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Pardon Henri

A quelques exception notoires (1), il m'a toujours semblé être indiscrète lorsque je lis correspondances et journaux intimes et brouillons. Je me dis qu'ils ne m'étaient pas destinés.
J'ai même parfois ce genre de scrupules pour les billets de blogs, alors que par essence ils  sont publics ou semi-privés  et on m'en aura volontairement donné la clef.

J'arrive à surmonter cette hésitation dés lors qu'il est clair que l'auteur  a  souhaité qu'on transmette, généralement s'il ou elle vivait lors d'une époque troublée. Je n'ai par exemple aucun scrupules à me secourir du journal d'Hélène Berr.  Elle s'était organisée afin qu'il lui survive.

Et puis pour d'autres, j'avoue je ne sais pas résister. Il y a des enseignements à prendre, des sagesses à en tirer, je manque de guides, de grands maîtres, et depuis deux ans de personnes à admirer, alors dans une sorte de quête éperdue d'apprentissage, surtout si du temps, tout plein d'époques, a passé, je lis sans hésiter certains écrits intimes.

Il y a la correspondance d'Arthur rassemblée par Jacques Lefrère, un formidable et passionnant travail et respectueux avec ça.

Et aujourd'hui je découvre grâce aux bibliothèques municipales de Grenoble le journal d'Henri Beyle (Stendhal) comme si je le tenais entre mes mains (et qu'en plus je disposais à ma guise d'une loupe).

Si vous avez un peu de temps, ou si vous êtes arrivés par ici en cherchant quelque chose concernant "Le rouge et le noir", surtout ne vous retenez pas d'entrer :

journal d'Henry Beyle

Merci à tout ceux qui ont rendu cette consultation possible.



(1) Victor Hugo par exemple. Même ses listes de courses semblaient rédigées pour la postérité.


Je le confesse enfin, Harry Potter c'est moi

En 1984, puis au fil de la vie

Volare_le_de_sky_mai_1989_edited

billet relu le 28/02/08 vers 12 h 30

J'ai toujours vécu dans l'imminence de ma propre mort, il y a eu des périodes d'imminence gagnante où elle me permettait de faire abstraction de tracas ultérieurs et de profiter de chaque bon moment arraché, il y en a eu d'imminence grise (1) ; depuis deux ans je vis dans une temporalité d'imminence postérieure, ce qui fait que les derniers développements et la relativement légère menace qu'ils font à nouveau planer,  outre un sale "sense of déjà-vu",  ne changent pas grand-chose.

Ils me rendent surtout urgent de remercier tout ceux qui ont compté (2),  d'essayer de faire en sorte que ceux qui m'ont mise en danger comprennent  pourquoi et ne soient pas tentés de commettre  les mêmes erreurs avec d'autres  qui pourraient en mourir  mais cette fois-ci directement,  et pour cette part c'est pas gagné, faire quelques sauvegardes et tri de papiers,  de finir le chantier sur lequel j'ose encore traîner depuis l'été dernier.
Pour le reste advienne que pourra, de toutes façons je ne peux pas charger la barque, physiquement ça ne tiendrait pas.

Je dois également confesser quelques trucs, afin de libérer ma conscience des fardeaux qu'ils forment.

Alors voilà, je sais, ça va surprendre, mais bon, Harry Potter, en fait, c'est à cause de moi.

J'avais rencontré Joanne  à  Paris in the middle eighties comme on dit.  Elle y passait un an dans le cadre de ses études.
A l'époque j'avais déjà remarqué qu'il m'arrivait des trucs étranges, mais en sérieuse scientifique , je m'efforçais d'y trouver toujours de
rationnelles explications.


