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Ceux qui ont compté

18112007

Je voulais lire avant qu'on m'apprenne et cette souffrance-là, le fait de pressentir qu'il ne me manquait pas grand chose pour piger mais qu'aucun adulte de mon entourage ne voulait consentir à m'aider (1), se réactive dés que les passeurs  possibles  refusent de transmettre.

Alors dés qu'on a consenti à m'expliquer enfin, parce que j'étais parvenue en âge où l'on voulait bien, je m'étais jetée sur tout ce qui passait à portée, ne glissant qu'en coup de vent déchaîné par la case Oui-oui puis Fantômette (en CE1).

Il y eu très rapidement les Club des Cinq et Clan des Sept publiés sous un nom, Enid Blyton, qui m'avait laissé croire, à moi qui ignorais enfant tout de l'anglais, que l'écriture des livres se faisait en usine, ou du moins dans des fabriques et par équipe. Quelqu'un, un chef sans doute, décidait après discussion de la trame de l'intrigue, les personnages avaient leur principales caractéristiques figées dans des sortes de portraits écrits au commencement et qu'il convenait de respecter (ce qui en faisait des êtres à mon goût un peu trop prévisibles), et les chapitres étaient répartis entre les différentes personnes dont c'était le métier de soigneusement les rédiger.

C'est pourquoi le premier vrai livre qui ait compté fut "La gloire de mon père" de Marcel Pagnol. J'étais en CM1, devais avoir 9 ans, on l'avait lu en classe, et cette histoire de bartavelles, à moi qui étais si loin de la chasse (2), m'avait scotchée. J'avais alors compris qu'un être humain qui écrivait avec du sentiment et des souvenirs était derrière ce travail, j'avais compris ce qu'être écrivain signifiait.
Dans la foulée j'avais dévoré tous ses Souvenirs d'enfance et j'étais probablement tombée (secrètement) amoureuse de Lili des Bellons au point que mon petit coeur bat encore quand au détour inattendu d'une conversation d'aujourd'hui revient cité son nom.

Les héroïnes filles qu'on nous proposait à l'époque étaient bien trop nunuches à mon goût, seule la Claude du club des cinq me paraissait un peu normale quoi que bien trop autoritaire (j'ai toujours eu un problème avec l'autorité), mais n'avais pas été insensible aux Alice (en bibliothèque Verte, nom de l'auteur oublié),  adorais  les Poly de  Cécile Aubry (et les feuilletons télévisés y afférents), et  n'avais pas dédaigné  La comtesse de Ségur que je trouvais d'un exotisme forcené mais parfois un peu perplexifiant (ils vivaient bizarrement ces gens). J'aimais beaucoup  ses dialogues avec les prénoms et deux points et puis ça causait. J'y trouvais (mais pourquoi ?) beaucoup de charme.

Mes passions de lectures suivantes sont moins datées et plus en vrac.

Pendant toute une série d'années, celles où j'étais au collège, ma cousine Anne m'offrait à chacun de mes anniversaires une oeuvre majeure dont je me régalais.  Je devais être en 5ème pour "Les Misérables" de ce bon vieux Victor (quel choc, en trois tomes),  et en 3ème pour Jules Vallès ("L'enfant", "Le bachelier", "L'insurgé", ma cousine était généreuse).

A côté de ça je m'étais prise d'intérêt pour les Safari Signes de Pistes dont les illustrations  me faisait éprouver un malaise  diffus  que je n'ai compris qu'au siècle suivant (ou peu s'en faut), mais dont  j'adorais les  Enquêtes de Mick Chat Tigre, et dans une moindre mesures les avantures de Prince Eric (3). L'intérêt des textes pour moi primait. Et peut-être aussi le fait que pour y avoir accès j'avais obtenu des bibliothécaires du collège un léger surclassement me permettant d'aller taper dans les livres 4ème/3ème alors que j'étais encore en 6ème. Ces livres avaient donc comme un léger parfum de reconnaissance. Les aurais-je sinon tant aimés ?

 

Ont beaucoup compté les Agatha Christie qui garnissaient la bibliothèque familiale. Ma mère les avaient tous et tous lus. C'était au Masque, et déjà à l'époque usés par leurs relectures successives ils perdaient leurs feuilles comme un vieil oreiller ses plumes. J'en ai tant lus qu'ils sont en moi comme une tourbe (4) fondamentale  indissociés les uns des autres fors quelques titres marquants (Ah "Le meurtre de Roger Ackroyd ,  "La mystérieuse affaire de Styles" et "Le crime de l'Orient Express").

Dans la foulée les Conan Doyle et les Jules Verne avec une tendresse particulière pour "L'île mystérieuse". Ceux-là s'empruntaient plutôt à la bibliothèque municipale.

Il y a aussi ceux qui ont compté "gâchés", c'est-à-dire qu'ils furent lus par moi trop jeune pour ma maturité affective. Je suis donc passée complètement à côté tout en ayant conscience qu'il se passait quelque chose de très intéressant mais bon sang pourquoi faut-il que l'histoire soit si bêtasse. Et puis les histoires d'amour qu'est-ce que c'est débile : tu prends un personnage, il a l'air sympa et tout et saint d'esprit, et puis hop soudain il se met à agir comme le dernier des mollusques mono-neuronal, c'est parce qu'il est tombé raide dingue amoureux.

Exemple typique : Madame Bovary qu'on nous faisait lire en 3ème. J'étais sensible à l'écriture mais incapable de rien piger aux motivations des gens qui s'y agitaient ou plutôt, en l'occurrence s'y ennuyaient ferme.

Dans une moindre mesure parce qu'il me plaisait bien au fond le petit Juju même si son ambition forcenée et calculative était (reste) pour moi un mystère, "Le rouge et le noir", lu en 3ème aussi.

Boris Vian m'a longtemps fait l'effet du jazz : je ne "comprenais" pas cette musique ni vraiment ces textes, mais j'y pressentais de la magie pour quand je saurais. Le déclic pour l'un comme pour l'autre fut simultané vers ma 23ème année. J'avais cependant lu "L'écume des jours" à 13 ou 14 ans.

Rimbaud, je le dois à celui qui fut mon prof de français en première et seconde, Bruno Plane, qu'il en soit encore et encore remercié.

Celui-là il m'allait comme un gant (5), contrairement à un Baudelaire que j'admire de loin, froidement et à son Verlaine, trop bourgeois pour moi.

