Comportements étonnants
04 avril 2008
Ces trois derniers jours histoire de limiter la taille de ce billet. Et dans Paris (c'est mieux ainsi)
Lydie Avril du Premier, attachée de presse redoutable des éditions Oh fonds ! avait expliqué à la passante que notre attroupement joyeux avait attirée,
combien était passionnant le livre de Veronica Trapez, que bien sûr elle défendait.
La dame, conquise, s'était laissée tenter.
Elle avait donc demandé une dédicace à Veronica, qui la lui avait accordée volontiers puis, future lectrice, avait ouvert le livre, pour savoir ce qui l'attendait. Elle ne vit que pages blanches à part celle de garde. Surprise elle se tourna vers Philippe, qui lui expliqua qu'il s'agissait là d'un nouveau concept destiné à aider le lecteur à développer son imagination, mais qu'écrire des pages blanches n'était pas aussi simple qu'on pouvait le croire.
J'ignore la suite, j'étais partie dissimuler le fou rire faramineux qui me saisissait devant l'air de la victime, visiblement oublieuse de la date, et qui commençait cependant à se douter qu'il y avait anguille sous poche.
Au même moment ou peu après : il sortait du travail, un homme des plus sérieux, costard-cravate, imper et porte-documents. Vit le buffet qui s'étalait.
Posa sa serviette, délicatement au pied d'une table, évalua d'un oeil connaisseur la qualité des denrées et des plats proposés, se servit posément.
Dégusta ...
Puis reprit sa sacoche, salua et partit comme il était venu et sans demander ni son reste ni pourquoi on était là. Paris est une ville merveilleuse où au coin des rues les gens font la fête et offrent généreusement boire et manger.
Le lendemain, j'assistai à une séance d'interview-slam-signatures de l'homme dont je serais fan si je savais l'être ; étant donné que je ne sais pas, je l'aime comme un grand cousin, un peu jeune, proche et lointain. Connaissant ma capacité à faire sonner les portiques de sécurité quand je suis fatrisvée et la sur-surveillance en ce supermarché de produits électroniques et culturels, j'avais pris ce soin préalable de vider ma musette de quelques-uns de ses bouquins. C'était sans compter un petit livre de poèmes qui m'accompagne depuis la Foire du Livre de Bruxelles . Alors que je quittais la salle principale pour passer aux toilettes passage également équipé de portiques et d'une personne présente à guetter, s'il fût une dame pourvue d'une soucoupe on aurait pu croire que., je fis glorieusement sonner l'appareil. Un rapide examen de mes sacs permis d'en extraire le coupable, heureusement dûment estampillé de sa septentrionale provenance. Le préposé aux stridulences me pria de le déposer sur un comptoir voisin. Il me le rendit (1) à mon retour d'escale technique, mon neurone subsistant s'inquiéta soudain de complications potentielles à la sortie réelle, alors je posai la question, Mais pourquoi il sonne ?
Oh c'est à cause de ça, me dit-il gentiment en m'indiquant le petit à-plat métallique colimaçonné qu'on trouve dans pas mal d'objets vendus dans les supermarchés. Mais celui-ci n'était pas collé, juste glissé entre deux pages comme une concession à contre-coeur aux contingences sécuritaires.
- Je l'aurais bien jeté, ajouta-t-il, mais ... il vous sert de marque-pages.
Il me servait de rien du tout, je n'en étais pas si loin dans ma lecture et puis la poésie je la lis au hasard de l'ouverture des feuilles. Son respect m'a émue. Au lieu d'un vigile vile ou bien méprisant, j'avais un élégant. J'en étais étonnée. Aurais-je des préjugés ?
D'un commun accord nous nous sommes débarrassés de l'objet sonnant qui faisait trébucher, et je suis sortie sans encombres.
Le lendemain du lendemain c'est à dire ce soir-même, alors que je filais d'un pas rapide mais mou (2) vers une librairie amie où l'on m'attendait pour une fort sympathique festivité (3), perdue dans ma fatigue, égarée dans mes pensées, j'ai vaguement entrevu un motard qui tendait quelque chose à un garçon mais qui se trouvait hors de mon champs de vision et aussitôt l'objet saisi filait en disant d'une voix d'enfant que Stéphanot n'a déjà plus (tout à fait) (4) :
- Merci beaucoup Papa.
Le pilote déjà casqué, démarra aussitôt et emprunta la petite rue que mon chemin suivait. Mais pas moi lui des yeux qui soudain pensais à appeler mon propre fils pour le prévenir d'où j'étais. La festivité en effet n'était pas planifiée.
Ce n'est qu'une fois le téléfonino replié, conversation terminée et destination en vue, que j'ai reconnu qui j'avais croisé et que je savais la voix de ce garçon-là et que c'était en plus fort logique de les voir là.
Je n'avais mis qu'un bon quart d'heure à les identifier, à retardement parfait. Le comportement surprenant venait de moi cette fois.
Les journées d'usine et les chagrins profonds ne me réussissent pas.
(1) Il avait intérêt, je suis pas le genre de fille qui se laisse chouraver un recueil de poésie.
(2) J'en cause un peu ici au début du billet, c'est un souci que j'ai.
(3) Je passe mon temps à faire la fête dans les (meilleures) librairies de Paris et sa petite couronne, c'est un fait probablement inavouable mais totalement assumé.
(4) N'exagérons rien, il n'en est pas encore à voisiner Fabien.
[photo : la station Vélib la mieux encadrée de Paris, rue d'Hauteville, Xème]
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