Previous month:
février 2008
Next month:
avril 2008

0 billets

Permutation circulaire

ce matin, heure d'été

   


Je file à pas rapides vers la gare voisine. Le rapide est relatif : l'heure d'été est passée par là qui nous a décalés, et quelques chagrins (1) ne cessent de ne pas cesser. On a beau dire, ça ralentit.

Alors j'ai le temps d'entendre en passant près de livreurs qui déchargent une cargaison à mes yeux non identifiée, le plus jeune qui clame rigolard à l'adresse du plus âgé :

- Ah mais Sarko, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.

J'ignore où ce président était passé et quelle aura été la réaction de l'interlocuteur, je suis presque en retard pour l'usine et je ne veux pas. Je poursuis mon chemin mais mon cerveau matheux soudain réveillé s'est mis à jouer à permuter. Et puis ça fait longtemps que je n'ai pas voyagé dans le temps. Depuis la station Brochant décarénée en fait.

- Ah mais De Gaulle, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.
Non ça ne colle pas. De Gaulle n'avait pas la sympathie de tout un pan des gens, je suis assez âgée pour pouvoir m'en souvenir. Mais je crois qu'on ne le traitait pas. On disait sur la fin :
- Il est trop vieux pour être président. Il ne comprend plus rien.
Mais peut-être qu'eût égard à son passé de résistant et de Sauveur de la France on n'osait pas l'appeler pire que Monsieur de la Chienlit, une expression qu'il avait contribuée à remettre à la mode.

- Ah mais Pompidou, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.
Personne n'avait envie de traiter ce vieux Pompidou de quoi que ce soit, même après Beaubourg. Il était pépère ce gars-là, faisait son boulot sans faire chier son monde. On lui en savait gré.

- Ah mais Giscard, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.

Peu crédible. Giscard d'Estaing le pire qu'on le traitait jadis c'était d'escroc après l'affaire des diamants de Bokassa. Même ainsi qualifié, on lui reconnaissait une certaine élégance dans le maintient. D'enflure, point.

- Ah mais Mitterrand, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.
L'homme avait ses fervents détracteurs, qui le nommaient souvent en raccourcissant son nom pour en faire un mi-tran jugé dépréciatif, selon une loi sémantique qui m'échappe. Pour autant je ne crois pas l'avoir jamais entendu ainsi qualifié. Ces ennemis le tenaient pour redoutables. Il y avait de la haine, mais du mépris jamais.

- Ah mais Chirac, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main à c't'enflure.
Ne fonctionne pas plus, de cet homme, réélu en 2002 sur un score digne d'une république bananière, ceux qui pensaient du mal le disaient assez peu. Il n'était pas si gênant, plutôt avenant, aimait vraiment (semblait-il) voir les gens.  Le même gars peu importe ses opinions politiques aurait sans doute exprimé la même mésaventure sans qualification :

- Ah mais Chirac, tu sais, il est passé, je déconne pas on a dû lui serrer la main.

Les temps ont donc changé, et ce n'est pas dû à l'heure d'été. Serait-ce la fonction qui se serait dépréciée ?

Entre temps, mon train arrivait à la gare que j'avais rejointe. Je suis allée travailler. Ma fonction personnelle n'a pas vraiment changé.







(1) Sans compter le choc d'avoir appris ce week-end la mort de Lady Di

Lire la suite "Permutation circulaire" »


Peut-on jamais changer ?

un jeudi, en plein Paris, au 4ème étage d'un bel immeuble ancien.

      

Ça y est enfin. Cela fait des semaines que je pense à ce moment. Comme le dit le dicton coréen, « le meilleur moment quand on fait l'amour, c'est quand on monte les escaliers ». Un bordel monstre règne dans et sur ton bureau. Tu n'en as rien à battre, tu m'entraînes déjà vers la chambre du fond, celle qu'un de tes fils devenu adulte a laissée vacante en quittant la maison.

