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Le jité dont vous rêvez

un mercredi soir, 20 heures, maison

Ma fille pas plus que moi ne regarde les infos à la télévision, à moins qu'un cousin, qu'un(e)  ami(e) n'ait été concerné et nous en ait prévenu. Nous préférons l'internet, la presse, parfois la radio, plus rapides, plus denses, plus diversifié d'opinions, prenant moins les gens pour des imbéciles et peut-être un peu moins manipulés par différents pouvoirs.

Seulement ce soir là, elle était là à cette heure-là. Peut-être que Stéphanot juste avant avait regardé du foot, ou une série, je l'ignore.

Toujours est-il qu'à 20 heures 40, je vois débarquer la grande dans ma cuisine où je tapais avec acharnement sur mon clavier comme si de la musique j'aurais pu en tirer (je n'ai pas encore compris que le rythme des mots n'est pas celui des sons qui sortiraient si les touches émettaient des notes).

Elle me fait.

- C'est bizarre, j'ai regardé le journal télé.

moi : - ... ?

elle : - Ben oui c'est bizarre on aurait dit qu'ils l'avaient fait exprès. Pour moi, je veux dire.

moi : - ... ? ?

elle : -  Ben oui ils ont parlé de Clichy.  Tu sais le gars qui faisait une bombe chez lui et qui a fait tout sauter. 
En fait c'était un postier, ajoute-t-elle comme si ça expliquait quelque chose.
Puis
- Il était peut-être d'extrême droite, enfin celui-là.

moi : - [sourire]

elle : - Et puis après ils ont parlé de Coutances (1). Tu te rends compte, Coutances ?! En plus qu'ils en ont parlé pour rien, c'est juste le maire qui a interdit la vente d'alcool à certaines heures parce qu'il y avait des jeunes ils se saoulaient et puis ils faisaient des conneries.
Enfin comme partout, quoi.

Après avoir compris que l'interdiction concernait tout le monde et pas seulement les moins de 18 ans ou quelques chose du genre, je m'apitoie un instant sur le sort des poivrots locaux.

Elle conclut alors :

- N'empêche dans le même journal des images de deux endroits qu'on connaît super bien, ça fait bizarre.

Puis elle s'en retourne à ses chères études.

Je me dis que pourtant à Patrick je n'avais rien avoué.  TF1 a probablement mis au point un nouveau concept interactif destiné à scotcher les gens à leur écran  avant les principaux tunnels publicitaires : un système détecte au moins pour les câblés, d'où  le spectateur  visionne et insère un sujet sur sa localité. Pour les clients dûment répertoriés et au sujet desquels au fil des ans des informations complémentaires auront été glanées, seront rajoutés un ou deux sujets secondaires touchant leur région d'origine ou de villégiature courante.

Ma fille qui l'ignorait, est une bêta-testeuse.

Nous expérimentons ainsi la télé grand public de proximité. Pour vérification scientifique, demain je regarderai.


(1) Cette petite ville est toute proche de "ma" Normandie. Nous y passons souvent quand nous sommes en vacances.

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Facultés d'adaptation

Mardi matin, en chemin

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La palissade du pourtant récent chantier était toute abîmée à l'angle.
Je m'étais dit "Déjà" et puis aussi "dommage". J'imaginais quelques vols de matériel, c'est si fréquent, peut-être aussi l'occupation nocturne d'un recoin hospitalier, un abri potentiel pour ceux qui sont traqués.

Il est toujours difficile de constater combien notre monde est dur alors que nous sommes sur une des part de planète les plus privilégiées.

C'est en y passant ce matin-là alors que je marchais à grands pas vers la gare afin d'y prendre le train qui me rapprocherait de l'usine, que j'ai compris la raison d'être de ce passage improvisé.

Un ouvrier, en effet, s'y faufilait pour sortir tout en gardant son casque ce qui tenait de l'exploit.  Il fila vers un véhicule personnel ou le café voisin, n'allant pas dans son sens je n'en sus rien.