Pourtant je n'étais pas sectaire, j'ai aimé Proust ("Un amour de Swann" pour commencer, vers 15 ou 16 ans peut-être) et ses phrases où l'on pouvait se caler bien au chaud, elles vous amenaient toujours à bon port comme lors d'un voyage en train sans retards ni correspondances, et c'était si reposant. Je lui en pardonnais ses duchesses et ses amours d'une subtilité à mes yeux incompréhensible. J'ai aussi aimé Chateaubriand mais son tombeau, son air malouin, son Combourg que je connaissais "pour de vrai" n'y sont pas pour rien. Les "Confessions" de Rousseau très tôt avaient comptée (piquée dans la petite bibliothèque "édition bon marché de grands classiques" de mes parents) et je me souviens d'avoir été mortifiée et de m'être sentie flouée quand j'avais appris (ou compris) que tous ses enfants avaient été "placés".  Malgré l'expérience et l'âge, il m'en reste un peu de mal quant à ceux qui écrivent humain et si bien et agissent dans la réalité de tout autre façon.

Les autres chocs d'encore jeunesse sont Buzzatti et son "Désert des tartares", et Patricia Highsmith dont "Ces gens qui frappent à notre porte" n'a jamais en 25 ans quitté mes successifs chevets.

D'autres ont compté et ils furent nombreux et de plus en plus formidables à mesure que comme un oenologue qui serait né au Groenland et n'aurait pu se rapprocher des grands terroirs et bons cépages qu'après un long et éprouvant voyage, ma capacité de goûter s'affinait. J'ai totalement perdu en chemin le goût du suspens (6) qui enfant me faisait tourner les pages à une vitesse folle (tout en lisant quand même tout), mais voilà

la question était 10 ou 12 de l'enfance à l'apprentissage, et je crois qu'on y est.

 

 

(1) au fallacieux prétexte que ça m'embrouillerait pour apprendre vraiment au CP.
BANDE DE CONS

(2) Pure petite citadine j'étais incapable d'intégrer autre chose que chasser = tuer des pauvres bêtes qui ne nous avaient rien fait. Bambi était le premier film que j'avais vu au ciné.

(3) signées Mick Fondal pour les premières et Serge Dalens pour les seconds

(4) Je tiens à préciser que pour moi la tourbe n'est pas un élément négatif, en plus que ça peut même permettre de se chauffer ; j'aime les whiskies tourbés de l'Ile d'Islay au point d'en posséder one square foot (il paraît).

(5) Ce qui pour une Gilda est très dangereux, je l'ai appris à mes dépends.

(6) Franck, désolée.

 

[photo : trouvée sur mon téléfonino lors d'une sauvegarde aujourd'hui effectuée, date peut-être de janvier ou bien d'avant (un essai ?)]


Rajouti non secondaire  03/05/08, 11 heures 40 :

J'en avais oublié un et de taille, il était dans la bibliothèque de "classiques bon marché" de chez mes parents, je l'ai lu adolescente (mais je ne saurai dater, à moins de tout relire de mes carnets de bord) :

"Le comte de Monte-Cristo" d'Alexandre Dumas.

(primordial et fondateur)

et par ailleurs mais plus tardif (vers 20 ans) la version originale des souvenirs d'enfance et de jeunesse de Laura Ingalls Wilder, qui valent infiniment mieux que le feuilleton télé gluant de bonsentimentalisme qui en a été fait, et que sa V.F publiée à l'époque dans une collection pour enfants (et en passant édulcorée). C'est bête à dire mais malgré tout ce qui peut nous séparer, d'époque, de foi surtout, et de mentalités, aux heures noires il m'arrive de penser à elle, qui en a passablement cumulées (1), et d'y puiser du courage résiduel.

(1) Curieusement ou peut-être est-ce parce qu'elle n'en a rien publié ou rien d'assez diffusé pour me parvenir (tiens, si à présent grâce à l'internet j'essayais ?), je n'ai pas ou peu lu de récit direct de sa période de profondes difficultés (incendie de leur ferme, mort d'un fils bébé, maladie grave de son mari Almanzo), mais comme elle a écrit en sa maturité, ses mots choisis portent le poids arrière de ce qu'elle a connu. Et donc une force.

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L'idée qu'on se faisait d'un parc Japonais (ou même pas, ignorants qu'on était)

Parc de Sceaux, avril ou mai 1986

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Nous avions alors peu de temps pour nous-mêmes, n'imaginions même pas que ça serait bien pire une fois voguant dans la vie professionnelle et dûment pourvus de bébés.

Nous n'imaginions d'ailleurs pas grand-chose, tendus vers l'objectif du diplôme qui nous pendait au nez (juin 1986) et que j'étais incapable de tenir pour acquis alors qu'il s'agissait de contrôle continu et qu'un minimum de sérieux et d'assiduité en garantissait l'obtention.

Le service militaire du garçon nous obstruait l'horizon. Il n'avait aucune envie de faire le trouffion, ni moi qu'il le fasse et qu'on vive l'un et l'autre au rythme de ses permissions. Le choix de tenter un service en tant que coopérant a déjà été fait. J'ignore si au moment où la photo est prise nous avions déjà ou non envoyé le fax en réponse à l'école d'ingénieur inter état de Ouagadougou que sa candidature intéressait. Je me souviens de cet envoi avec une précision inouïe. Je sais très exactement en y participant (il fallait rédiger efficacement en peu de mots chacun d'entre eux coûtait une fortune de notre budget rachitique d'étudiants), que notre vie bascule en cet instant.

J'ignore également si je sais déjà où je vais travailler. Je crois que j'avais attendu mai pour envoyer 4 ou 5 lettres de candidatures avec un CV qui ferait sourire les jeunes diplômés d'à-présent. C'est qu'on tape encore à la machine. Seuls les plus fortunés d'entre nous et encore uniquement quelques fous passionnés ont un ordinateur, généralement un IBM avec une grande disquette molle qu'on doit nécessairement insérer. Je crois qu'elles font 16 Mo de mémoire et pas encore 32. Les imprimantes peu familiales utilisent des feuilles trouées sur le côté et liées en continu. Elles font un bruit de crécelle quand elles projettent un texte sur le papier.

En tout cas à l'époque un(e) jeune diplômé(e) d'études scientifiques n'avait aucun mal à trouver un CDI même si les salaires avaient accusé un coup d'arrêt par rapport à ceux de nos aînés. Certains camarades de promo comme on disait alors (1), avaient opté pour une année supplémentaire d'école de commerce afin d'y pallier. Endettés pour payer nos études, nous devions pour notre part à tout prix travailler sans tarder.