J'ai le temps d'apercevoir en dessus de vrac une version partielle imprimée de ton interview de Clara Verde (1) , celle où tu disais qu'elle n'est pas si mal et qu'au fond elle chante bien ; ce qui m'avait passablement fâchée d'autant qu'il était publié dans un magazine qui soutenait son mec, que je ne peux pas supporter car je le crois dangereux. Cet article de toi, qui te ressemblait peu m'avait détachée mieux que d'autres aveux.

Le temps de reconnaître aussi au vol dans une bordure de dessous de tas, un coin d'une enveloppe qui me fut familière. Tu avais donc bien reçu ma missive où je t'informais que ma vie enfin s'était redressée, et qu'il n'y manquait plus qu'à résoudre le mystère de ta disparition.

Je te sens vibrante, et comme hâtive, lis dans tes pensées que ton fils cadet rentre à 17 heures, que notre temps est compté.  J'avais oublié combien j'aimais communiquer en silence et qu'avec toi seule sans crainte je le faisais.

J'ignore pourquoi tu as enfin consenti à de brèves retrouvailles, pourquoi tu m'as convoquée chez toi et non pas à l'hôtel. Ce ne sont pas les hôtels qui manquent à Paris. Aurais-tu désormais peur des paparazzi ? Et puis je demandais juste qu'on prenne ensemble un café, un Picon bière, voire même un verre de blanc si tu étais devenue vraiment plus chic qu'avant.

T'aurais-je donc manquée sur un mode différent de celui plus pensif dont moi-même je souffrais ?

C'est moi qui suis calme.  Je n'ai aucune revanche à prendre, les choses rentrent simplement dans l'ordre,  une satisfaction d'harmonie retrouvée et la conscience que peut-être pour moi il est déjà trop tard. La souffrance m'a entraînée trop loin des humains, un pas de plus au delà de l'amour mais que j'espère encore pas plus près de la mort. Ma carcasse réclame son dû qui se souvient soudain de la bonté de nos étreintes.  La paille de tes yeux ne dit rien de bien autre.

Pleurer fait grandir disait la fresque non loin de là, je n'y croyais pas, un haussement d'épaule amusé quand je passais. Elle disait juste, pourtant.

Pleurer_fait_grandir [PHOTO par Pierre Cavard ; métro Bonne Nouvelle il y a quelques années (3 ou 4 je dirais)]

Je m'aperçois que je te dépasse en même temps que tu trembles.  Alors j'agis comme tu attends et non plus en réponse. T'enlace et ferme sur nous la porte,  déboutonne doucement  ton léger cardigan,  caresse  déjà le sein qu'il protégeait fort peu,  sens  tes jambes  porter moins.

Avant  de nous  glisser vers le lit bas mais accueillant, je prends le temps de t'embrasser longuement. Tu réponds comme avant, en congédiant le monde. Plus rien n'existe que la force d'aimer.

Le froid cesse aussitôt. J'en oublie de mourir.

Dans les mois à venir et sans doute les années, nous travaillerons comme jamais.  Et si c'était ça qui t'avait effrayé ?

 

Lire la suite "Peut-on jamais changer ?" »


"Prenez soin de vous", c'est pas si simple

tout à l'heure, Bibliothèque Nationale, site Richelieu

(photo plus tard, peut-être)

à relire ASAP

Pict0013

Je n'avais pas construit grand-chose de ma vie, m'étais simplement efforcée de lui donner du sens, de limiter la casse, d'aimer ceux qui m'aimaient, de m'occuper au mieux de mes enfants, m'efforcer que malgré le monde et l'humanité ou son absence ils puissent n'être pas malheureux, ne pas regretter ce choix que leur père et moi avions fait d'être parents.

Et puis cette année 2005 pour moi de tous les extrêmes et de tous les dangers était venue qui avait ravagé le coeur même de mon existence, me laissant à la fois fière de ce que j'avais fait, un engagement militant pour une fois victorieux, et brisée  par une succession trop bien coordonnée de malheurs et difficultés survenus en son automne.