En revanche j'avais compris que le chantier étant de l'étendue d'un pâté de maisons entier, et la voie d'accès étant à l'opposé, il avait (et sans doute ses collègues) besoin en pratique d'une issue "côté ville". Elle manquait.

Ils se l'étaient créée.

Cette petite échappée belle sur la rigidité et la méconnaissance par certains du terrain,  m'a réjouie toute la journée.


[photo : same place, different hour]


Mon nom est personne

Ces jours-ci, d'une façon générale

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De mon baccalauréat je n'ai quasiment que des souvenirs de cinéma.
De cinéma à la télé.

Cette même semaine pendant laquelle je passait les épreuves, Mitterrand (François) s'élisait (ou celle d'avant ? ou juste après ?), et sur Antenne 2 avait lieu une "fête du film" dont j'ignore si elle fut ponctuelle ou par la suite réitérée.

Les épreuves me sont donc demeurées oubliées au profit de "Jeux interdits", "Rebels without a cause", "Les raisins de la colère", et quelques autres désormais estompés (Je crois aussi "La chartreuse de Parme" avec Gérard Philipe et du coup me vient un doute sur "Les raisins ...").

James Dean est pour moi à tout jamais lié à la physique, dont j'ai passé l'épreuve la tête encore dans le film qui m'avait occupée une partie de la matinée.

J'ignore si c'était dans ce cadre où en dehors de cette programmation spécifique, mais le dimanche précédant, alors que je m'étais prévu de potasser moult histoire et géographie, avait été diffusé "Mon nom est personne".

J'avais un faible pour Henri Fonda, son visage qui me semblait si harmonieux et équilibré, celui d'un homme de sagesse et de paix.  J'ai donc délaissé mes classeurs et cahiers pour regarder.

Effet de l'effet "veille d'examens" ?, bien des dialogues, pourtant en français (pas le choix à l'époque) me sont restés.

Et entre autre cette histoire que raconte Terence Hill à un moment donné, de tous ses yeux trop bleus.

C'est celle du petit piaf tombé du nid qu'une vache noie sous sa bouse, mais qui ainsi le sauve d'un renard affamé. La morale affichée en était quelque chose comme : Celui qui te met dans la merde, peut-être ainsi te sauve.

Ce qui m'avait très clairement semblé aussi ridicule et très amerloque que des trucs de l'accabit de quelques "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort" et autres balivernes. J'avais déjà à l'époque eu le temps de constater que "ce qui nous bousille nous esquinte durablement" était plus proche de la (sinistre) réalité du terrain. Et encore, je n'avais rien vu.

Mais comme "seuls les imbéciles ne changent pas d'avis", et que me gonfle soudain la présomption de n'en pas être, je me dois de confesser enfin que j'assiste ces jours-ci impuissante et malheureuse, mais soulagée aussi, à ce même phénomène, présent dans ma vie.

Est en train de me sauver quelque chose qui fut, j'en ai peur, conçu sinon pour salir du moins pour évacuer, mais qui bizarrement me protège d'une autre prédation laquelle me menaçait depuis trop longtemps.

Le coeur brisé, plus que jamais, j'accueille ce sursis et redevient curieuse des mois à venir.
Et si de Personne, enfin je m'inspirais ?

[photo : sans rapport avec le sujet, quoique, qui sait ?]

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Page 407

Ce soir, retour d'usine                      

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C'est la femme qui ne lisait pas que pourtant j'ai remarquée.
Elle me rappelait Annie Ernaux, dont je venais de songer qu'il faudrait que je la revoie et lui parle un peu sérieusement de quelques trucs qui m'étreignent et devraient lui faire sens.
Ou peut-être est-ce parce que je venais de penser à elle que j'ai trouvé cette ressemblance éventuellement imaginée.

Elle ne lisait pas, mais elle s'intéressait à la lecture de sa voisine.
Laquelle pourtant déjà chargée, était plongée dans un bouquin épais et que l'on voit beaucoup en plus qu'ils sont trois : les "Milléniums" de Stieg Larsson.
Il a fallu qu'à Brochant les descentes et montées les bousculent un peu pour que la première ose adresser la parole à la seconde qu'elle craignait de déranger.