J'en avais quand même un peu marre de ne pas pouvoir passer les portiques de contrôle des grandes surfaces culturelles sans faire sonner à tout va, dés lors que quelques heures plus tôt mon fiancé et moi nous étions disputés. Je trouvais lourd à porter de parfois (mais pas toujours) deviner la mort et détestais quand mes moyens financiers toujours limités m'obligeaient à le faire, devoir lire les livres par imposition [des mains sur leur couverture].
OK c'est efficace mais par rapport au plaisir de la lecture, c'est comme de faire l'amour sans autre partenaire qu'un appareil vibrant.

Joanne, elle, ça l'amusait. Nos rendez-vous non fixés mais toujours honorés, on se croisait dans Paris dés lors qu'elle en avait envie, elle n'avait même pas besoin de siffler. Ma capacité de susciter les miracles qui nous permettaient toujours d'entrer sans payer aux concerts où l'on voulait. Simon et Garfunkel porte d'Auteuil, je suppose qu'elle s'en souvient. En revanche au soir des Stones, je n'étais pas en forme, et ne suis parvenue à rien.

Elle me disait que c'était cette marque rouge que j'avais sur le front, qu'elle savait si ça marcherait rien qu'à la regarder.
Elle me demandait : - Mais ça te fait mal quand ça va marcher ?
Je disais, Non je suis juste complètement naze après, je sais jamais d'avance.
Elle concluait que si j'avais pu ressentir une douleur physique en fait ça m'aurait aidé. Sur le moment je ne comprenais pas, j'étais plutôt contente en fait de n'avoir pas mal, ni non plus pourquoi elle me disait que les lunettes rondes étaient celles qui m'allaient le mieux alors qu'alors elles étaient si peu à la mode. Je ne voyais pas non plus pourquoi elle aimait tant que je lui raconte mes longues années de banlieue dans un de ces lotissements de petits pavillons identiques tous en alignements.

On s'est perdues de vue à peine après. L'internet n'était pas encore grand public, et la vieille poste demande je crois plus d'efforts. Quand on en est à pouponner et se frayer un chemin dans la vie, les ami(e)s lointain(e)s le deviennent vraiment du jour au lendemain.

Elle m'avait fait cependant admettre que quand on est né avec des particularités si étranges qu'elles soient et troublantes et épuisantes à assumer, il fallait pas hésiter, il fallait y aller.

En l'honneur de Joanne Kathleen, et parce que la politique c'est particulièrement éreintant, j'avais résolu de limiter mes capacités de mascotte à la littérature. Hélas les mêmes que j'avais secondés, souvent se sont sentis concernés par des engagements citoyens. Alors pour eux j'ai dû m'y mettre. Chaque fois je me dis que c'est la dernière, qu'après je reste excessivement sur le flan.
Et puis, peut-on changer ?, j'aime trop ceux que j'aime pour les laisser tomber. Cette année je "fais" Marseille, mais à cause de ma santé qui vacille je ne suis pas certaine d'y arriver. Bon alors si jamais vous êtes du bon district et prêts à rendre service, votez Guérini, ça sera toujours ça de pris dans ma lutte incessante contre Noussavonsqui (3).

Depuis et par ailleurs,  j'ai travaillé avec acharnement mais pour l'instant en vain, l'ubiquité. Et avec un bien meilleur succès la transmission de pensée.
Pour cette dernière ça n'avait pas été chose aisée. Il faut savoir que chaque être humain n'a que trois ou quatre autres personnes contemporaines et compatibles. Et que même si par essence cette compatibilité permet de ne pas rater sa rencontre, la probabilité qu'elle ait lieu demeure assez faible. J'avais eu en février 1999 cette chance inouïe. Et en quelques années nous étions parvenues à une belle maîtrise.


C'est hélas assez pénible dés lors qu'une des partenaires se met à aller mal ou se trouve en danger. Quand ça a été mon tour de morfler, la mienne a déclaré forfait, ce qui est très douloureux et périlleux à gérer  pour les deux personnes concernées.
Elle ne contrôle cependant pas tout, à moins qu'elle ne soit en fait victime de l'ombre du regret, et n'a pas cessé d'émettre. Comme j'étais devenue bien trop bonne à capter, je continue hélas à le faire "à l'insu de mon plein gré".