Nous nous en sommes sortis. Une fois de plus mais que je crains dernière : mon corps est épuisé, il ne sait pas, je ne sais pas, vivre sans amour, je n'ai plus de forces j'ai tout donné pour sauver ce qui pouvait l'être, et le chagrin me mine dont j'avais cru vers novembre être en partie débarrassée pour constater à la première nouvelle et sérieuse alerte de santé qu'il n'en était rien.

"Prends soin de toi" me suggèrent les amis, les solides et formidables, ceux qui ont résisté.

Je ne sais pas faire.

Il faut cependant vivre. Je m'entête, j'essaie.

J'avais aimé le livre-livret-CD-DVD qui en était issu, je rêvais sans en avoir les moyens de me rendre à la Biennale de Venise pour admirer le pavillon qui lui correspondait, alors je me suis précipitée à l'exposition de Sophie Calle qui porte ce conseil.

Je sais qu'elle traite de rupture, que c'est précisément de l'une d'elle parmi d'autres que je souffre sans savoir m'extraire. Il y a donc un risque. Un risque et peut-être une chance. Celle de tomber sur un élément de réflexion qui m'aurait échappé, une hypothèse éclairante, quelque chose qui me sauverait sinon de l'absence du moins de l'incompréhension. J'oublie juste un détail (comment ai-je pu ?).

Les lieux sont formidables, la grande salle de la Bibliothèque Nationale, rue Richelieu. Il y a un pur bonheur d'être à cet endroit-là.

Et dés l'entrée le murmure des mots,  ceux qui sortent des écrans où jouent et chantent et témoignent ou lisent,  actrices, compositrices,  auteures ou lectrices, de petits écrans où confortablement on peut s'asseoir devant. Et dés l'entrée une photo simple de Florence Aubenas et sa contribution à l'en-tête de Libé. Je ne vois qu'elle, oublie les autres (injustement), attrape une petite bouffée d'allégresse en passant. Ce n'est plus si souvent.
C'est bon.

Aussitôt, l'oeuvre m'embarque pour un beau moment, d'écrans en écrans, de photos en panneaux lus, non sans pause pour regarder l'harmonie des bois et celle des plafonds, je savoure la force vitale de l'humour et du détachement face à l'égoïsme de qui part unilatéralement sans souci de l'autre ou en comptant immodérément sur sa solidité supposée.

Dame Sophie a de la ressource et la sérénité sans doute de qui connaît l'art de vie et assez peu l'usine ni non plus la faim subie.

Ses assistantes sur le projet ne manquent ni de talents ni d'idées. J'avais beau connaître le catalogue avant l'expo, je ris comme au premier jour de la version cryptée par une mystérieuse agente (?) de la DGSE (?), la version SMS (par Alice Lemay, traductrice en langage SMS), la version comptable (par Sylvie Roch dont c'est le métier), revois deux fois et demi (car quelqu'un s'approchait qui convoitait le poste) la version chantée de Natalie Dessay, m'amuse de celle d'une vocaliste  compositrice (Susan Deyhim , je crois) qui trône dans une somptueuse salle de bain, me régale de l'ado lapidaire (Anna) qui textote "Il se la pète", apprécie le "débraillé apparent des syntagmes" dont une stylisticienne (Françoise Gomez) qualifie le message de rupture et son analyse par Micheline Renaud (chercheuse en lexicométrie), savoure la grande classe d'une consultante en savoir-vivre et sa proposition chevaleresque mais sobre d'un courrier qui l'était moins.

Le détail que j'avais négligé m'explose alors à la tête, ironie splendide du sort de voisinage. Je n'avais pas eu le temps de m'y préparer, me reste à peine celui de me poser, ça tombe bien, la bibliothèque ayant conservé sa configuration tables et chaises ne manquent pas.

