A l'ombre d'un marronnier (milieu)
25 avril 2008
Suite de ce billet
Fin 2004, je bossais à fond sur un chantier d'écriture qui a depuis subi de plein fouet les péripéties de ma vie, et qui n'a pas vraiment de titre ou plusieurs ou qui varient mais que je considère comme des "Petits récits italiens".
Peu de temps pour bloguer, 20six alors n'était pas non plus d'une fiabilité sans limite et je n'avais pas e temps à perdre à charger et recharger des billets qui partaient vers le rien. Par ailleurs à l'usine je me bats pour obtenir dans le cadre d'un plan social le droit de travailler à temps vraiment partiel.
A cette époque je n'imaginais de toutes façons pas que ce que je produisais sur l'internet puisse être utile à grand-monde.
Tout bascule début 2005 quand par une cascade de circonstances liées au fait que j'étais d'elle une lectrice (son texte sur les Hazara (désolée pour ce lien en anglais, je ne retrouve plus de V.F.), entre autres, m'avait durablement marquée), que je connais quelqu'un qui la connaît, que mon temps partiel par une coïncidence d'une précision effrayante commence au 1er mars, je me retrouve à faire partie du comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun alors prisonniers en Irak.
La plupart des participants sont écrivains, cinéastes ou journalistes. Ils peuvent donc s'engager au travers de leurs outils de travail habituels. Très vite le travail que j'effectue concrètement au local de l'association militante ne me suffit pas, j'ai le sentiment de ne pas contribuer assez, même si souvent mes photos bien que techniquement pas terribles sont utilisées sur le site en complément de celles de Marc Chaumeil.
Alors je prends la parole avec les moyens du bord, là où je peux causer, c'est-à-dire sur l'internet. Et comme j'en ai marre des objections et réticences politiques, qu'aussi ça me dépasse un peu, je décide de parler de façon très intime et terre-à-terre de l'effet que ça fait quand on aime quelqu'un de n'avoir plus de lui aucune nouvelles du jour au lendemain et pour une période dont on ignore la durée et l'issue, tout ça parce qu'il (ou elle) s'est trouvé dans un pays lointains au moment où ça s'est mis à dégénérer.
Ce n'est pas une idée venue de rien, c'est quelque chose que j'ai vécu presque 20 ans plus tôt quand l'homme que j'aimais s'était retrouvé au Burkina Faso exactement au moment du coup d'état qui avait porté Blaise Compaoré au pouvoir. Cet épisode douloureux de ma vie n'est pas pour rien non plus dans mon engagement : je ne peux pas ne pas me mettre à la place des proches des deux personnes retenues , parce que d'une certaine façon, j'ai connu ça.
Je demande alors l'autorisation d'abord à celui qui est devenu mon mari et le père de mes enfants puis aux proches d'alors avec lesquels j'ai encore contact : puis-je raconter ? Parler de vous ? Préférez-vous que je change vos noms ?
La grande majorité me répond oui, oui et non.
Alors c'est parti. On est le 28 février 2005 et parce que des fois je suis un peu dingue je me promets à écrire un billet par jour temps qu'ils ne seront pas rentrés.
Souvent c'est écrit n'importe comment, terminé à 23 h 55 alors que l'heure de bouclage est minuit, mais j'ai décidé une note par jour et je m'y tiens. Je me dis aussi que c'est absurde parce que je ne raconte qu'une vaste attente angoissée, du rien, que ça ne va intéresser personne.
Un truc étrange se passe aussi, moi qui étais incapable d'écrire un vrai "je" narratif, je m'aperçois que sous le poids des circonstances, je suis comme tout le monde capable d'y parvenir. Ça ne m'est pas du tout naturel, ça arrache au passage, mais je m'y tiens et par ailleurs cet exercice quotidien me tient. La concentration de l'écriture dés lors qu'elle s'insère dans les préoccupations du moment, est plus forte que tout et m'aide à leur faire face.
Le 12 juin 2005 la libération des otages est annoncée. Je fais pendant 48 heures (jusqu'à la conférence de presse de Florence Aubenas) l'apprentissage du bonheur. Je ne connaissais pas (1). Le choc pour moi est rude. J'ignorais à quel point le bon aussi peut être violent.
Pour autant je passe le cap (quand même plus facile à faire après un événement heureux), et comme à ma plus grande surprise j'avais attrapé au fil des mois tout un lot de lecteurs fidèles, je poursuis mon histoire jusqu'à son dénouement en lui mettant un terme (sous l'effet présomptueux de l' euphorie ?) par un clin d'oeil à un auteur dont le travail me tient à coeur et me donne l'exemple.
A ce moment je sais que je vais continuer à écrire sur l'internet, mais pour du collectif fictionné,
et si je pense continuer à bloguer c'est dans l'unique idée de causer ciné.
J'ignore encore que j'ai mis le clavier dans un fameux engrenage et qu'il contribuera très fort ensuite à me sauver (si tant est que).
(à suivre et à relire - pas le temps pour l'instant, pardon pour les fautes -)
(1) Fors les naissances mais c'est compliqué car quand on est la mère on est un peu cassées et puis c'est d'un tout autre ordre.
billet rédigé à la demande générale de Bladsurb qui s'inquiétait à juste titre d'un relatif manque de cohérence par ici.