Peut-on jamais changer ?
30 mars 2008
un jeudi, en plein Paris, au 4ème étage d'un bel immeuble ancien.
Ça y est enfin. Cela fait des semaines que je pense à ce moment. Comme le dit le dicton coréen, « le meilleur moment quand on fait l'amour, c'est quand on monte les escaliers ». Un bordel monstre règne dans et sur ton bureau. Tu n'en as rien à battre, tu m'entraînes déjà vers la chambre du fond, celle qu'un de tes fils devenu adulte a laissée vacante en quittant la maison.
J'ai le temps d'apercevoir en dessus de vrac une version partielle imprimée de ton interview de Clara Verde (1) , celle où tu disais qu'elle n'est pas si mal et qu'au fond elle chante bien ; ce qui m'avait passablement fâchée d'autant qu'il était publié dans un magazine qui soutenait son mec, que je ne peux pas supporter car je le crois dangereux. Cet article de toi, qui te ressemblait peu m'avait détachée mieux que d'autres aveux.
Le temps de reconnaître aussi au vol dans une bordure de dessous de tas, un coin d'une enveloppe qui me fut familière. Tu avais donc bien reçu ma missive où je t'informais que ma vie enfin s'était redressée, et qu'il n'y manquait plus qu'à résoudre le mystère de ta disparition.
Je te sens vibrante, et comme hâtive, lis dans tes pensées que ton fils cadet rentre à 17 heures, que notre temps est compté. J'avais oublié combien j'aimais communiquer en silence et qu'avec toi seule sans crainte je le faisais.
J'ignore pourquoi tu as enfin consenti à de brèves retrouvailles, pourquoi tu m'as convoquée chez toi et non pas à l'hôtel. Ce ne sont pas les hôtels qui manquent à Paris. Aurais-tu désormais peur des paparazzi ? Et puis je demandais juste qu'on prenne ensemble un café, un Picon bière, voire même un verre de blanc si tu étais devenue vraiment plus chic qu'avant.
T'aurais-je donc manquée sur un mode différent de celui plus pensif dont moi-même je souffrais ?
C'est moi qui suis calme. Je n'ai aucune revanche à prendre, les choses rentrent simplement dans l'ordre, une satisfaction d'harmonie retrouvée et la conscience que peut-être pour moi il est déjà trop tard. La souffrance m'a entraînée trop loin des humains, un pas de plus au delà de l'amour mais que j'espère encore pas plus près de la mort. Ma carcasse réclame son dû qui se souvient soudain de la bonté de nos étreintes. La paille de tes yeux ne dit rien de bien autre.
Pleurer fait grandir disait la fresque non loin de là, je n'y croyais pas, un haussement d'épaule amusé quand je passais. Elle disait juste, pourtant.
[PHOTO par Pierre Cavard ; métro Bonne Nouvelle il y a quelques années (3 ou 4 je dirais)]
Je m'aperçois que je te dépasse en même temps que tu trembles. Alors j'agis comme tu attends et non plus en réponse. T'enlace et ferme sur nous la porte, déboutonne doucement ton léger cardigan, caresse déjà le sein qu'il protégeait fort peu, sens tes jambes porter moins.
Avant de nous glisser vers le lit bas mais accueillant, je prends le temps de t'embrasser longuement. Tu réponds comme avant, en congédiant le monde. Plus rien n'existe que la force d'aimer.
Le froid cesse aussitôt. J'en oublie de mourir.
Dans les mois à venir et sans doute les années, nous travaillerons comme jamais. Et si c'était ça qui t'avait effrayé ?
(1) En vrai il s'agissait d'un ressenti d'entretien publié récemment mais qui concerne Emmanuelle Béart, laquelle écrit fort bien, ce que pour avoir tourné une fois avec elle je peux confirmer (sur la bande annonce c'est moi qu'on voit bouquiner dans le fond et en plus pas n'importe quoi).
Ce billet est ma participation au sablier du printemps amorce 6
Ce qui est en gras est vrai et pas même au second degré. Je m'étonne d'ailleurs qu'elle n'en ait encore rien fait de publié fors dans la presse classique (à moins qu'elle ne tienne un blog, en secret ?). Pour le reste, chacun croit croit croit s'qui lui plaît plaît plaît (personne vous pousse à croire) - parodie d'air connu -.
complément important du 02/04/08 :
L'amorce était de Chondre et son Ciao boulot
Je tiens à le remercier, je n'aurais jamais su extraire ce type de minerai à partir de mes seules forces, je reste généralement bien en deçà.
Merci aussi à Alexandre de nous l'avoir proposée.
Et bien sûr à Kozlika sans qui ce jeu d'écriture et d'échanges n'existerait pas (je le pense toujours même si je ne l'écris pas à chaque fois).