J'attends que le malaise passe en pestant (intérieurement, les murmures qu'on entend sont déjà suffisants et suffisamment saisissants) contre moi trop émotive, sensible, oublieuse, idiote, nulle, aimante, naïve, bécassine, con, fragile, désespérée, passoire, éponge et serpillère pas assez combattive ni pourvue d'amour propre. Et mon humour à moi, il est où, là ?

Tout en haut sur un grand écran, une femme gesticule. Les mots de la rupture en langage des signes et qui révèle leur mesquinerie, leur immaturité, leur centrage sur qui les exprime.

J'avais repéré Ariane Ascaride, qui lisait la missive en accent marseillais. Je me relève et vais l'écouter, guettant comme une réponse et qui ne viendra pas : elle ignore que j'existe. Quelles sont nos conséquences sur ceux qu'on ne connaît pas ?

Je retourne vers la voix de Natalie, me concentre sur elle à en oublier les mots qu'elle prononce. Pour leur sens, il y a lurette que c'est fait. Trop d'harmonie dans le son.

Je griffonne quelques mots sur un des livres d'or, ce n'est pas parce que je vais mal que le travail accompli n'est pas formidable. J'espère avoir laissé un remerciement et non pas autre chose issu de trop au fond.

Je ne sais plus.

A proximité, c'est Luciana Littizzetto, qui en italien me console enfin. Et puis Yolande Moreau peu avant la sortie. Elle lit comme dans la vie. Et son accablement s'accorde à mon silence quand j'avais encaissé le peu qu'on m'avait dit. Plus que jamais fantôme moi qu'on quitte sans songer à m'en avertir ou si peu ou si tard (un record de 14 ans fut établi le 29 septembre 2005, sans recours à aucun dopage), je lis la page de cahier d'Ambre "élève de CM2" qui analyse les longs mots que l'adulte inconnu écrivait à Sophie quand je n'ai toujours pas compris les 3 ou 4 qu'on m'adressait.

Il fait encore jour dehors et du soleil à cet instant. C'est le printemps.

Paris (France).

Je sors.

Il fait froid ou c'est moi ?

 

PS : Ne vous inquiétez pas, vous qui lisez, si vous voulez aller y voir, je ne pense pas que rien ne vous atteigne comme ça l'a fait à moi. Mes faiblesses sont particulières.

Le bonheur jubilatoire du début de visite, en revanche, peut être universel.

(Je regrette juste vaguement qu'aucun homme n'ait parlé/participé/témoigné (1). Je sais que ça n'était pas le projet ; que son équilibre en eût été changé. N'empêche. Les femmes aussi, peuvent quitter (sans raisons apparentes))

 

(1) addenda de longtemps plus tard (début 2015) : J'ai appris à l'été 2009 qu'en fait un homme avait participé, en sous-main, discret. Hé, hé. Mon souhait avait donc été exaucé.  

[PHOTO : afin de ne pas dévoiler l'expo, juste une fenêtre, comme un espoir ; Bibliothèque Nationale, rue Richelieu]

Lire la suite ""Prenez soin de vous", c'est pas si simple " »


Angelina mon amour

 

Maintenant que l'affaire est médiatisée, que non seulement les sites internet, mais aussi la radio et la télé l'ont évoquée, je me sens plus libre d'en parler. La sortie prochaine de son nouveau film, Confessions  of an Action Star, n'a fait qu'aggraver le phénomène.

Alors voilà, il y a quelques années Angelina J. et moi fûmes de grandes amies, au sens lagardetmichardesque du terme, mais elle n'a pas tenté vainement de me ramener à Dieu (1). Je veux dire, elle n'a pas tenté du tout de toutes façons ç'eût été vain.