La possibilité d'accompagner mon homme dans son périple de coopérant s'exclut comme d'elle-même.

Issue d'un autre milieu social, j'aurais sans doute su que le début des remboursements était fort négociable (2), suivi mon amoureux, été fort heureuse en Afrique (j'ai adoré y aller dés que j'en avais l'opportunité) et sans doute écrit pour occuper une relative oisiveté.

Non pas que j'y songeasse à l'époque, mais parce que sans le savoir je m'y étais déjà collée naturellement 3 ans plus tôt comme par inadvertance à la suite d'un chagrin d'amour que j'avais cru perpétuel. Puis j'avais complètement oublié l'avoir fait (3). Cette impulsion, face à l'Afrique, serait revenue.

En attendant de se tromper de chemin mais d'en être extirpée, dieu merci, 13 ans plus tard, je suis simplement amoureuse, heureuse dés que les heures nous sont favorables et hors des temps contraints.

Nous tentons quand nous pouvons de profiter du printemps.

Le parc de Sceaux est tout proche de la cité universitaire délabrée où nous logeons avec bonheur,  alors dés qu'à nos

retour de week-ends

( nous les passons souvent, hélas, Cit_universitaire_antony_avril_ou_m

séparés, accaparés que nous sommes par contigences (je donne des cours particuliers de maths) et parents), où aux rares jours où l'école nous libère tôt, nous y filons pour profiter en amoureux du printemps qu'il nous offre.

En particulier dans ce coin, un peu à l'écart et qui lors de sa floraison nous fait penser à l'idée qu'on se fait d'un jardin japonais ...

(1) J'imagine que le terme de camarade qui nous était naturel, à ceux d'aujourd'hui ne l'est plus.

(2) de même que mon salaire d'embauche. J'aurais aussi su, ce que j'ignorais, que les heures supplémentaires des cadres, en France ne sont pas payées.

(3) Jusqu'au jour où des rangements de papiers personnels consécutifs à la mort de mon père m'ont permis de retrouver un cahier complet, mal écrit, mais non dépourvu d'intérêts.

[photo 1 : Au parc de Sceaux avril ou mai 1986 (publiée avec l'accord du principal intéressé)
photo 2 : Cité universitaire d'Antony, avril ou mai 1986, ce qu'on voyait de nos deux fenêtres]

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A l'ombre d'un marronnier (milieu)

Suite de ce billet

Fin 2004, je bossais à fond sur un chantier d'écriture qui a depuis subi de plein fouet les péripéties de ma vie, et qui n'a pas vraiment de titre ou plusieurs ou qui varient mais que je considère comme des "Petits récits italiens".

Peu de temps pour bloguer, 20six alors n'était pas non plus d'une fiabilité sans limite et je n'avais pas e temps à perdre à charger et recharger des billets qui partaient vers le rien. Par ailleurs à l'usine je me bats pour obtenir dans le cadre d'un plan social le droit de travailler à temps vraiment partiel.

A cette époque je n'imaginais de toutes façons pas que ce que je produisais sur l'internet puisse être utile à grand-monde.

Tout bascule début 2005 quand par une cascade de circonstances liées au fait que j'étais d'elle une lectrice (son texte sur les Hazara (désolée pour ce lien en anglais, je ne retrouve plus de V.F.), entre autres, m'avait durablement marquée), que je connais quelqu'un qui la connaît, que mon temps partiel par une coïncidence d'une précision effrayante commence au 1er mars, je me retrouve à faire partie du comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun alors prisonniers en Irak.

La plupart des participants sont écrivains, cinéastes ou journalistes. Ils peuvent donc s'engager au travers de leurs outils de travail habituels. Très vite le travail que j'effectue concrètement au local de l'association militante ne me suffit pas, j'ai le sentiment de ne pas contribuer assez, même si souvent mes photos bien que techniquement pas terribles sont utilisées sur le site en complément de celles de Marc Chaumeil.

Alors je prends la parole avec les moyens du bord, là où je peux causer, c'est-à-dire sur l'internet. Et comme j'en ai marre des objections et réticences politiques, qu'aussi ça me dépasse un peu, je décide de parler de façon très intime et terre-à-terre de l'effet que ça fait quand on aime quelqu'un de n'avoir plus de lui aucune nouvelles du jour au lendemain et pour une période dont on ignore la durée et l'issue, tout ça parce qu'il (ou elle) s'est trouvé dans un pays lointains au moment où ça s'est mis à dégénérer.

Ce n'est pas une idée venue de rien, c'est quelque chose que j'ai vécu presque 20 ans plus tôt quand l'homme que j'aimais s'était retrouvé au Burkina  Faso exactement au moment du coup d'état qui avait porté Blaise Compaoré au pouvoir. Cet épisode douloureux de ma vie n'est pas pour rien non plus dans mon engagement : je ne peux pas ne pas me mettre à la place des proches des deux personnes retenues , parce que d'une certaine façon, j'ai connu ça. 

Je demande alors l'autorisation d'abord à celui qui est devenu mon mari et le père de mes enfants puis aux proches d'alors avec lesquels j'ai encore contact : puis-je raconter ? Parler de vous ? Préférez-vous que je change vos noms ?

La grande majorité me répond oui, oui et non.

Alors c'est parti. On est le 28 février 2005 et parce que des fois je suis un peu dingue je me promets à écrire un billet par jour temps qu'ils ne seront pas rentrés.

Souvent c'est écrit n'importe comment, terminé à 23 h 55 alors que l'heure de bouclage est minuit, mais j'ai décidé une note par jour et je m'y tiens. Je me dis aussi que c'est absurde parce que je ne raconte qu'une vaste attente angoissée, du rien, que ça ne va intéresser personne.

Un truc étrange se passe aussi, moi qui étais incapable d'écrire un vrai "je" narratif, je m'aperçois que sous le poids des circonstances, je suis comme tout le monde capable d'y parvenir. Ça ne m'est pas du tout naturel, ça arrache au passage, mais je m'y tiens et par ailleurs cet exercice quotidien me tient. La concentration de l'écriture dés lors qu'elle s'insère dans les préoccupations du moment, est plus forte que tout et m'aide à leur faire face.

Le 12 juin 2005 la libération des otages est annoncée. Je fais pendant 48 heures (jusqu'à la conférence de presse de Florence Aubenas) l'apprentissage du bonheur. Je ne connaissais pas (1). Le choc pour moi est rude. J'ignorais à quel point le bon aussi peut être violent.

