Du principe de l'histoire du jockey qui entre dans sa salle de bain appliqué à tout autre chose
Plaisanterie privée

De Louis la maison

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Pour Saint-Florent-le-Vieil du fond désordonné d'une cuisine clichoise, matin calme de congés payés.

Quand Louis Poirier est mort, âgé, il a souhaité léguer ses biens à la collectivité, choisissant pour cela une association au sérieux éprouvé.
Du legs la part immobilière s'avéra encombrante, trop coûteuse, semblait-il, à assumer.

La commune en hérita, un peu embarrassée. Louis n'était pas n'importe qui, il avait eu, pour ces bâtiments un bon projet (maison d'écrivains), mais que personne ne pouvait porter. A part peut-être un Mécène Fortuné.

[Mécène Fortuné, si tu lis ces lignes, n'hésite pas à me contacter au gilda.clg(at)gmail.com, si tu savais tous les projets formidables que je te garde au frais]

On ne pouvait quand même pas en faire n'importe quoi, de ce vieux Louis la maison grise. On se doutait aussi qu'un musée, il n'aurait pas aimé. Ni non plus un lieu criard de restauration rapide, ou la succursale d'un établissement d'assurances ou de crédit.

Le lieu serait public, c'était ce qu'il souhaitait.
La commune recevrait quelques aides si le projet comportait certaines utilités.
En ces charmants villages, l'internet manquait.

Projet :

Le corps de bâtiment secondaire sera transformé moyennant quelques travaux au demeurant pas si coûteux en laverie automatique. Touristes en saison, habitants sous-équipés ravis de n'avoir pas plus loin à aller,  locaux dont la machine serait tombée en panne,  assez de personnes en auraient l'usage.
Au rez-de-chaussée de la maison, on ouvrira un débit de boissons, à l'occasion dépôt de pain (pour dépanner) et fournisseur de menue monnaie pour les clients de la laverie. On pourra l'hiver y boire du thé bien chaud, pendant que les draps  se feront essorer.
Aux clients  sympathiques et curieux de l'endroit ou bien des livres,  le  tenancier révèlera qu'habitait là autrefois un des plus grands écrivains français du XXème siècle, qu'il signait Gracq, Julien Gracq et qu'il était des plus discrets. Certains connaîtront son nom et ses livres, on peut imaginer qu'il seront passé exprès. D'autres, non. Mais, on leur racontera. On leur donnera envie. On leur laissera le choix entre une liseuse électronique, télécharger sur la leur ou bien d'étranges volumes non découpés et un vieux coupe-papiers. Les plus jeunes adoreront, mais trouveront les mots petits et les images absentes. Ils liront, un peu, au moins. Pour se faire une idée. Quelques-uns, sidérés et séduits, ne repartiront qu'à la nuit (1).
A l'étage, bien sûr, un cyber-endroit. Connexions internet haut débit, ordinateurs en bon état, pas nécessairement si nombreux, mais permettant aux clients de la laverie de meubler leur attente, aux gamins du coin de venir jouer en réseau pour pas trop cher, aux chômeurs de passer envoyer leur CV et consulter les offres, aux passants pressés de relever leurs mails, aux blogueurs de bloguer, aux écrivains de publier (en ligne, désormais).
Il ne sera ainsi pas cessé d'écrire, en ces lieux habitués. Aux dimanches, on fera des lectures au café.
Et le linge sera lavé.
Des temps d'avant subsisteront un vieux carré de papier peint sans indication de rien et quelques meubles pratiques dont on taira l'origine mais qu'on respectera.

(1) Penser à ouvrir un hôtel, pas très loin, aussi, si le village n'en possède pas au moins un déjà.







[photo : même fleuve, amont, autre maison, pour l'idée du surplomb]

Les vraies photos de l'authentique sont chez François Bon

      


Ce qui précède est ma contribution au :  200 projets  pour la maison de Julien Gracq.

C'est sur le tiers-livre de François Bon et si vous êtes inspirés, surtout n'hésitez pas.

Le problème de fond (que faire du legs de Julien Gracq ?) n'est hélas pas une fiction.

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