Je ne peux pas nier combien elle a compté pour moi qui auparavant n'étais rien d'autre qu'une employée d'usine, du modèle modèle. C'est d'ailleurs lors d'une séance du ciné-club de la boîte, où elle était venue présenter un de ses films que nous nous étions rencontrées. Je l'ai déjà raconté ici, en transposant bien sûr, car à l'époque je pensais que personne n'en saurait jamais rien, que tout resterait entre elle et moi.

J'ignore d'ailleurs de qui vient la fuite, j'ai peur que la révélation de notre relation ne ternisse son image ; quant à moi je  m'attends à bien des soucis.  Il est encore mal  vu  pour une salariée d'usine d'avoir  une vie affective différente de celle de la norme du nombre.
Je ne me suis jusqu'alors confiée à personne, pas même à mes médecins préférés qui s'ils n'ignoraient pas qu'une rupture avait failli m'achever  (2) n'ont jamais su l'identité de la personne concernée.

Il me devient hélas nécessaire puisqu'à présent galopent à notre sujet les moins ragoutants ragots et que me guettent les paparazzi jusqu'au balcon d'en face, de dévoiler la vérité. Je le dois à mes proches, à tous ceux qui m'ont aidée après que Brad P. (3) ne l'ait ravie à mon affection, ainsi qu'à celle envers laquelle j'ai conservé le plus grand respect.

Je tiens d'ailleurs à préciser que les rumeurs adjacentes qui tendent à me créditer de scènes que j'aurais à sa place tournées sont infondées. J'ai infiniment moins de séduction qu'elle et ma présence face à une caméra est plus âpre et sombre. Mes seules participations avérées sont pour la part informatique de Hackers où je l'avais effectivement doublée pour les scènes de clavier, le prêt bénévole de ma cuisine comme décor à Hell's kitchen (il n'y avait presque rien à modifier) et en fait quelques remplacements ponctuels (mais intenses) de Winona R.  pour des moments délicats de  Girl, Interrupted  (4).

Il m'est difficile de vous avouer combien nous avons été heureuses, que je n'oublierai jamais ce jour où venue présenter son film d'alors (5) à la Fn*c Wagram, elle s'était, devant une salle comble, levée alors que les applaudissements  n'étaient pas même achevés  afin de courir vers moi qui m'apprêtais à quitter discrètement la salle  dans laquelle je m'étais glissée en simple  spectatrice  de peur de déranger  un  événement promotionnel si bien organisé, ni non plus ses talents de cuisinière hors pair  dont  celui qui m'a succédé profite à merveille (6). Nous avons également fait cause commune dans bien des luttes militantes, dont l'une fut victorieuse et les autres toujours en cours, même si elle s'y montre moins présente qu'autrefois. J'avais tenté mais en vain de la réconcilier avec son frère. Quelque consolatrice connaissance commune m'a laissé entendre que j'y serais parvenue, si l'on peut dire, à titre posthume. 

Angelina m'a abandonnée fin 2005 après le tournage de Mr and Mme Smith pendant lequel elle a connu Brad P. Les conditions difficiles de réalisation des extérieurs en Arménie avaient servi de révélateur à leur sentiment naissant. Mais je ne l'ai su que 6 mois plus tard.
En plein hiver.

Enfin, je démens fermement la rumeur qui prétend que Jennifer A. et moi nous soyons consolées dans les bras l'une de l'autre. Pour Brad je ne peux pas dire, mais d'Angelina je peux affirmer qu'elle ne s'oublie pas.

Nous ne sommes pas fâchées et continuons à nous croiser régulièrement, d'autant plus qu'entre temps et grâce à tout ce qu'elle m'a appris et aux personnes qu'elle m'avait permis de rencontrer, j'entame en parallèle à mon gagne-pain une carrière de scénariste et écris souvent en anglais pour des productions de son pays.

Malgré le chagrin et le poids de son absence qui ne m'ont pas quittée, je ne l'en remercierai jamais assez.