Pour autant je passe le cap (quand même plus facile à faire après un événement heureux), et comme à ma plus grande surprise j'avais attrapé au fil des mois tout un lot de lecteurs fidèles, je poursuis mon histoire jusqu'à son dénouement en lui mettant un terme (sous l'effet présomptueux de l' euphorie ?) par un clin d'oeil à un auteur dont le travail me tient à coeur et me donne l'exemple.

A ce moment je sais que je vais continuer à écrire sur l'internet, mais pour du collectif fictionné,

et si je pense continuer à bloguer c'est dans l'unique idée de causer ciné.


J'ignore encore que j'ai mis le clavier dans un fameux engrenage et qu'il contribuera très fort ensuite à me sauver (si tant est que).


(à suivre et à relire - pas le temps pour l'instant, pardon pour les fautes -)

(1) Fors les naissances mais c'est compliqué car quand on est la mère on est un peu cassées et puis c'est d'un tout autre ordre.




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Su(per)positions de printemps

Ce matin, par grand beau temps parisien

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billet non relu

Au bord du Luxembourg ce matin, Stéphanot et moi nous sentons soudain éblouis de printemps.  Nous avions l'un comme l'autre oublié comme c'était bon que le soleil soit là et qu'il soit enfin chaud.

Des  poussettes sont poussées, des coureurs  courent, des amoureux s'aiment. Soudain tout semble en place et comme en harmonie.

Il me confie que si un jour il a un enfant il lui fera dans sa poussette faire plein de tours du parc pour qu'il comprenne qu'il y a des arbres.

Et je comprends, parce qu'ils sont si beaux, avec tous leurs verts ceux qui sont déjà bien en avant dans la saison comme ceux qui attendaient d'être certains pour commencer.

Nous décidons de fêter ça en allant déjeuner au café. Je ne me départirai jamais je crois de ce sentiment de luxe que j'éprouve en le faisant. Je viens d'un monde où manger à l'extérieur était une ruine et une exception, sauf pendant vacances une période par an.

Nous en trouvons un sympathique et presque pas trop cher. En terrasse entre deux bruits de circulation, je parle un peu de la vie d'avant.

Annie Ernaux n'y est pas pour rien. Ses livres récemment lus ou relus m'ont remis en mémoire combien je viens d'un monde qui n'existe plus, plus vraiment et qu'il ne faut pas regretter quand on était de ceux d'en-bas. On en bave aujourd'hui, on en bavait hier. Mais alors c'était considéré tout à fait bien comme ça, fermez vos gueules ne la ramenez pas. A présent au moins la résignation intégrée n'y est pas. Même si en pratique le plus souvent on s'esquinte dans une précarité peu porteuse d'espérances.

Alors je raconte au garçon ce monde où l'on consommait le moins possible juste parce que ça coûtait et qu'on avait si peu, ce monde étrange calculé d'ici où voir un adulte courir dans la ville fût-il en survêtement eût paru très incongru, où les dames s'habillaient en jupes et "en cheveux" depuis très peu (1), combien ça pouvait être uniforme et gris mais par d'autres côté si simple et sain aussi.

Que le téléphone était un luxe, et la télé aussi même qu'elles étaient en noir et blanc, qu'on ne changeait de voiture que deux fois dans une vie et de lave-linge vraiment rarement, que les cuisines c'était une table, des chaises, un frigo, une gazinière et quelques ustensiles.

Qu'on se foutait des marques, qu'on s'habillait chez Tati, qu'on y allait depuis la banlieue loin dans des trains à vapeur aux marches immenses et qu'on en profitait toujours pour aller au Sacré Coeur, pas pour prier mais pour admirer Paris. Je lui dis aussi que pour les vêtements, on n'en avait pas tant, que même chez des mieux pourvus, pour peu qu'ils soient un peu nombreux, les habits on faisait durer, ou bien on rusait. Je lui raconte l'amie qui avec ses parents et frères et soeurs, frontaliers allaient en Belgique. C'était moins cher là-haut qu'en France. Et que pour éviter les ennuis à la douane, car alors entre les deux pays, la frontière c'était terrible (2) c'était une vraie,  ils superposaient sur eux leurs acquisitions et du coup marchaient comme des pingouins sous l'oeil tolérant du fonctionnaire qui sans doute en faisant autant pour équiper ses propres enfants.

Alors Stéphanot, pragmatique :

- Mais comment on peut faire pour mettre en même temps plusieurs vêtements ?

Je lui dis pour les filles qu'on peut empiler collants, pantalon et jupe un peu longue.

Il me répond :  - Pour les garçons ?

J'avoue mon ignorance. Nous parlons d'autre chose.

Le repas achevé nous marchons vers un métro, la rue est commerçante. Dans une vitrine un petit mannequin, serviable et qui nous a probablement écouté, nous montre tout à fait comment ils faisaient.

Et nous rions de sa réponse si bien coordonnée.


[photo : dans la vitrine, vers la rue Vavin (?)]

(1) Il m'en restera j'en ai peur toujours une réticence face aux couvre-chefs de toutes obédiences dés lors qu'ils ne concernent que les dames et présentent un caractère qui n'est pas ludique. J'ai en effet ce souvenir que pour ma maman et celles des copains c'était une victoire de pouvoir se balader tête-nue dans la rue et sans que plus personne n'y trouve rien à redire.

(2) J'y suis avec deux autres restée coincée deux heures une fois. Nous étions jeunes, pilotions une vieille guimbarde et  revenions de Hollande. Des bons clients avaient sans doute pensé les douaniers zélés. (mauvaise pioche).

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Les bons secours du quotidien

aujourd'hui, ce matin

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billet non relu

Pour avoir toujours vécu dans l'imminence de ma propre mort (1) je voisine au quotidien certaines craintes récurrentes. Leur intensité finalement varie assez peu en fonction de mon actualité psychique ou médicale. Des 44 et quelques années de mon éternité elles ont toujours existé sauf avant la conscience de ma propre pensée.

L'une d'elle concerne le remerciement. J'ai peur de partir avant d'avoir dit merci à ceux que j'ai pu croiser et qui m'ont aidée dans un monde où ce n'est pas l'évidence même.

Pour certains c'est simple, on se voit souvent, et même si j'ai trop de pudeur prolétarienne (2) pour l'avouer ouvertement, je crois bien qu'ils le savent combien j'apprécie qu'ils répondent présents.

