suite de ce billet et celui-là
[Les liens restent à complèter, mais pas chez moi, connexion d'emprunt et il paraît que l'apéro ne peut se faire sans moi ]
L’été 2005 s’écoule
donc dans une sorte de bonheur épuisé (la période du comité de soutien avec
cette double vie qu’elle m’a fait mener m’a complètement décalquée), d’immenses
illusions, de difficultés larvées « à l’usine » (1) et pas mal d’écriture.
Il y a l’Hôtel des
Blogueurs dont j’ai déjà parlé et qui m’apprendra beaucoup d’un point de vue technique
et narratif.
Emotion forte : quand à ma question de savoir si un cross-over était
envisageable pour l’épisode où Michel Jouffreau (le personnage qu’on m’avait
confié) devait aller consulter un médecin et que ça soit Bruno Sachs qu’il
aille voir, Mar(c)tin Winckler me répond que dans la vraie vie ce sont les
patients qui choisissent leur docteur et qu’il n’y a pas de raison pour que ça
soit différent dans la
fiction. J
’ai bossé ce jour-là comme jamais.
Et certaines scènes
que sous l’impulsion du personnage tenu par Johann je me suis trouvée amenée à
écrire alors que l’idée ne m’en serait spontanément jamais venue.
L’écriture collective
est un exercice intense et salutaire.
Je poursuis par
ailleurs mes récits italiens, bien décidée vers l’automne à en proposer au
moins six pour relecture à l’amie qui m’a mise au travail presque deux ans plus
tôt. Ma vie alors était calme et stable.
Et puis il y a des
messages, des commentaires, des petits mots encourageants des uns et des autres
qui me poussent à bloguer enfin « pour de bon ». Je reprends alors
l’idée d’une toute première ébauche de manuscrit sur une suggestion qu’elle
m’avait faite et sur laquelle j’avais travaillé de novembre 2003 à février
2004, avant d’être coupée dans mon élan par des chantiers amicaux, la
publication par Paul Fournel
de son « Poil de Cairotes » qui naviguait vraiment dans les mêmes
eaux (2) et la maladie de mon père.
Ça tombe que cette
idée convient au format blog comme un gant à une Gilda : « une
« forme » dans laquelle tu pourrais inscrire les impressions que tu
ramasses et que tu écris (3), une sorte de journal par bribes organisées » (4). Alors fin août 2005, c’est parti pour
Traces et trajets.
Au départ, j’ai
derrière la tête une intention sinon touristique du moins tournée davantage
vers la ville que le résultat ne le fut. J’invente donc le personnage de
Wijteczk, le coursier polonais (5). Ce grand ami imaginaire sera mon guide à
travers des quartiers de Paris peu ou mal connus.
A ce moment-là, et
pour la première fois de ma vie, tout semble aller si bien que je
m’autoriserais presque des projets d’avenir. Je suis rieuse, bien aimée, et mon
seul combat est de parvenir à faire de mon travail mon métier, quitte à ne
presque rien gagner.
Fatale erreur, dure
illusion, mission impossible (6).
L’automne suivant
n’est qu’une longue suite de difficultés et calamités qui s’abattent,
désespoirs et problèmes de santé, fors quelques petits feux de joie éphémères,
un prix littéraire, une soirée heureuse et réussie fin octobre à feu l’Arbre à
Lettres de la rue
Bachaumont
et la rencontre en fin d’année au même endroit de
Nikita et ses parents.
Peu à peu Wijteczk se
fait insaisissable et incarne la quintessence des amis qui effrayés par malheur
et maladie s’éloignent. Au printemps suivant, quand je perds pieds après une
ultime désaffection, Traces se fait plus introspectif et (trop) sombre. Pendant
6 semaines je suis consignée chez moi, incapable d’assumer une journée de
bureau dans son intégralité. Mes déplacements se limitant de la maison à la
boulangerie, de la boulangerie au cyber-truc (7), du cyber-truc à la maison
avec parfois piscine, la part « petites chroniques de la vie en ville »
s’estompe forcément.
Je pousse un de ces
jours-là jusqu’à la
librairie Art
en Ciel, non pas tant que mes forces reviennent
mais parce qu’elle se trouve sur le chemin de la CPAM où je devais déposer un
papier. « Un homme dans la poche » d’Aurélie Filippetti
m’y attendait. Acheté puis aussitôt lu, il me redonnera le goût de lire et
quelques éléments de compréhension sur ce qui vient de se jouer dans mon
existence. Je ne dirais jamais assez combien ce livre-là lu à ce moment-là aura
compté. Merci Aurélie.
Je dois beaucoup aux
livres d’être encore là.
Je me cramponne à
l’écriture des récits italiens, et je fais bien : ils me permettent de
survivre, de conserver chaque jour une raison de lendemain. Pour autant ils
sombrent dans le sombre. Ce n’est pas leur couleur. Je comprends que je les
trahis et les mets de côté en attendant des jours meilleurs qui pourront les
accueillir. J’entame la rédaction d’ « Après » pour le coup
parfaitement noir et destructuré, un peu expérimental dans sa forme (encore
que, d’autres sans doute déjà l’ont fait) mais que ralentit une documentation
nécessaire sur Cézanne. Je suis ignare et le sais. Quand on va mal, apprendre
soigne. Je le sais aussi. Je me traîne au musée d’Orsay.
En juin 2006, la part
« touristique » se retrouve comme miraculeusement appelée pour Voice
of a City.