(1) à l'attention des assez "vieux" pour en posséder un à moins que des souvenirs, cf. page 517 de l'édition janvier 1972 du Lagarde et Michard du XIXème (il faut bien qu'il y ait quelques consolations à avoir de l'âge)

(2) Navrée pour mes lecteurs réguliers, mais je suis également contrainte de révéler que ce billet aussi était fort transposé. Vous comprenez, c'était plus discret.. L'action se situait en fait au Festival de Cannes, mais Daniel Pennac y était vraiment pour la mise à l'écran des Kamo par Mathieu Amalric et Philippe Besson pour l'adaptation de "Son frère" par Patrice Chéreau.

(3) Simple homonyme d'un blogueur et écrivain célèbre.

(4) En V.F. "La main dans le sac".

(5) "Iles et dragons"

(6) merci Ron pour la documentation ;-)

Lire la suite "Angelina mon amour" »


Consolations (tentatives de)

ou Chacun ses cloches

hier au soir en chemin vers chez moi, puis chez moi, et maintenant pas (mais peu importe)

P3220018

consolation 1

Je les avais vues à peine 20 heures plus tôt, même si elles furent visibles vendredi dés le matin, 
j'espérais cette fois-ci les prendre avec un meilleur appareil photo que celui qui ne quitte pas ma poche ou mon sac à main.

Mais il était déjà trop tard, malveillance ou suite des travaux, la belle affiche de la veille d'un temps où les sports d'hiver ne concernaient que les plus bourgeois, n'était déjà plus qu'une trace de ce qu'elle était.

Je ne parle même pas des autres, fort celle d'Orly   , aucune n'avait survécu à la nuit.

Je me consolais en estimant avoir eu cette chance inestimable de passer au bon moment, et ce  réflexe de photographe qui m'avait fait  sauter du  train alors que ma destination n'était pas atteinte.

 

consolation 2

Un lien dont j'ai égaré le chemin, par quels ricochets m'y étais-je trouvée amenée ?, m'envoie vers la vidéo d'une sorte de prêche conférence par une neurologue USAméricaine, semble-t-il de renom, à laquelle il y a une dizaine d'années est survenue une histoire d'arroseur arrosé. Elle qui traitait des patients atteints d'accidents vasculaires cérébraux (ou du moins faisait en ce domaine de la recherche), s'est trouvée un matin atteinte à son tour. En a réchappé. A pu analyser ce qui lui arrivait avant la chute totale de ses facultés puis après un long travail retrouver celles-ci, et à présent témoigner.

Son show me déplaît. Je n'aime pas qu'on mélange explications scientifiques et attrape-sentiments. Je n'aime pas non plus les affirmations péremptoires sur les rôles séparés des différents hémisphères du cerveau. Ce manque d'espace pour les cas différents inquiète  ma latéralisation personnelle (ou son absence ou sa variabilité).

Pour autant des bribes de ce qu'elle dit me restent.

Je saisis grâce à elle pourquoi de simples paroles prononcées sans aggressivité mais dans une grande  tristesse m'avaient à ce point mise en danger , qu'en fait sous le choc de quelque chose qui dépassait mon entendement (1) mon cerveau avait abattu comme une cloison coupe-feu afin d'isoler la part assassinée. Le remède avait juste failli être pire que le mal. Je m'étais trouvée sortie de la réalité, avec l'impulsion logique de mettre fin par tous les moyens au mauvais rêve absolu qui m'enserrait.

Comprendre  ne soigne pas.  Comprendre  n'est qu'un premier pas vers une atténuation possible de la souffrance. Le diagnostic est posé. Le mal est peut-être incurable, mais au moins identifié.

Me sera-t-il offert assez de temps pour reprendre pied et réparer ce qui peut l'être d'un lien heureux qui nous sauvait ?
   

consolation 3

Je réserve sans peine une chambre d'hôtel pour Saint Malo ; comme si je croyais à mon propre futur ; comme si j'en avais sans souci les moyens ;  comme si j'allais y retrouver Wytejczk, d'autres amis très chers, ou la solution de l'énigme insupportable de sa disparition.

