Le mesquine et les saucés
Comment transformer une info consternante en grand éclat de rire

L'épateur de galerie

suite du billet précédent et traduction

hier, donc, au Luxembourg (les Jardins du)

Cimg8128

Devant ma mine amusée et légèrement perplexe, Stéphanot spontanément m'explique ce qui lui semble peut-être ne pas être du vieux français comme pratique ses parents.

- La jouer c'est chaud, ça veut dire qu'il a voulu épater la galerie.

Trop surprise, mais dûment échaudée par le retour de "daron" et "daronne" qui de mon temps ne se disaient plus, et sont revenus en force de je ne sais quel dieu sait où, je l'interromps : 

- Ça se dit encore, ça, "épater la galerie" ?

Patient, et avec un remarquable effort pour n'apparaître pas condescendant (1),  il me dit :

- Mais non, ça se dit plus, c'est vous qui le dites ; je le dis juste pour expliquer, après j'oublie.

Puis pédagogue, il poursuit :

- "Ah le mesquine", ça veut dire "Ah le pauvre", parce que c'est vrai, tu comprends quoi, il a vraiment pas eu de chance, Zacheri il venait pour aider.

J'essaie d'approfondir :

- Et ça se dit comme ça aussi pour un garçon "LE" mesquine ?

- Ben oui, mais pour une fille, aussi on dit juste "la". Et puis le prénom pour préciser, si l'autre a pas pigé.
[une pause réflexive, brève, puis]
En fait on sait que vous vous le dites pour "avare" je crois ? Et seulement si c'est une dame ?

J'affine un peu en confirmant ; puis poursuis l'enquête :

- Et "saucés" pour toi, ça veut dire quoi ?

Là c'est lui le surpris. Il ignorait l'existence d'un tout autre usage. C'est moi qui lui explique que de mon temps, on disait "se faire saucer" pour prendre une averse (parce qu'on était sortis au moment où il s'était mis à pleuvoir et qu'on n'avait ni imperméable ni parapluie).

Il me fait remarquer que ce n'est pas tout à fait pareil parce que nous utilisons une forme réflexive quand la leur est directe.

- Nous on dit "Ils sont saucés" tout court.

- Et ça veut dire quoi exactement ?

- Ben ça veut dire être tout content alors que bon y a pas de raison, pas tant que ça, explique-t-il avant de conclure par son sempiternel,

- C'est dard. ,

dont j'ai enfin fini par comprendre le rôle de ponctuation tinté d'un implicite ite missa est, indicateur d'une zone de silence à venir ou d'un nouveau sujet.

Me revient en mémoire une conversation récente de voiture qu'il avait eue avec sa soeur laquelle avait concédé au passage l'aveu des statistiques de fréquentation de son Myspace, mention à laquelle, admiratif, il avait réagi en disant :

- Quand je pense que Perceval (2)  il est tout saucé parce qu'en un an il a eu 500 personnes.

(1) avec la Bécassine Béate qu'il a pour mère, j'avoue qu'il a de l'entraînement.

(2) prénom fictif évidemment.

[photo : même endroit, même moment (quasiment)]

 

Pour les lecteurs que la sémantique en pleine vie intéresseraient à titre scientifique, je précise que le  garçon qui sert d'inspirateur au semi-personnage de Stéphanot et dont les paroles ont été au plus fidèlement que j'ai pu retranscrites, va sur ses 13 ans et vit et étudie dans la boucle nord du 92 en limite du 93, collège public, quartier populaire.

    

Spéciale dédicace à Marie Desplechin en vue de son Journal d'Aurore Tome III.


Commentaires