- Ça a l'air passionnant ce que vous lisez.

La lectrice sourit,

- C'est sûr ça se lit tout seul. J'ai eu des problèmes de trains et ça tombe bien, je suis dedans depuis 14 heures.

Puis elle précise que ce sont plusieurs amis à elle qui le lui ont conseillé et qu'elle a attaqué directement sur le tome 2 (que peut-être ils lui ont passé) mais que ça n'est pas vraiment gênant.

J'avais déjà repéré qu'elle en était page 407, et malgré moi (il est 20 h 30 ou peu s'en faut) j'ai déjà calculé que ça fait du une page et quart (en gros) à la minute, pas mal sur la durée et compte tenu de temps inévitables où le livre était fermé.

Elles se saluent en se quittant, l'une descend et l'autre non.

Je suis tout sourire, elles m'ont fait du bien.

En grimpant l'escalier, puisqu'enfin moi aussi je suis arrivée, je songe que puisque la folie et de sombres circonstances m'ont contrainte douloureusement à renoncer au moindre amour comme à la grande amitié, il serait grand temps que je me garnisse d'un brin d'ambition. Celle d'écrire quelque chose, où que ce soit qui fasse dire à qui le lit, "j'ai eu des problèmes de train, ça tombe bien", me parait fort enviable, décente et honorable.

C'est peut-être placer la barre dans mon cas un peu haut.  Je me concède alors "des problèmes de métro" et pose dés mon retour les jalons d'un travail pour une fois consommable.

[photo : in situ]

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Tan tan tan tan -- Tan tan tan (air connu)

Sta' sera, grands boulevards, pas tard. Jeudi pour le début.

 

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Je sortais de chez le kiné. Percevant sans doute une fatigue périlleuse, il m'avait plus qu'à l'ordinaire plongée dans un sommeil de réparation.  Il est en effet un peu épuisant d'être à la fois personnages de fiction chez les autres,  mère de famille et salariée d'usine  dans une vie concrète et y subissant (commentaires du médecin inclus) les examens médicaux afférents à l'un des premiers, en cours de créations dans une autre, et désormais seule, sans amour et sans guide pour accomplir tout ça.

Cet état particulier de sommeil ou somnolence s'accompagne d'un grand froid.
Le froid appelant la faim dans un faux apaisement, j'avais donc attrapé un cornet de pâtes à une sympathique mais chère échoppe (j'étais entre temps aux arrières de Mouffetard).

Je m'étais assise dans un coin de square pour les avaler ; deux gars plutôt jeunes ignorant ma présence restèrent un moment à deux pas.  Ils causaient cinéma.

- Tan tan tan tan -- Tan tan tan, chantonna l'un d'eux soudain. Tu vois en fait, moi j'y vais pour ça. Rien que pour l'entendre.

- Ouais enfin, mais y a pas que ça, rigola son copain. Puis ils cherchèrent à convenir d'un moment favorable pour aller voir Jones (Indiana) le retour du retour du revenant retrouvé.


En me souvenant d'eux, je souriais ce soir, remontant la longue file d'attente d'un des cinémas voisins de l'Opéra (1). J'allais vers le métro dans l'idée raisonnable de rentrer chez moi. Je me demandais quelle part des spectateurs qui piétinait là le faisait pour la musique et quelle autre pour la bonne bouille de ce cher Harrison qu'on aura vu vieillir en héros.

J'ai levé les yeux. Idée malencontreuse. C'est pour un tout autre film qu'ils attendaient comme ça. Il m'a dés lors semblé longer entièrement nue le reste de la file, en sortant de là ils en sauront davantage sur moi que moi. Pourtant je n'y suis pas. J'ai juste avant-hier hanté ces endroits et ce peuple-là. Paniquée à l'idée d'une nouvelle crise d'invisibilité, j'ai fixé mes mains, mon sac de sport, des unes j'ai touché l'autre. Ça allait, j'existais. A la première vitrine j'ai par sécurité vérifié mon reflet. Il persistait.