Pour d'autres c'est plus subtil, on se connaît peu physiquement, étant surtout correspondants par l'internet et parfois très intermittents.
Mais pour autant nécessaires.

Alors je voudrais profiter qu'aujourd'hui m'est offert grâce aux congés payés un temps de travail parfait pour remercier ceux qui y contribuent dans l'invisibilité des liens électroniques.

Un jour parfait est un jour où j'écris. Où je ne m'interromps à mon gré que pour aller voir l'un(e) ou l'autre de mes enfants, cousins, amants, amis, ou bien un excellent film au ciné, une expo, une causerie,  ou si le soleil vient  partir en chasse photo.

Un jour où j'écris commence  comme une évidence par un tour chez  KMS, Kill Me Sarah pour les intimes.  La musique que j'y lis et les mots que j'y écoute ont le don de me convoquer les neurones si souvent fatigués ces deux dernières années y compris par le creux des rêves. J'en connais la raison : au cousinage des textes, et de quelques opinions (politiques) s'ajoute l'apprentissage grâce à lui qui sait tant, d'air et de compositions qui me parlent et m'ouvrent de nouveaux horizons.

Il commence aussi, à moins que tard la nuit il ne s'achève, car tout dépend là de son propre moment de publication par un petit tour et le plus souvent une participation au Petit Journal de François Bon.
Tenter de retenir en deux lignes du jour écoulé quelque chose de partageable si possible en phase avec son amorce (3) c'est prendre le temps de se poser et se dire, voyons, qu'est-ce qu'aujourd'hui a apporté dans le fil tenu de ma ou nos vies. Et après je travaille mieux, ou bien je peux dormir en paix, l'utilité des heures d'éveil même douloureuses ayant été attestée au sein d'un lieu collectif et partagé.

(et voilà, au moins pour deux c'est fait).

[photo : Ile Saint Louis, mardi soir. Parce qu'on peut être seul(e) physiquement, sans se sentir saisi de solitude et qu'il me plaît d'imaginer, malgré la grisaille d'un printemps qui se refuse, que ce passant tranquillement attendait ou pensait à quelqu'un qu'il aimait et qui l'aimait] 


(1) l'expression n'est pas de moi mais me va et pour cause trop bien
"Pour avoir grandi dans l'imminence de sa propre mort, Mélanie avait été guérie très tôt de l'avenir. Aux questions que l'on pose aux enfants sur ce qu'ils entendent faire de leur vie,  elle restait stupide. Elle ne voyait pas ce que l'on pouvait échaffauder sur un temps qui n'existe pas."
et puis plus loin (et pour compléter une conversation privée récente sur le fait de s'activer malgré qu'on est épuisé(e)s)
"De son organisation de sprinteuse, Mélanie ne laissait pas paraître grand-chose. Elle ne voulait ni inquiéter son entourage, ni l'ennuyer. Mais elle s'efforçait de rendre le présent le plus présent possible, refusant d'aimer le lendemain ce qui pouvait l'être le jour même, si bien que son avidité mélancolique passait aux yeux du monde pour une solide énergie".
Marie Desplechin, "Dragons"

 

(2) Ce n'est en aucun cas une formule littéraire ni même (pour une fois) de l'humour.  Ce qui distingue encore au moins pour une génération (c'est en train de disparaître, la télé-réalité et le monde du moi je à tous les étages est passé par là) les gens d'en-bas des plus ou moins hauts bourgeois, c'est la capacité à parler de soi et exprimer aux autres les sentiments qu'on leur doit. Dans les vies rudes, on ne confie pas, on se tait, car parler c'est offrir prise à davantage d'adversité. Pour autant une fois qu'on s'aime on ne se lâche pas, même si quand on s'engueule c'est à très vive voix. Inversement dans les milieux plus aisé où finalement les circonstances sont moins fréquentes de se prouver présents, on en cause plus, de se qu'on ressent (ce qui d'ailleurs, presque fatalement fait que tôt ou tard on ment, mais c'est une autre histoire).
cf. chacun des romans ou presque d'Annie Ernaux, ainsi que d'Aurélie Filippetti "Les derniers jours de la classe ouvrière" et "Un homme dans la poche".

 

(3) C'est moi qui aime le faire, travailler en écho, ce n'est pas nécessairement le but du jeu.


Solide

Samedi, au bout du bout d'un terminus de la ligne 3

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Le théâtre est de ces salles de banlieue à l'équipement minimaliste mais suffisant pour qu'on s'y exprime. Aucun confort technique cependant ; et les  spectateurs sont priés de sortir à la mi-temps l'entracte afin de permettre à la préparation de l'absence de décors mais non d'éclairages, de la seconde partie.

 

Je dois combiner prudence des déplacements afin de ne surtout pas encombrer et  passage aux toilettes qui ne peut plus tarder.  Profitant de la pause cigarette de la plupart des présents, je me glisse jusqu'à la femme qui assurait fort gentiment l'accueil, lui demande où elles sont.

Le théâtre est si petit qu'elles se trouvent dans les loges qui font office de local technique avec un coin de douches aussi. Je repasse donc sur la pointe des pieds vers les gradins afin d'atteindre ce secteur regroupé.

 

J'y croise Patrice Chéreau et celui qui s'apprête à danser (1) porteurs d'un projecteur qu'ils doivent vite installer.  Je n'ai que le temps de me garer, dire au premier merci avec les yeux pour une liste de choses dont il n'a pas idée et que je ne saurais pas lui exprimer sans pleurer (2) en plus que ce n'était pas le moment ni non plus après (3), et lui d'esquisser un sourire en retour. Tout à sa tache comme un bon technicien.

Depuis deux jours cet instant m'accompagne et me porte, ainsi que des passages, mots, gestes et lumières de la création en cours et qu'on a pu apprécier après.

Rien ne résiste au travail et à l'humilité.

Si je ne meurs pas d'un défaut de santé, je participerai à mon tour à le prouver. Sous la menace douloureuse et dévastatrice d'un rejeton tchèque rebelle, j'ai enfin compris comment militer.
(on dirait).

 

(1) Thierry Thieû Niang

(2) Entre autre que grâce à son film "Gabrielle" qui m'y avait préparée j'ai peut-être échappée à une première mort ... même si un malheur cousin m'a rattrapée 5 mois après.