D’autres blogs
apparaissent en annexes, question de rangement. Je place à part le cinéma, les
livres, quelques pseudo-poèmes (ça a beaucoup dégénéré, depuis les haïkus de la
première idée), une section Déplacements (comme si prendre ses rêves pour des
réalités pouvait leur donner davantage la chance de se concrétiser). En
travaux, quelques fictions.
Les deux années
suivantes ne sont qu’une lutte jours après jours et parfois heures après heures
pour tenter de sauver ce qui peut l’être dans l’écriture et dans ma vie, malgré
la fragilité induite par la perte de toute confiance, en moi et en les autres,
très difficile à réparer. Je traverse des périodes où plus rien n’a de sens.
Des nuits de fièvres et de cauchemars. Si vos meilleurs amis deviennent vos
assassins aux premiers revers de fortune, à quoi bon persister. Le travail et
le tenir bon finissent cependant par payer.
Quelques bonnes fées
et un enchanteur apparaissent, que j’aimerais bien un jour avoir l’occasion de
remercier de façon signifiante et (pour eux) utile. A partir du moment où je
suis épaulée par des personnes qui avaient déjà de par leur vie tout autre
chose à faire, je ne me sens plus le droit d’abandonner. Désaimée, je n’existe
plus très, je peux néanmoins me rendre solidaire sur tout le temps restant.
Aider les fées est une ambition présomptueuse (très) mais qui me satisfait.
Tenter de ne pas décevoir l’enchanteur.
Honorer décemment les
propositions de travail qui se font. Pas gagné quand sur une fiction entre
trois personnages on n’est plus capable que de raconter la mort de deux d’entre
eux et la souffrance du troisième, en lieu et place d’une comédie qu’on
espérait imaginer.
Avancer sur
« Sans nouvelles », « Café Vanille » (titre provisoire car
il y est beaucoup question de natation et que ce titre-là n’en dit rien ;
« Jérémy, nageur » plus explicite est un peu plat ; des
idées ? (c’est une histoire de jeune gars qui nage et commencer à aimer)).
Ne pas cesser de
gagner sa vie.
Les choses rentrent
dans l’ordre, les santés se font meilleures, sursis, les dangers s’éloignent,
j’assure l’usine, parviens à éviter la maladie longue durée. Des amis décevants
j’ai enfin fait mon deuil. Je suis responsable de les avoir surestimés, ou du
moins la solidité de nos liens. Ça me servira de leçon.
Reste une personne que
je ne peux effacer ; sa disparition n’est pas de la même nature que les
autres, même si mes mots sur la maladie qui frappait l’un de mes enfants ont dû
réactiver chez elle une souffrance similaire et encore trop récente. Je le
sais, je le sens. Une confirmation m’en vient par un canal surprenant au
printemps 2008. Je patauge encore dans ses conséquences : par le déroulé
des faits, mon existence même, je deviens témoin à charge contre qui j’aime et
m’aimait. J’incarne malgré moi une sale confirmation.
Je refuse d’autant
plus et de toute mon énergie retrouvée que les circonstances nous aient
éloignées, qu’on se soit laissé faire par le piège qu’elles nous tendaient. A
moins d’un élément que j’ignore. Enquête en cours, dont je ne partagerai les
conclusions qu’avec ceux qui m’auront directement aidée (c’est inévitable) et
la principale intéressée. Sa vie privée n’a été que trop, bien trop divulguée.
En attendant j’espère
parvenir à dépolluer l’écriture d’un chagrin qui l’a lessivée et déteinte en
noir. Le noir n’est pas ma voix. Mon boulot c’est d’écrire pour réconforter
ceux et celles qui comme je l’étais avant de la rencontrer, n’ont pas choisi
beaucoup de leur vie, subissent des existences pas drôles et se sentent parfois
seul(e)s. Il ne faudra pas non plus attendre de moi que j’écrive sucré, mais
rirons bien ceux qui possèdent de l’humour noir, du doux-amer et le second
degré.
Fors les contraintes
économiques et que certains n’ont pas accès ou aiment tourner des pages ou
l’avis de l’une des fées, je me fous du support, internet ou papier.
Sur Traces ...,
j’aimerais à nouveau et davantage témoigner de l’air du temps, du petit
quotidien de ma ville et des gens, du pas à pas des choses.
(1) Mon engagement
militant découvert au jour de la libération des otages n’a pas toujours été
très bien perçu.
(2) Du coup à tort ou
à raison (lien vers Fulie) j’ai supposé qu’aucun éditeur papier n’en voudrait
quand bien même je réussirai à en faire un ouvrage présentable.
(3) pour l’essentiel
déjà à l’époque de brèves scènes vues, dans la rue à Paris ou en banlieue et
dans le métro
(4) message du 7
novembre 2003 0 heures 49, « Paris X, 0 :45 »
(5) se rappeler qu’au
printemps 2005 nous avons voté, débattu, bagarré au sujet d’un référendum
concernant la constitution européenne.
(6) pour
l’instant (?)
(7) C’est la période
où tout allant mal tout va de travers, donc en finition de la collection de
malheurs s’accumulent les petits tracas quotidiens concrets. Nous nous
retrouvons donc précisément au même moment dégroupés de chez France Télécom /
Wanadoo sans avoir rien demandé à personne.
KO, en pleine crise de
solitude et sans le moindre internet. You know what, I was happy :-( .