Flottait cependant un doute presque solide : n'étais-je pas vraiment morte deux ans auparavant et à présent en train de errer dans quelques limbes après qu'un film soit paru qui illustrait clairement la cause finale de mon trépas ?

J'ai tenté de me parler à moi-même avant qu'il ne soit trop tard. Mais n'y suis pas parvenue. J'ai beau m'entraîner assidument l'exercice ne m'est pas naturel, j'avais trop pris ce pli de m'adresser à ceux que j'aime mais qui ont si bien répondu absents en mon année de malheurs que je ne cause plus qu'au vide.

Arrête !

Ah tiens, ça a marché.

Encouragée par cette micro victoire, je me suis concentrée sur le souvenir de chacun de ceux qui depuis une semaine m'avait accordé un intérêt, un geste tendre, leur affection. L'un m'a offert un heureux dîner en me disant amie, l'autre m'a embrassée alors que je n'osais guère (mais en éprouvais également l'élan), l'amie qui me convie auprès d'elle avant un moment qu'elle me sait difficile, la personne rencontrée qui me demande la permission de me laisser son numéro, celle dont le livre m'a arraché un peu de solitude (2), l'amie qui accepte que je la raccompagne, Viviane Hamy, Coline Serreau, d'autres qu'à l'instant injustement j'oublie.  Stéphanot aussi, qui m'attend à la maison.

Parce qu'eux au moins sont là, je n'ai pas le droit de laisser tomber. Je suis donc parvenue à rentrer chez moi. La pluie ou mes larmes faisaient floc à chaque pas, mon sac pesait son volume en béton, mais j'y suis arrivée.

En guise d'Eurovision, j'écoute Quadrophenia. Puis relis Adeline Stephen de façon calendaire, date par date du même jour de tous les ans où elle l'avait écrite.
Peut-être qu'après ça ira mieux. Les morts ne mentent plus, leurs trahisons
sont closes, ainsi que leurs lâchetés.

Je dois réapprendre à me laisser aimer par ceux qui sont présents, à ne plus laisser mon esprit égaré par l'absence, admettre une fois pour toute l'oubli impossible, mais apprendre à la tolérer avec sérénité. Ne pas laisser une fin incomprise me priver des moments partagés, qui furent si forts, intenses, bons, justes et nécessaires. Poursuivre sans relâche le chemin qu'ils m'indiquaient. Même si seule c'est si loin.


(1) Garnier.

(2) Véronique Ovaldé "Et mon coeur transparent" (éditions de l'Olivier).

 

  [photo : par dérision associative, en fait prise le 9 mai dans le quartier latin]


Le coiffeur de ma mère

j'en parle maintenant mais c'est jadis, à Poissy ou Saint-Germain-en-Laye

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Il fut un temps où ma mère et moi nous parlions davantage. Elle n'avait pas encore tenu devant moi de propos xénophobes (1), et si j'étais déjà consciente de devoir à mes parents certaines difficultés, je l'étais de ma dette d'être née et j'avais par ailleurs bon espoir de m'en sortir malgré, alors je m'efforçais.

Elle m'a donc à plusieurs reprises raconté un bref épisode de sa vie d'il y a une cinquantaine d'années et qui l'avait laissée troublée.  Elle était à l'époque jeune, élégante et fort jolie, pourvue par la nature d'une chevelure rousse exceptionnelle. Elle allait donc régulièrement chez le coiffeur, c'est à dire pas comme moi qui y consent le moins souvent possible, même si j'ai enfin trouvé un salon où me rendre n'est pas corvée.

Elle avait déniché pas trop loin de là où elle habitait, un établissement qui lui convenait, avec un coiffeur en particulier dont elle trouvait qu'il était attentionné et réussissait fort bien ses coupes. Elle avait donc pris l'habitude de lui confier sa chevelure et s'en trouvait fort bien.

Comme chez les coiffeurs on cause, j'imagine que c'était à l'usage établie entre eux une certaine connivence et comme une forme de complicité. Peut-être lui avait-elle parlé de celui qu'elle s'apprêtait à (2) épouser, et qui serait mon père.