(3) Toutes proportions mal gardées et compte tenu des circonstances et de la configuration des lieux c'eût été comme remercier un des pompiers salvateurs après un incendie qui aurait pu être meurtrier, en présence d'un pyromane que pour causes fraternelles on ne voulait dénoncer. Parallèle grossier et inexact,  mais il y aurait hélas eu de ça. - Y a d'la pomme. - Y en a aussi - Volfoni ... de genre ... changer ... et je me suis laissée démonter.

[photo : une fresque, même soir, dans la même rue]

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De Dumbo à Casque d'Or

Today, as writing about accessory is of the late tremendous trend.


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Parmi ce qui fait mon extrême sexitude (1), je me dois de nommer presque en premier  une paire de bottes  perçantes  à talons aigus que je mets à mes pieds les jours où me prend une solide envie d'assassiner

d'oreilles dignes du meilleur Dumbo, sauf qu'elles ne sont pas tout à fait assez grandes pour me permettre de voler. Quel dommage, vous me direz.
Elle ne sont pas non plus en pointes, sinon j'aurais pu savoir d'entrée de jeux et mes parents terriens que je venais d'ailleurs.

Donc elles sont juste un peu utile (en tant qu'oreilles, somme toutes elles fonctionnent) et légèrement encombrantes.

En particulier pour écouter.

Pour écouter de la musique au casque quand je travaille et que je souhaite me concentrer et m'abstraire des bruits ambiants, la rumeur du périph quand dans les tièdes printemps d'antan j'ouvrais ma fenêtre, les travaux (perpétuels) chez les voisins fortunés, les discussions de mes enfants à l'autre bout de l'appartement, ou un diffus fond de télévision en provenance du salon, la chasse d'eau qui de réparations foireuses en bricolages hasardés se recharge parfois quand il ne faudrait pas, l'inévitable lessive que personne ne voudra sortir, le hurlement muet du fer à repasser trop longtemps délaissé, l'appel de l'aspirateur que la poussière provoque, et le bruissement de la paperasse qui prépare  sa vengeance entre remboursements omis et retards surfacturés.

Je ne suis pas à ce point handicapée qu'aucun casque n'existe. J'en eu longtemps un très bien, c'est celui en haut à gauche sur la photo là-haut. Il enrobait délicatement les pavillons, n'appuyait pas trop sur la tête, et possédait un son de début d'automne qui convenait bien au classique sans arrondir le rock.

Seulement à force d'usage et de pieds pris dans le fil, il s'est retrouvé avec un côté muet que je n'ai pas su réparer.

Je peux travailler sans musique mais aux heures molles que guette le chagrin elle me soutient et l'écarte pour me laisser bosser (2), alors je n'ai pas tardé à foncer au plus proche grand magasin électro-culturel pour acquérir un équipement de remplacement. Naïve et trompée par un prix similaire et un emballage masquant, j'ai attrapé de la même marque un casque qui hélas une fois sorti de ces multiples coques de cartons et plastique coupant s'est révélé être plat et de mousse sur la surface de contact. Le son en était bon ; restait qu'au bout d'une heure d'écoute à pavillons rabattus, j'avais mal. Dumbo n'est pas un éléphant d'Asie (3).

Passée une ou deux fins de mois, j'ai donc retenté ma chance. Plus méfiante cette fois, je suis parvenue à repérer un casque aux formes enrobantes, sans pour autant le voir de près, entre étiquettes couvrantes et sécurités closes. Ce n'est qu'à la maison que j'ai pu constater sa forme en bas étroite et qui me serre le lobe.
Encore loupé.
Le son de celui-là est précis mais métallique, il convient à merveille aux subtilités électroniques récentes, à la musique à danser et aux compositions à effet. Bach s'y sent un peu triste et les violons presque arrivistes.

Peu désireuse d'alourdir les investissements, je suis donc entrée dans une période d'alternance, selon les styles choisis, je mettais l'un ou l'autre puis je changeais, une douleur différente assurant un sursis.
Le vrai confort n'y était plus, mais le travail pouvait se faire.

Et puis Rouda est arrivé. Il commence enfin (4) à pouvoir s'offrir quelques dates à Paris. La prochaine sera le 2 mai avec Souleymane Diamanka (5). Alors j'ai fait l'effort d'aller au même endroit qui vend également des billets. Et c'est en attendant mon tour que j'y ai repéré un casque qui semblait correspondre à mes oreilles décollées. Il était d'un prix abordable. J'ai tenté ma chance.

Me voilà chez moi, il ne me fait pas mal même en l'ayant longtemps ; je l'essaie sur Bach, sur du slam, du rock, de l'opéra, du classique-moderne, du jazz, de la salsa, Jacques Brel et une valse triste.
Et pour l'instant il est parfait, parce qu'en plus on peut le régler selon le genre du son.

Je vais enfin pouvoir (bien) bosser (6) ... si je ne me prends pas à nouveau les pieds dans son fil.



moralité : Les casques s'est comme des chaussures il faudrait pouvoir les essayer. Et toujours aller aux concerts des copains, ça mène aux bons chemins.






(1) le mot n'est pas de moi, il s'entendait en clin d'oeil à un billet chez une amie ... qui ne l'a pas encore publié. A mettre à jour, donc, quand ce sera fait.

(2) cf. ce billet chez Kozlika et ses commentaires qui recoupent bien certaines conversations qu'on a.

(3) et si c'était l'explication à ça ?

(4) L'attention des médias ou son absence est souvent très injuste.

(5) qui m'avait fait l'honneur de venir commenter sur Traces à l'époque où je découvrais le slam

(6) message perso à ma coach de coach.

PS : Oui bon je sais c'est encore un billet à cinq niveaux de lecture et trois sujets mais bon oui je sais ... (plus ça va moins bien plus j'ai le cerveau décloisonné)

 

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La tombe de l'aviateur

hier, en proche banlieue

 

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"Vous leur mettrez un peu d'eau" dit-elle d'un air concerné, puis elle ajoute "Avec le vent qu'il fait et que c'est un peu sec malgré les averses, c'est mieux.". Elle emballe alors le pot avec un soin bien supérieur à la rue toute simple qu'il suffit de traverser.

Je me sens aussitôt investie d'une mission et en oublie de lui demander le nom des fleurs bleues que je viens d'acquérir pour la tombe de mon vieil ami B.

Je la retrouve sans hésitation, non que je vienne souvent, je pense à lui sans éprouver forcément la nécessité du déplacement, mais j'ai la mémoire solide des chemins et des emplacements.