Ce soir par exemple j'étais restée chez moi au calme pour travailler et voilà qu'elle était dans un lieu public et bruyant avec des discours, des clameurs, une foule immense de gens et des flashs éblouissants.

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Elle devait prendre la parole et chaque fois qu'elle le fait avec un trac important, je ne peux y échapper ; j'ai donc mis de côté ma concentration personnelle pour seconder la sienne, et une fois de plus je m'y suis collée.

Je profite d'écrire ce billet ils en sont au champagne et aux petits fours sucrés, c'est enfin plus calme (Elle a encore mangé trop de cacahuètes,  demain elle va être mal, jamais elle n'écoute les retours que je lui fais ... et la vodka, on avait dit y a trois ans de ça, non pas la vodka).

      


Pour en revenir à Joanne, alors oui bien sûr j'ai regretté qu'elle ne fasse de Harry qu'un garçon, mais c'était de sa part extrêmement avisé. Elle a compris ce que j'avais cru pouvoir oublier à savoir que de nos jours encore les préjugés sont tenaces   et que le grand public ne croirait pas aisément à tant de pouvoirs rassemblés sur une faible fille.


Alors elle a créé Hermione pour écluser le côté trop bonne élève et reporté sur Harry ce qui faisait le plus magique.

Bon allez, une dernière confidence, comme ça vous saurez tout : le prénom du héros, elle ne me l'a pas dit mais je le sais, est un clin d'oeil à ceux de Selby (Hubert Jr) dont elle me sait une grande admiratrice, malgré (à cause) qu'à la lecture de certains de ses livres j'ai été physiquement malade.

 

   

(1) Je sais, je sais, mais c'était trop tentant.

(2) A cet effet, je vais peut-être devoir modifier (temporairement) la "ligne éditoriale" (!) de ce blog.

(3) Je ne crains en rien de prononcer son nom mais je ne souhaite pas qu'un moteur de recherche entraîne ici quelques quelespauvrescrèventdonc décomplexés.

   

[photo1 : mai 1989, île de Sky premiers essais de transplanation (on dit comme ça dans la V.F. ?)]

[photo2 : devine qui peut]

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Les bienveillants ?

Lundi matin, plus tard que prévu

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Je n'ai pas eu droit, ce matin à Louis Ferdinand, je l'ai déjà mentalement prénommé comme ça, ce radiologue remarquable à l'abondante logorrhée, à la fois complètement centré sur lui-même, et insupportablement raciste tout comme l'original, soucieux  cependant du confort de ses patient(e)s, je n'avais jamais vu ça.
Une légère ressemblance dans le phrasé.
(par dessus le marché).

Non, ce matin ce fut une femme jeune, sûre de sa compétence technique et terriblement efficace. Ses conclusions : passe au suivant. Ce n'est jamais fort bon signe : quand les nouvelles sont bonnes elles sont vite annoncées.
La question est de savoir si les dragibus qui ont choisi de me squatter  en toute légèreté (1), Dieu ou pas merci assez loin de la cervelle, sont de nature bienveillante ou envahissante.

Le suivant qui me recevra reportera sans doute la réponse sur l'art de quelque technicien ultérieur. Le temps qu'ils se renvoient mon cas, entre palpeurs de chairs et tripoteurs d'électronique, plusieurs jours de délais à chaque fois, et avec un peu de chance j'aurais pu quand même profiter du fort prochain Salon avant toute intervention invasive ou traitement gênant.

En fait la grande tristesse était de n'avoir plus personne, depuis toi, qui appelle après, attentive à l'horaire, et sans crainte d'entendre du dur, pour demander :
- Alors, ça va ?