Et de ses souvenirs de la guerre, qui sait ?, ceux dont elle ne parlait jamais et qu'il fallut attendre 60 ans après pour qu'enfin un peu on sache, et pourquoi nous aussi par ricochet on souffrait.

Un jour, il n'y fut plus.

Dans le journal local, faits divers, un article.  "Son" coiffeur avait été arrêté. Soupçonné très fortement d'un ou deux ou trois (viols et ?) meurtres, sur quelques clientes jeunes et jolies dont il se débarrassait ensuite, imparfaitement dans la forêt voisine. Il fut, je crois, confirmé par la suite dans sa culpabilité, mais gracié et définitivement interné pour folie meurtrière.

Elle n'en était pas revenue et n'en revenait toujours pas alors qu'elle m'en parlait.

- Il était si gentil. Si attentionné. Si parfait.

Bizarrement, elle ne semblait pas effrayée par l'éventualité qu'il aurait pu elle aussi la trouver éligible pour quand il déraillait. Peut-être était-il de ceux qui "partent" par mots-clefs et qu'elle n'avait pas prononcés ?

Une fois elle avait ajouté avec grand soupir de regret :

- Et il coiffait si bien.

Depuis mercredi soir, je connais à mon tour cette même sidération. Le danger ne fut que moral ; j'ai failli cependant y rester.  Me croyais coupable de quelque chose. Ai enfin compris que je n'étais qu'un élément secondaire d'une glorieuse série. Et n'avais peut-être été choyée que pour constituer une victime de meilleure qualité et moins insignifiante.

J'ai alors compris que mon rôle n'était pas de choir mais de soigner. Et que tant qu'il me restera des forces, ce rôle je m'y tiendrai. Je ne veux pas qu'après une fin fatale d'épisode ultérieur avec d'autres personnes et qui se défendraient (avec violence (ce que je n'ai pas fait)), quiconque puisse dire de ma "coiffeuse" avec un soupir triste :

- Elle écrivait si bien.

Ne m'effraient ni la mort ni la folie, seulement la solitude et toutes leurs souffrances.

Mes cheveux n'y sont pour rien.

(1) A tous ceux à qui ma présence serait devenue pesante, il est extrêmement facile de se débarrasser de moi : il suffit de se montrer un tantinet raciste ou xénophobe ou quoi que ce soit qui ressemble à ça. Ce n'est ni politique ni raisonné, je suis juste incapable d'éprouver de l'affection pour qui rejette d'emblée un groupe de personnes pour leur simple appartenance à un ensemble qu'elles n'ont pas choisi mais subi. Et je sais même pourquoi, il y entre peu de générosité et comme un instinct de survie : je ne peux m'empêcher de me dire, Tu les rejettes, eux, aujourd'hui, demain ce sera moi, autant partir tout de suite avant précipitation du danger.

C'est beaucoup plus efficace que le bannissement ou la silenciation.

(2) ou "venait d'"

[photo : devanture non loin de la rue des Mathurins, mais qui n'a rien à voir à part le métier et qu'elle m'amusait]

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Le peintre heureux du mois d'avant

Au soir du 19 avril, à Bagnolet

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Elle m'avait conviée à venir l'écouter mais l'ignorait peut-être. Celle qui fut Holmes avant d'incarner l'énigme même. En Watson très fidèle, malgré tout j'avais obtempéré.

C'était en une de ces banlieues que j'ignore un peu, j'avais donc décidé de venir en avance afin de m'y exercer à photographier. J'avais pris soin d'arriver par le terminus de Pousse-Manette, peut-être dans l'espoir de la croiser, ou bien pour commencer par des lieux familiers.

Beaucoup de bâtiments, voués semble-t-il au remembrement, sont graphés en beauté. J'ai déjà sorti mon appareil mais ne souhaite pas me disperser. Alors je ne prends en image que ceux qui me semblent vraiment dignes d'être remarqués.

