire au plus vite afin de le reprendre.

J'ai aimé son geste fluide et spontané, comme celui d'un enfant qu'un jouet encombrerait mais qui ne voudrait pas le poser de peur de l'abîmer.

Par association d'idées, quelques chose me revient en tête, que j'ai peur d'oublier si je ne prends pas le temps de noter. Je farfouille dans mon sac , attrape un carnet en cours, celui que Stéphanot d'un stage m'avait rapporté, et m'apprête à l'ouvrir. Une lettre s'y est glissée que je n'y avais pas volontairement mise, de voisinage régulier elle a dû s'insérer.
Ma correspondante et l'auteur du livre que lisait  l'homme au lacet sont la même personne.

Ce n'était rien de rien, mais j'ai été heureuse, à cet instant précis.

[photo : les objets du délit, in situ, peu après]

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Les vaches à moutarde (et les vaches à lait)

jeudi dernier, près du Luxembourg

Pict0057 De retour d'une expédition capillaire conjointe puis exploratrice de la recherche d'un lieu de pique-nique aux Jardins du Luxembourg (1), Stéphanot et moi malgré l'heure exotique (16 heures ou peu s'en faut) éprouvons, surtout lui, le besoin de nous sustenter.

Nous élisons domicile à la terrasse d'un petit et accueillant café que nous connaissons près d'une entrée secondaire et qui bien sûr répondent "Bien sûr" à notre question de manger.

Le fiston opte pour un steak frites et profite de la gentillesse de qui servait pour demander

" Avec de la mayonnaise s'il vous plaît".

A peine plus tard, alors qu'il déguste son plat si fort souhaité, il s'interroge sur la mayonnaise qui n'a pas le même goût qu'une autre qu'il savourait quelques jours plus tôt (2).

Je lui explique les dosages possibles, les oeufs, l'huile et la moutarde et ce qu'on peut par ailleurs rajouter.

La moutarde l'interpelle. Il me demande de quoi elle vient quand je lui dis qu'on ne la fabrique pas nous-mêmes même si le reste peut-être assemblé en cuisine chez un particulier. Comme je marque une hésitation avant de lui répondre (3), il précise :

 

- C'est vrai quoi, la moutarde, ça vient d'où ? Est-ce que ça vient des vaches ?

 

Depuis qu'il sait que les moineaux ne sont pas des pré-pigeons, et que nous n'ignorons plus que la rougeur du homard n'est qu'à titre posthume, le jeune citadin se documente. J'apprécie l'effort mais je pars en fou-rire et en vrille, et entame ainsi un exposé que jamais je n'ai pu achever (trop grande hilarité) :

- Alors il y a deux sortes de vaches, les vaches à moutarde et les vaches à lait  ...

Plog.

Non, mais.


(1) Possible mais pas gagné.

(2) "Aux Pêcheurs" à La Rochelle, excusez du peu, et qui semblait maison.

(3) C'était pourtant si simple.

[photo prise au plat d'après, difficile en effet de rire et de prendre des photos en même temps]

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Le riz à remonter le temps

Tout à l'heure, avant dîner

Stéphanot a bien compris que je n'allais pas fort, plongée dans mon travail et travaillée par un sale chagrin. Je voulais écrire quelque chose de drôle, c'est encore la part de désespoir qui a triomphé.

   
Alors l'enfant avec sagesse se montre volontaire pour préparer de quoi manger. Il a sans doute pigé que j'étais dans l'état de qui salera trois fois, ou vraiment pas, laissera coller ce qu'elle aura préparé au fond de la casserole, bref, ratera le repas.

Il opte pour la douceur d'un riz à la crème, met l'eau à chauffer, gros sel, couvercle.

Revient dans la cuisine au moment où elle bout, ajoute le sachet contenant le féculent, vérifie l'heure au micro-onde puis énonce :


- 19 heures 58, je mets le riz, à 48 il sera prêt.


Je le félicite pour la bonne connaissance d'une durée de cuisson du produit que nous avons à la maison (1) mais lui fait remarquer qu'il vient d'inventer le riz à remonter le temps.

Eugène (2) nous gratifie d'une flamêche joyeuse. Je m'empêche de penser que Wytejczk aurait aimé, mais pas que c'est un concept digne d'un fils de footballeur.

Le résultat fut délicieux, mais consommé après 20 heures.

   

   


(1) et qui effectivement est vendu en tant que "cuisson 10 minutes"

(2) dragon domestique, pour plus de précisions voir au début de ce blog, il y a environ 3 ans. Archives consultables via la colonne de droite, une des rubriques du bas.

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La fille millésimée

Tout à l'heure, gare Satin Lazare

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Elle porte les cheveux courts, la nuque bien dégagée et sur celle-ci en chiffres vaguement gothiques, une année.

Ne serait-ce son allure juvénile, elle pourrait indiquer celle de sa naissance.

Je ne sais pas m'en amuser, sans doute une ancienne déformation professionnelle qui remonte d'un temps où je traitais de bases de données informatiques d'où l'on faisait des statistique concernant des âges et des durées de carrière en entreprise, des niveaux hiérarchiques et des répartitions hommes/femmes. A moins de protections particulières, le travail effectué importait moins que vos caractéristiques d'employabilité et de potentialités.

A se demander dans quel secteur économique on peut toucher avant 40 un salaire décent sans être jugé trop vieux dés que 41 (1). J'imagine un avenir ou afficher son âge sera obligatoire, on nous pucera à la naissance, le moindre lieu où nous passerons indiquera ultérieurement toutes nos informations, seules les personnes déjà âgées se trouveront épargnées à fins d'escamotages en cas de canicule.
Y verra-t-on sur moi que j'eus un lien intime et fort avec Wytejczk, (devenu) fameux espion (2) ?

D'autres souvenirs qui ne m'appartiennent pas me font trouver cauchemardesque la vue de chiffres indélébiles à même la peau des gens.

La fille millésimée, sans doute fière de sentir sur sa nuque les regards curieux et d'attirer l'attention sauf l'hiver en col roulé, ignore probablement que sa futile provocation n'évoque pas aux autres un bonheur persistant, mais aussi des temps sombres et leur retour possible.

Je serais plutôt curieuse de ses motivations ; à moins qu'elle ne s'inscrive dans une mode récente dont j'ignore l'existence.


(1) à lire le roncier, pas dans le journalisme en tout cas.

(2) ce qui expliquerait pour partie sa persistante disparition ainsi que la mystérieuse carte reçue de Moscou.

[photo : in situ, mais de loin, avec un gars qui se retourne, curieux, pour regarder]