L'épate, l'épate mais oui c'est Pantani
10 avril 2008
Ces jours-ci dans une librairie amie
La jeune fille entre d'un pas résolu puis s'arrête vers le comptoir soudainement désemparée. Les livres c'est pas son truc et puis elle ne voit même pas de mangas.
Elle sort son agenda Puka, mais elle avait griffonné le titre en fin de cours quand le prof. l'avait dit. Résultat, c'est illisible et puis le nom de l'auteur n'y est même pas. C'était une histoire de spaghetti. Peut-être un auteur italien.
Non, pas des spaghetti, autre chose. Mais pourquoi elle pense à des pâtes ? Oui c'est ça l'auteur avait un nom de pâtes.
Pas de chance, elle est la seule cliente, un peu normal, le mardi elle quitte tôt, et dans le creux de l'après-midi les vieux sont pas sortis, et puis les darons sont au taf (quand ils en ont un). La libraire qui la regarde avec bienveillance lui laisse le temps, mais il faut bien dire quelque chose et puis c'est trop chiant de rentrer sans le livre.
"Anti ... anti ..." et puis un "o" plus loin, et à la fin c'est un e. Ah oui, Antilope.
Alors elle demande :
- Je cherche un livre, c'est "L'antilope" mais je sais pu le nom de l'auteur c'était un nom qui faisait penser aux pâtes.
La libraire reste perplexe. "L'Antilope" elle voit pas. Elle cherche parmi les noms d'auteurs italiens ceux qui pourraient ressembler à des marques de pâtes.
Barilla ? Panzani ? Non.
Camilleri n'a rien d'une fabrique de tagliatelle, et puis quelle "Antilope" ? A Henning Mankell on associerait volontiers une antilope pour sa part africaine. Mais les coquillettes Mankell n'existent pas encore. La cliente aurait bien l'air et l'âge d'une fan de Fabio Volo, mais ravioli Volo, ça ne colle pas, et puis quelle antilope, à moins que Bonetti ? Le déliziose lasagne Bonetti ? Un autre jour ...
La jeune fille sent qu'il faut qu'elle aide, elle a cru voir l'ombre d'un sourire accompagner la réflexion de seule personne qui pourra lui éviter un appel humiliant à sa copine Sarah, indéclassable première de la classe et qui forcément saura, pour le livre, mais saura aussi se moquer. Après.
L'antilope, finalement, même ça elle a un doute. Elle se rappelle que la prof a parlé de théâtre.
- C'est une pièce de théâtre, je crois.
Théâtre à cet âge, ça veut dire lecture obligatoire pour l'école ; l'adolescente n'a ni cette timidité extrême ni à l'opposé cette assurance énergique qu'ont souvent ceux qu'appelle ce genre de vocations. La libraire réfléchit aux ouvrages au programme et aussitôt Bon sang mais c'est bien sûr :
- Il ne s'agirait pas de l'"Antigone" d'Anouilh ?
Avec un grand sourire l'élève accueille la clef de son énigme, ravie d'apprendre que le livre y est. Elle n'aura pas à revenir. Ni à demander à Sarah.
Et puis ça va, le livre n'est pas trop gros, ça sera pas trop dur à lire.
Toute à son soulagement, c'est seulement au feu rouge suivant alors qu'elle s'apprêtera à traverser vers la rue de Paradis, qu'elle se rappellera son intention première de demander pour des mangas. Il y avait un escalier et donc un étage . Alors peut-être qu'il y en avait en bas.
Pas grave, elle reviendra. Peut-être que sur MSN, Sarah y est déjà.
Spéciale dédicace pour Florence et merci pour son autorisation. J'espère n'avoir par mon brodage, pas trop gâché (trop tentant, pas pu m'empêcher).
Le titre du billet est un emprunt sauvage (et peut-être approximatif tant de temps a passé) à un article du Canard Enchaîné qui doit dater de juillet 1998 (à la mémoire), et narrait dans un tour de France épuisé par les affaires de dopage qui en faisaient davantage un feuilleton policier qu'une épopée sportive, comment Pantani avait triomphé avec un panache fou dans l'Alpe d'Huez.