 

consolation 4

Il me faut tout mon art de lectrice confirmée, et qu'aussi des amis pour d'autres lectures m'attendent (2)  que je ne veux pas décevoir moi qu'on a tant déçue, afin de ne pas me laisser embarquer à fond les manettes par "La Consolante". Ça maaaarche, sur moi, encore une fois (et pourtant dieu ou son absence sait si je peste à longueurs de pages après son style foutraco-irrésisitible) et c'est une belle victoire.

(1) J'étais en détresse, j'attendais consolation, bras ouverts et tendresse et trouvais à la place froideur et rejet comme si tout ce que nous avions partagé n'avait pas existé. Nous n'étions soudain plus les mêmes personnes et j'ignorais ce qui s'était passé. Un parfait pire cauchemar.

(2) message personnel  <PS si tu passes par ici, ta pièce je ne l'oublie pas.> fin du message

[photo : station Brochant, samedi 22 mars 2008  "au bord du soir"]


L'aide radiologiste

La nuit dernière, un peu tard (station Brochant)

(à relire ASAP)

Pict0018

Les moments heureux depuis déjà deux ans me posent un problème.
C'est un problème de luxe, d'autant que comme une amie que la vie rend par trop compétente me faisait remarquer ces jours-ci on s'habitue aux ennuis et quand ils s'arrêtent ça fait tout bizarre.

C'est un peu ce qui est à l'oeuvre dans mon cas.

Ayant mystérieusement perdu  la personne  avec laquelle je partageais le plus d'intimité,  s'ajoute à la douleur de l'absence et aux tourments permanents de l'incompréhension, l'impossibilité de partager le bon.

Bien sûr je ne manque pas d'amis ni même d'enfants à qui je pourrais raconter une belle rencontre, une lecture formidable, le gag d'un dîner, qui d'ailleurs sont souvent le tissus même de ces bonheurs sauvés.

Mais il n'y avait qu'une seule personne avec laquelle je pouvais tous les partager quels que soient les sujets, car nous avions les mêmes centres de plaisirs et d'intérêts. Une seule à laquelle je n'étais pas obligée d'expliquer qui était qui et faisait quoi, ni même de vraiment raconter parce qu'à demi-mots, entre les lignes et les silences, elle comprenait ; si j'adore partager, j'ai toujours du mal à dire et les années qui passent avec leurs difficultés cumulées n'arrangent rien.

Alors en rentrant hier tard, d'un dîner non prévu et joyeux, je ravalais difficilement mes larmes, sachant que si jamais quelqu'un des miens en rentrant serait encore éveillé et me demandait gentiment Alors , bonne soirée ? et que je ne voulais pas m'enfermer dans un silence qui pourrait entre nous peser il me faudrait par exemple commencer par expliquer qui était Mario Monicelli et que je n'en avais pas la force à force.

J'avais à Satin Lazare longtemps attendu une rame qui filait vers Asnières, je n'en pouvais plus, de fatigue et de cette oscillation de solitude qui à la longue me tue.

A Brochant soudain je me suis retrouvée sur le quai avec le métro qui partait vers ma destination et que j'avais abandonné. J'ai mis un temps à comprendre.

Des travaux venaient d'exhumer de vieilles affiches d'avant ma naissance, c'est dire si elles l'étaient, et l'une d'elle en particulier m'avait intimé l'ordre de descendre. Puisqu'ensuite il fallait bien attendre la rame suivante, j'ai pris tout mon temps pour saisir les autres, avant leur prochain arrachement.

C'est l'une des plus ternes qui m'a retenue  "Devenez aides-radiologistes des hôpitaux de Paris" nous disait-elle en complément d'une image d'Epinal à demi-effacée.

Je suis restée longtemps. Presque à en rater le métro suivant. Qui peut comprendre ?