"Vieil" est sans doute peu adapté. Aux dates sur le marbre inscrites je constate que je suis à présent plus âgée qu'il ne fût il y a 13 ans quand il avait choisi très délibérément et en tout préparant des mois à l'avance de mettre fin à ses jours.

Nous n'étions pas intimes. Notre statut de collègues nous gênait sans doute, et puis je devais lui sembler bien ennuyeuse avec ma petite vie d'alors si sage et exemplaire.

Nous avions je crois cette sorte de liens discrets mais d'une solidité à toute épreuve : en cas d'urgence tu peux compter sur moi, et moi sur toi. Pour lui je ne tolérais en ma présence aucune parole homophobe au bureau, quitte à remonter les bretelles à des hiérarchiques "bien-pensants" que je choquais. Car B. aimait un homme avec lequel il vivait et n'en faisait aucun mystère.

Il avait réussi à le faire admettre dans et malgré le milieu ultra-conservateur de l'usine,  nous étions il faut dire quelques-uns à avoir été recrutés malgré notre sensibilité gauchiste et progressiste à qui sa vie privée ne posait aucun problème. Mais je veillais à ce que les propos et les attitudes ne changent pas dés qu'il avait le dos tourné.

De son côté il m'avait avec une collègue et amie défendue face à un chef qui au retour laborieux de mon premier congé de maternité avait tenté de me virer. Et avoir fait ça alors que l'autre risquait très fort de leur en vouloir par après et de les menacer à leur tour, il fallait oser.

Moi qui ai toujours cruellement ressenti l'absence d'un grand frère, j'avais auprès de lui un secours approchant, engueulades incluses. Il devinait beaucoup sans qu'on lui dise autant. Tentait parfois aussi de me faire comprendre que je ne devais pas me laisser faire trop gentiment ("Elle nous fait encore sa mère Teresa" qu'il disait en se moquant).

Ce que je n'ai pas su mettre à  profit à l'époque, trop formatée par une éducation toxique et le désir de bien faire, je le mets en pratique quand je peux à présent.

Contrainte à la survie en milieu hypocrite truffé de codes que je ne parvenais pas à décrypter, j'adorais son franc-parler et ses expressions colorées à l'emporte-pièce.

Il me manque encore après tout ce temps. Et à présent qu'un vague sentiment de culpabilité que je nourrissais à son égard (sur le mode j'aurais peut-être su ou dû éviter) s'est finalement éteint (il avait ses raisons c'était tout sauf un coup de blues soudain ou provoqué mais bien un choix délibéré), je pense particulièrement à lui dans mes moments de détresse. Qu'en aurait-il dit ? Que m'aurait-il conseillé, lui qui m'avait à la bonne mais sans être trop impliqué par ma vie quotidienne, à la juste distance pour un rôle de conseiller avisé.

C'est en allant remplir un jerrican (1) au point d'eau, que j'ai compris soudain la portée du conseil de la fleuriste voisine. Le coup de chagrin inévitable à qui vient visiter s'en trouvait alors légèrement atténué parce que les mains étaient occupées et les forces physiques employées à porter.

Elle devait donner cette consigne du ton de la confidence particulière à chaque cliente qui lui semblait triste. C'était sa façon d'aider.

Je m'appliquais à ne pas dépasser pour les fleurs la dose d'eau prescrite et en le répartissant sur quelques plantes voisines à ne pas non plus gaspiller le reliquat.  J'ai pu ensuite me recueillir en toute sérénité, la vague du chagrin ancien était ainsi passée. Restait les pensées et le profond respect.

J'avais rendez-vous un peu plus loin un peu plus tard, il était donc possible de rester un instant. Quelques pas dans les allées voisines me firent découvrir des récits émouvants. Distraite par leur écoute, je ne me méfiai pas quand soudain apparurent sous mes yeux les inscriptions,
Wytejczk Fiedhbacq, sa date de naissance et une autre, effayante, en 2009.

J'ai cru défaillir, me suis dit que je rêvais, un très mauvais rêve ; STOP ; éveillée.

Alors j'ai posé mon sac. Un instant. Ai fermé les yeux puis les ai ouverts à nouveau.

Intense soulagement.

A la place de ma vision, la tombe d'un aviateur.

Cependant : n'était-ce pas en mars ? Faites qui peut que j'aie rêvé.

 

(1) Les vieux seaux métalliques sont semble-t-il périmés.

[photo : point d'eau, cimetière, avril 2008]


L'épate, l'épate mais oui c'est Pantani

Ces jours-ci  dans une librairie amie

La jeune fille entre d'un pas résolu puis s'arrête vers le comptoir soudainement désemparée. Les livres c'est pas son truc et puis elle ne voit même pas de mangas.

Elle sort son agenda Puka, mais elle avait griffonné le titre en fin de cours quand le prof. l'avait dit. Résultat, c'est illisible et puis le nom de l'auteur n'y est même pas. C'était une histoire de spaghetti. Peut-être un auteur italien.

Non, pas des spaghetti, autre chose. Mais pourquoi elle pense à des pâtes ? Oui c'est ça l'auteur avait un nom de pâtes.

Pas de chance, elle est la seule cliente, un peu normal, le mardi elle quitte tôt, et dans le creux de l'après-midi les vieux sont pas sortis, et puis les darons sont au taf (quand ils en ont un). La libraire qui la regarde avec bienveillance lui laisse le temps, mais il faut bien dire quelque chose et puis c'est trop chiant de rentrer sans le livre.

"Anti ... anti ..." et puis un "o" plus loin, et à la fin c'est un e. Ah oui, Antilope.

Alors elle demande :
- Je cherche un livre, c'est "L'antilope" mais je sais pu le nom de l'auteur c'était un nom qui faisait penser aux pâtes.

La libraire reste perplexe. "L'Antilope" elle voit pas.  Elle cherche parmi les noms d'auteurs italiens ceux qui pourraient ressembler à des marques de pâtes.

Barilla ? Panzani ? Non.

Camilleri n'a rien d'une fabrique de tagliatelle, et puis quelle "Antilope" ? A Henning Mankell on associerait volontiers une antilope pour sa part africaine. Mais les coquillettes Mankell n'existent pas encore. La cliente aurait bien l'air et l'âge d'une fan de Fabio Volo, mais ravioli Volo, ça ne colle pas, et puis quelle antilope, à moins que Bonetti ?  Le déliziose lasagne Bonetti ? Un autre jour ...