C'est alors que je m'applique sur une fresque particulièrement réussie qu'un homme que je viens de croiser s'arrête derrière moi. Concentrée sur mon travail, je n'en ai pas conscience, jusqu'au moment où retentit un petit rire léger.

Je me retourne.

Il me dit alors en anglais

- I've done this work.

Je n'ai que le temps de répondre quelque chose comme

- It's a great one et joindre à mes mots un geste admiratif international, déjà il a esquissé un élégant salut, une forme de "de rien" ou de "c'était la moindre des choses" et puis d'allégresse que je perçois dans ces pas qui l'éloignent.

La soirée me fut douce par qui m'accompagnait, mais terriblement secouante par ce que j'y entendais, je parle du spectacle, de l'un des deux qui l'ont occupée.

Quand je me sentais flancher, je repensais au peintre que ma brève attention avait rendu heureux, et que la persistance pour moi si douloureuse de ma propre existence valait au moins la peine pour eux, ceux que je croise et en sont  contents. Généralement hélas si ponctuellement.

Du peintre de Bagnolet, j'ignore encore le nom.


[photo : in situ ]


Ma vie parallèle

(un étrange retour)

Sortie d'usine, tombée du (lundi) soir

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Je me hâte d'achever un travail en cours, on approche de six heures et demie. Ma concentration soudain se fracasse contre l'impérieuse nécessité de quitter l'usine, non pas tant par dégoût que "parce que je risque d'être en retard".

Je n'ai hélas ce soir aucun rendez-vous, ni galant ni d'aucune sorte.

D'où me vient donc ce trac diffus que je mesure au moment même où en toute hâte je range mes affaires. Je reconnais la sensation, c'est celle des concerts de chorale, quand je vais devoir participer à quelque chose sur scène sans être seule concernée.

Seulement ce soir pas de concert, pas même de répétition. Rien d'autre au programme qu'un simple retour chez moi. Pourtant je vais jusqu'à penser Pas de chance que ça me tombe aux mauvais jours du mois, c'est toujours comme ça.

Le trac se précise, il s'approche des battements de coeur au soir où sentant les amis en mal de candidats, je me suis lancée en slam dans une brève impro.

A dieu ou son absence ne plaise, je me précipite chez le premier chausseur venu, ils sont nombreux dans le quartier, et y achète une paire de chaussures confortables et de couleur verte que je garde aux pieds afin qu'elles me guident.  Je connais le risque : c'est celui d'un retour tardif après avoir arpenté en vain Paris d'est en ouest puis du sud au nord.

Cette nouvelle paire, heureusement, se montre raisonnable et m'entraîne jusqu'à Madeleine et de là vers Satin Lazare, ce qui tout naturellement me conduira à prendre un train vers  mon domicile.

Je marche à grands pas souples, soulagée de ma solitude, retrouvée d'avec moi-même. J'ignore encore pourquoi et savoure une respiration délivrée de tout chagrin. La pierre de larmes que porte depuis deux ans en permanence mon estomac semble avoir disparu.

Je ne suis plus seule. Personne pourtant ne m'accompagne.

A hauteur  de la  fascinante  boutique  de blanchiment du blanchisseur "Parfait élève de Pouyane", me déboule la pensée que puisque je suis en avance (mais sur quoi ? ou bien : pour qui ? ou encore : pour quoi faire ?) il faut que j'aille en face au café en terrasse, boire un verre de vin blanc frais en attendant l'instant requis. J'hésite à obéir,  le vin blanc m'étonne de moi, quand ce que j'ai à faire par après ne présente aucun souci logistique quant aux possibilités d'aller aux toilettes de s'entraîner à quelque technique ultime  , je préfère de loin une bonne bière, avec ou sans Picon. C'est alors que je ressens le goût âcre du tabac. Un regard circulaire me confirme ce que je sais déjà : aucun fumeur autour de moi qui n'ai jamais fait partie de cette compagnie là.