 

[photo : ce qu'il en reste]

d'autres photos de cette étrange galerie : ici et

Lire la suite "L'aide radiologiste" »


Le chagrin des Français

L'un pour son oeuvre, "Le chagrin des Belges" fut un des grands chocs littéraire de ma jeunesse, l'autre pour son ultime combat (puisque je ne sais rien de plus d'elle), je les admirais :

Hugo Claus

Chantal Sébire

   


L'annonce de leur mort aura été simultanée, mettant en lumière cruelle et crue l'écart d'évolution entre deux pays pourtant si voisins.

Je suis heureuse que leurs calvaires respectifs aient pris fin.

Lire la suite "Le chagrin des Français " »


Quatre énigmes

Au salon du livre, mais ailleurs aussi

1. Pour moi c'est de l'hébreux ; si un passant comprenant et compréhensif pouvait m'indiquer le sens de ce mot, qui clôt une belle dédicace écrite dans l'alphabet d'ici, je ne serais pas contre :

Pict0012














2. Comment peut-on faire pour clore par deux cadenas différents une issue et que chaque propriétaire des cadenas puisse entrer et fermer ?
Eléments de réponse dans "Le cadenas du marché Yehouda" de Michaël Sebban

3. Quel film ai-je donc vu lundi soir ?

Je ne suis pas oublieuse au point d'avoir effacé le titre de ma mémoire, c'est un peu plus subtil :
il s'agissait d'une soirée de type "carte blanche à Edgar Keret" présentée par Laure Adler et avec la contribution sensible et émouvante de Keren Ann ; un film choisi par lui était à un moment projeté. Il avait élu un finalement long métrage non pas des siens mais d'un certain Goran xxx (je n'ai pas su noter son nom ni le mémoriser) d'après une des nouvelles du recueil "L'Homme sans tête" à moins qu'il ne s'agisse de "La colo de Kneller".

Le film était presque formidable à quelques lourdeurs finales près de type "On raccroche les wagons pour que les non-cinéphiles un peu patauds ne soient pas perdus".

Seulement voilà, à l'issue de la projection la soirée était finie et je n'ai pas été assez attentive au générique. Il se peut que nous l'ayons vu en avant première.

4. Pourquoi, mais pourquoi Wytejczk a-t-il disparu ?  Des amis communs croisés au salon et qui l'appréciaient pour ses qualités de coursier cultivé et d'une ponctualité hors pairs,  l'ont également perdu.  Eux aussi par son silence. Et dans l'absence absolue d'explications.  Malgré, pour certains, des propositions précises et rémunératrices de travail qu'ils avaient pour lui.

- Habite-t-il encore Paris,  se demande-t-on ?

Plus que jamais je pense qu'a dû survenir quelque chose que j'ignore. Et si je ne suis plus inquiète pour son sort physique (d'autres l'ont vu passer récemment vers la cité de La Musique), je reste soucieuse.

Et triste.

PS : pour ceux pour qui l'énoncé même de cette énigme en serait une, lire ce blog depuis ses débuts, par exemple ici, quand mon coursier polonais semi-fictif préféré (1) faisait encore partie

(1) pour les nouveaux venus je précise qu'il ne s'agit en vrai ni d'un coursier, ni d'un polonais, ni d'une seule et même personne ; il devait être mon guide amical pour des balades dans un Paris peu connu qu'on aurait découvert ensemble sur Traces et trajets. Les tempêtes de ma vie l'ont transformé en une sorte de quintessence des ami(e)s effrayés ou lassés qu'elles ont éloigné(e)s. Il a au fil du temps acquis sa vie virtuelle propre et son absence habite malgré moi mes mots ; peut-être parce que je ne suis pas capable de faire frontalement face à celle des absences réelles dont je ne parviens pas à guérir, quand j'ai déjà en fait bouclé mon deuil des autres.
Peut-être.