La jeune fille sent qu'il faut qu'elle aide, elle a cru voir l'ombre d'un sourire accompagner la réflexion de seule personne qui pourra lui éviter un appel humiliant à sa copine Sarah, indéclassable première de la classe et qui forcément saura, pour le livre, mais saura aussi se moquer. Après.

L'antilope, finalement, même ça elle a un doute. Elle se rappelle que la prof a parlé de théâtre.

- C'est une pièce de théâtre, je crois.

Théâtre à cet âge, ça veut dire lecture obligatoire pour l'école ; l'adolescente n'a ni cette timidité extrême ni à l'opposé cette assurance énergique qu'ont souvent ceux qu'appelle ce genre de vocations. La libraire réfléchit aux ouvrages au programme et aussitôt Bon sang mais c'est bien sûr :

- Il ne s'agirait pas de l'"Antigone" d'Anouilh ?

Avec un grand sourire l'élève accueille la clef de son énigme, ravie d'apprendre que le livre y est. Elle n'aura pas à revenir. Ni à demander à Sarah.

Et puis ça va,  le livre n'est pas trop gros,  ça sera pas trop dur à lire. 

Toute à son soulagement, c'est seulement au feu rouge suivant alors qu'elle s'apprêtera à traverser vers la rue de Paradis, qu'elle se rappellera son intention première de demander pour des mangas. Il y avait un escalier et donc un étage . Alors peut-être qu'il y en avait en bas.

Pas grave, elle reviendra. Peut-être que sur MSN, Sarah y est déjà.



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A l'ombre d'un marronnier (début)

En suite d'un billet de Chondre et d'un autre de Matoo. parce que je sais aussi que ce blog sert de façon un peu sérieuse à quelques personnes et que comme tout blogueur pourvu d'un tantinet d'ancienneté  je suis souvent amenée à répondre à la question, voici un billet technique, pour une fois pour expliquer.

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J'ai découvert les blogs en janvier ou février 2003 grâce à celui de Satsuki et au livre-qui-a-changé-ma-vie.

Je cherchais quelque chose le concernant, j'ignore à présent s'il s'agissait d'une légende normande ou plus prosaïquement une critique favorable sur Le Figaro qu'on lui avait fait. Mais j'étais arrivée sur un billet de blog et qui en parlait et disait fort bien certaines choses que je pensais.

J'avais lu quelques billets avant, après. Je m'étais dit intéressant. J'aime lire et c'était écrit. Satsuki n'est pas n'importe qui.

Dans les mois qui ont suivi et un ordre qu'à présent j'ignore, il y eu Milky, Christie et Sébi l'Helvète Underground dont les talents de blogueur me manquent depuis qu'il a cessé (1).

Christie m'aura mis le pied à l'étrier en m'offrant les clefs de chez elle pour un blog-sitting improvisé ; j'avais tenté de rester dans le ton et publié avec l'accord du principal intéressé une photo du fiston  à l'époque déjà ancienne :

La bêtise

ou plus écrit

La coccinelle de Christie

Plus tard, elle m'a offert mon premier m*leskine pour un texte écrit sur le thème de nos supports d'écriture.

premières amours

J'y ai repensé récemment, à présent les m*leskine existent en option "un peu mous" et je vais peut-être un jour vraiment en utiliser. La dureté de la couverture qui les rend inconfortables aux poches de cul du jean était en plus de leur côté trop chic, ce que je leur reprochais.

Merci Christie.

Entre temps et après avoir passablement résisté avec les deux obstacles qu'à cette activité je voyais :
1/ Je n'ai pas le temps ;
2/ Je n'ai aucune envie ni intention de raconter ma vie.
j'avais fini par craquer.

C'était à cause de 20-six chez qui Milky écrivait. Laisser un message y était compliqué pour qui n'était pas connecté en tant  "qu'abonné". Mon mari venait d'avoir un coup de foudre pour une laguna vendue à un prix raisonnable par un passionné de voitures qui aimait en changer. Nous passions directement du statut de pilote de 205 Junior 16 ans d'âge à celui de conducteur de voiture de luxe. Le changement de comportement de ceux qu'on croisait était évident, affligeant et drôle.

Je tenais un thème et qui tenait ... la route.

Mon tout premier billet de mon tout premier blogounet. (Passionnant et très travaillé, vous pouvez le constater)

L'idée était de faire de brefs billets, d'y passer fort peu de temps, de m'amuser et d'amuser ... et d'avoir des bonbons virtuels (2) à offrir à Milky.

J'ai ouvert ce blogounet au même moment où Ann Scott ouvrait le sien (le lien est vers son site officiel, le blog n'existe plus). Au même moment vraiment. Ce qui fit que par suite d'une fausse manipulation de débutante, je m'étais retrouvée avec sur le mien l'indication des commentaires qui arrivaient chez elle (je crois bien). Je l'avais contactée, elle m'avait aidée à dénouer les fils de cette étrange pelote bureautique que nos blogs avaient formés.

Je me disais qu'elle écrivait fort bien. A un commentaire béadmiratif de quelqu'un je compris à retardement qu'elle était écrivain.

Nous avions bien ri.

Au cours de l'été 2004 son blog est devenu comme une sorte de café virtuel où l'on se retrouvait entre amis. Elle avait rapidement pris le plis de publier des billets qui étaient des sortes d'amorces sur lesquelles les commentateurs pouvaient partir en vrille. Avec Philippe Jaeanada et Virginie Despl Despentes, qui à l'époque bloguait avec une formidable régularité malgré certaines attaques dont elle était l'objets, et quelques autres dont Pennylove on s'en est donné à coeur joie.

Ça tombait fort bien pour moi ; dans un pays où l'on n'a toujours pas le droit de choisir soi-même sa mort avant d'être réduits à n'être plus que le légume souffrant de ce qu'on fut de son vivant, mon père agonisait à n'en plus finir. Alors durant cet été 2004 au retour de journées épouvantables usine + hôpital ou intégralement hôpital quand une RTT ou un jour férié me laissaient ma liberté, pouvoir inventer des histoires farfelues parfois sans queue ni tête à 5 ou 6 fictionneurs fous parfois plus certains soirs  m'a sans doute sauvée.

(à suivre, c'est plus long, bien  plus long que je ne le croyais ...)

(1) On peut toujours lire ses photos ici.

(2) Chez 20-six gimmick qui permettait de marquer qu'on avait apprécié plus ou moins un billet.

[photo : un chantier, tout près]