Et après avoir entendu la réponse mitigée, incertaine, hésitante, plus personne non plus pour aussitôt proposer :
- Je viens te chercher tout à l'heure à l'usine. Ça te va ?

En fait la grande tristesse était de se dire que tu avais sans doute pressenti mon sort et peut-être était partie pour la raison logique de ne pouvoir aider deux personnes à la fois. Y compris dans mes maux, je suis celle de trop tard ou de trop.

Tu n'imagines pas comme tu peux me manquer. C'est sans doute d'ailleurs mieux ainsi.
N'imagine pas, travaille, toi.

Je sais à présent pourquoi j'ai si froid : je suis en panne de toi, mais aussi de thermostat.   



Subsistaient quand même deux consolations ; il en existe en toute chose sauf dans les massacres et les camps d'extermination.

Si ces dragibus sont de l'espèce qu'il faut rapidement extirper, et pour le cas où ils auraient été repérés à temps, je le devrais à une femme médecin, remarquablement attentive à ses patients au point de veiller à la santé de la mère qui accompagne son enfant déjà grand. Elle ressemble comme à une proche cousine à Anna Gavalda. J'avais été tentée de lui poser la question à chaque fois que nous allions consulter, je n'ai pas osé. Mais elle, elle a osé tenter de me soigner, alors que ce n'était pas moi qui venais pour ça. Merci respectueusement madame, quelle que soit l'issue de cette nouvelle mésaventure.

Et l'autre c'est qu'Hélène Berr m'accompagnait, du moins les mots qu'elle nous a laissés. Elle ne m'a pas quittée (en pensées), elle ne me quittera pas.

(1) C'est des petits, m'a-t-on dit.

[photo : 8 février 2008, quand les jeux de miroirs n'en finissent toujours pas]


Le signe indien (vaincre)

Cette aprème en dormant, bien à contre-coeur

 

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Trop d'absents, trop de disparitions sinon subites du moins subies ces deux trois dernières années.
Certains n'y sont pour rien. Rattrapés par la mort ils n'ont pas eu le choix.

La plupart d'auxquels je pense pour leur part sont en vie, de la santé d'une seule d'entre elles je m'inquiète concrètement. Des autres les plus récentes nouvelles glanées étaient plutôt bonnes.

Dans le sommeil étrange et désolé d'un dimanche après-midi comateux d'épuisements, mon cerveau à mon insu réfléchissait en produisant par ailleurs du rêve sombre et troublant.

Je sais que j'ai été pesante et pénible aux proches d'entre les proches quand ma fille est tombée malade, il y a deux automnes de ça.

Mais pour autant comment expliquer tant de désaffections et d'éloignements. Je me suis longtemps cru coupable de quelque chose, seulement à part certaines dangereuses potentialités dont je n'imaginais pas même faire usage (1), je ne vois finalement pas quelle menace je constituais, ni quelles offenses j'ai pu commettre.

C'est alors qu'au réveil est arrivée l'Idée, le point commun, la clef de l'énigme :
tous les absents ou les plus loins,
avaient visité les Indes dans l'année qui avait précédé leur mystérieuse évaporation. Ils en étaient revenus sans exception enchantés (au sens littéral) et pourvus du solide espoir d'y retourner.

En remontant jusqu'aux années anciennes où j'étais pour les autres l'élément stable et où leur absence car je n'étais vraiment pas seule me rendait tout au plus nostalgique de bons moments partagés, j'ai compté jusqu'à neuf cas confirmant le phénomène, soit les neuf douzièmes des voyageurs que je connaissais et qui y sont allés.

J'exclus de la statistique ceux qui connaissaient le sous-continent avant qu'on fasse connaissance, surtout s'ils font pas mal de maths, peut-être que la pratique assidue des sciences exactes protège de l'étrange enchantement.
Apparemment le phénomène ne concerne que ceux qui faisaient partie de mes proches AVANT leur première expédition.