Je vérifie par acquis de conscience que personne de ma connaissance n'est réellement dans les parages, puis délibérément, plus lentement et tentant de me préparer à ce qui suivra (le vide revenu, l'arrachement ressenti), prends le chemin sage de ma maison. Partagée entre une jubilation légère, tout ne serait donc pas perdu, et une tristesse infinie, pourquoi ne peut-on plus ?

A mesure qu'à peine plus tard le train s'avance vers la banlieue, je perds ces sensations comme un petit transistor  qui trop éloigné de la source ou d'une antenne relais ne parviendrait plus à capter la fréquence qu'il retransmettait.

Une fois à la maison me requièrent quelques taches ménagères ou d'intendance, Stéphanot rentre et qui a faim. Je bricole d'un dîner la part élémentaire. La grâce s'envole. Revient le vertige de s'habiter seule.

Je pleure un peu et puis j'écris.

Je portais ce jour-là ma veste miraculeuse. Le serait-elle vraiment ?

[photo : entre La Madeleine et les Grands Magazins, le jour même]

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Avant que les soins médicaux ne soient devenus un luxe inouï

      

Chacun a pu croire que ça concernerait le voisin, ceux qui prétendument abusent des soins (désolée mais pour ma part je ne connais que des malades et qui s'en passeraient bien s'ils pouvaient sans risque le faire). A présent que le déremboursement a commencé, chacun d'entre nous qui a eu depuis janvier à se soigner de quelque chose peut en constater l'impact sur son propre budget.

J'ai pu constater pour ma part (famille de 4 personnes) que depuis le début de l'année, une centaine d'euros ne nous avaient pas été remboursés alors qu'ils pouvaient encore l'être l'an passé. D'accord, je n'ai pas eu de chance, j'ai failli un samedi de février dernier être embarquée aux urgences par suite d'un mauvais malaise, et si j'ai pu l'éviter je n'ai pas coupé aux différents examens de contrôle et d'investigation par après. Peut-être que ce coût qu'on me fait supporter est le prix à payer d'avoir eu le mauvais goût de survivre ce matin-là et de n'avoir pas non plus finalement renoncé à la vie il y a deux ans de ça.
Sans doute que vous êtes en parfaite santé et persuadés d'y rester, je peux même vous le souhaiter.


Mais parce que j'ose espérer qu'il n'est pas trop tard, qu'un peu de bon sens pourra empêcher que soit systématiquement détruit ce qui faisait de notre société quelque chose d'un peu civilisé,  où persiste un peu de ce truc désuet qu'on appelle solidarité et qui fait qu'on s'en sort moins pas ensemble que seuls, peut-être pourriez-vous prendre le temps d'aller regarder là :

Interview de Christian Lehmann, médecin généraliste (18/01/08)
(un des initiateurs de l'Appel contre la franchise)


Lecture du dimanche (avis aux Parisiens et proches banlieusards)

Est-ce l'annonce officielle de ma bonne santé (en profiter à fond ça ne saurait durer), un effet du printemps, la volonté revenue de ne plus me laisser faire ni par les injustes ni par l'adversité, le fait que je me sois remise d'arrache-pieds sur mon plus ancien chantier ?, mais ma vie semble ces temps-ci  mettre un tel coup d'accélérateur que j'ai du mal à la suivre.

Ici même en brouillon tout un lot de billets, réduits à l'état de titre, d'une photo, de trois lignes d'un texte entamé et impossible à achever pour cause de départ précipité vers le sommeil ou d'autres aventures.

Vite avant qu'il ne soit trop tard (car ça concerne demain), l'annonce d'une présentation et lecture :

Dimanche 18/05/2008 de 17 h à 19 h

au café Les marcheurs de planète
73 Rue de la Roquette
75011 Paris
01-43-48-90-98

www.lesmarcheursdeplanete.com

métro Voltaire ou Bastille et tout plein de stations vélibs à proche portée.

Il s'agira cette fois d'Henry Miller. Mon voisin d'autrefois.Pict0010

Fulie en parle bien mieux que moi, qui ne fait que le croiser en allant chez la gardienne de 60 ans après.

[photo : Clichy la Garenne, son avenue mais qu'il n'aimait pas]