Il se développe de la façon suivante : j'entends parler avec un enthousiasme qui me ravit du périple prévu, la personne part et sur place ne donne aucune nouvelle ou au mieux une fois. A son retour, elle devient plus rare, n'excluant pas une phase de délicate remise en route et retard professionnel à écluser, je prends patience volontiers. Nous parvenons quand même à nous fixer rendez-vous (2). Elle me raconte avec les yeux brillants des épisodes et des ambiances.
Je me laisse entraîner sans retenue, contrairement à ce que mes destinations des 18 dernières années semblent prouver (3), j'adore les voyages. 
Le déjeuner, dîner, goûter ou apéritif, s'achève bien trop vite. On se quitte en se promettant une revoyure prochaine.

Et celle-ci n'arrive pas. Pas de réponse au message suivant. Téléphoner je n'ose pas et sais mal trouver les heures civilisées. Eventuellement un autre rendez-vous est pris mais qui se décommande.

Et l'éloignement se produit, insidieux et comme irrémédiable. Il ne s'agit pas forcément de rupture. Des occasions de retrouvailles ultérieures se présentent et qui sont honorées. Mais l'intimité n'y est plus. Une barrière invisible semble empêcher toute confidence.

Serais-je Indo-incompatible ? Serait-ce un phénomène plus général : une paroi de verre entre ceux qui y sont allés et les non-initiés ?

Qu'est-ce qu'on leur fait fumer là-bas et qui effacerait les anciennes amitiés ?

Ressemblerais-je de façon frappante à une déesse malfaisante d'une des mythologies locales et qui à leur retour rendrait ma présence difficile à supporter ?

Faut-il que j'y parte à mon tour pour rompre le cercle silencieux ?

addenda :

Ma malédiction comporte pour l'instant une remarquable exception, je prie tous les ciels et les dieux disponibles ou Personne si c'est Personne le Tout-Puissant, pour qu'elle demeure telle aussi longtemps qu'elle le souhaitera.

Je tiens à préciser que j'exclus des silencieux l'ami qui se sentant au bord d'en faire partie a pris soin de m'en avertir, m'exonérer par avance de toute responsabilité dans sa phase de replis et aussi qu'il reviendrait dés qu'il le pourrait. De toutes façons et que je sache il n'est pas allé en Inde depuis moins d'un an.


(1) comme de mettre les photos de quelqu'un sur l'internet sans lui demander son avis.

(2) deux exceptions à ce jour :

- disparition coeur, corps et âme dans un cas dés le retour même (alors qu'il fut question à la veille du départ de présents rapportés) ;

- disparition après un second voyage à un an d'intervalle dans un autre cas.

(3) à l'exception de voyages brefs pour retrouver des personnes bien-aimées et de quelques déplacements para-professionnels,

Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie Normandie

[photo : idée !]

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L'épateur de galerie

suite du billet précédent et traduction

hier, donc, au Luxembourg (les Jardins du)

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Devant ma mine amusée et légèrement perplexe, Stéphanot spontanément m'explique ce qui lui semble peut-être ne pas être du vieux français comme pratique ses parents.

- La jouer c'est chaud, ça veut dire qu'il a voulu épater la galerie.

Trop surprise, mais dûment échaudée par le retour de "daron" et "daronne" qui de mon temps ne se disaient plus, et sont revenus en force de je ne sais quel dieu sait où, je l'interromps : 

- Ça se dit encore, ça, "épater la galerie" ?

Patient, et avec un remarquable effort pour n'apparaître pas condescendant (1),  il me dit :

- Mais non, ça se dit plus, c'est vous qui le dites ; je le dis juste pour expliquer, après j'oublie.

Puis pédagogue, il poursuit :

- "Ah le mesquine", ça veut dire "Ah le pauvre", parce que c'est vrai, tu comprends quoi, il a vraiment pas eu de chance, Zacheri il venait pour aider.

J'essaie d'approfondir :

- Et ça se dit comme ça aussi pour un garçon "LE" mesquine ?

- Ben oui, mais pour une fille, aussi on dit juste "la". Et puis le prénom pour préciser, si l'autre a pas pigé.
[une pause réflexive, brève, puis]
En fait on sait que vous vous le dites pour "avare" je crois ? Et seulement si c'est une dame ?

J'affine un peu en confirmant ; puis poursuis l'enquête :

- Et "saucés" pour toi, ça veut dire quoi ?

Là c'est lui le surpris. Il ignorait l'existence d'un tout autre usage. C'est moi qui lui explique que de mon temps, on disait "se faire saucer" pour prendre une averse (parce qu'on était sortis au moment où il s'était mis à pleuvoir et qu'on n'avait ni imperméable ni parapluie).

Il me fait remarquer que ce n'est pas tout à fait pareil parce que nous utilisons une forme réflexive quand la leur est directe.

- Nous on dit "Ils sont saucés" tout court.

- Et ça veut dire quoi exactement ?

- Ben ça veut dire être tout content alors que bon y a pas de raison, pas tant que ça, explique-t-il avant de conclure par son sempiternel,

- C'est dard. ,

dont j'ai enfin fini par comprendre le rôle de ponctuation tinté d'un implicite ite missa est, indicateur d'une zone de silence à venir ou d'un nouveau sujet.

Me revient en mémoire une conversation récente de voiture qu'il avait eue avec sa soeur laquelle avait concédé au passage l'aveu des statistiques de fréquentation de son Myspace, mention à laquelle, admiratif, il avait réagi en disant :

- Quand je pense que Perceval (2)  il est tout saucé parce qu'en un an il a eu 500 personnes.

(1) avec la Bécassine Béate qu'il a pour mère, j'avoue qu'il a de l'entraînement.

(2) prénom fictif évidemment.

[photo : même endroit, même moment (quasiment)]

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Le mesquine et les saucés

  aujourd'hui près du Luxembourg puis carrément dedans

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Alors que nous approchons d'un Luxembourg grisailleux mais pour février pas tant froid,  un Stéphanot à poils courts (1) que l'étape de raccourcissement a rendu loquace me raconte avec animation sa vie de collégien. Il en oublie légèrement le français de maman, qui a dû, c'est épatant s'enquérir d'une traduction.


- Alors tu vois, Lezley, hier à la récré, il a voulu la jouer c'est chaud, cinq marches à la fois qu'il a sauté, forcément il s'est cassé le pied. Après tu avais monsieur Brangier (2) il est arrivé pour prévenir les secours, sauf qu'en fait il est arrivé quand Zacheri il essayait d'aider Lezley à se relever. Mais il fallait surtout pas le faire, puisqu'il s'était cassé le pied, fallait pas le bouger. Alors Zacheri il s'est pris comme ça une heure de colle pourtant il voulait juste aider.

Ah le mesquine ! ajoute-t-il d'un air affligé en pensant à ce dernier.

Avisant un petit lot de touristes tout heureux malgré le gris de s'entrephotographier sur fond de bassin (premier plan) et de Tour Eiffel (lointaine), et jugeant leur joie un brin démonstrative eût égard au probable et décevant résultat des images en lumière pauvre, il saute soudain du poulet au mulet  :

- Comment ils sont saucés ceux-là !


Pourtant si une petite pluie semble en réserve de ce ciel uniforme, elle n'est pas encore tombée.

 

(1) je me demande si je ne tiendrai pas par hasard l'expression de Tarquine en légende d'une de ses photos d'il y aurait déjà un bout de temps

(2) proviseur ? vice-proviseur ? surveillant ? (j'avoue n'être plus très au fait des grades d'un établissement d'enseignement)

Billet publié avec l'autorisation du principal intéressé qui m'a confié la traduction, afin que je puisse éventuellement vous désembrumer. Disons ... demain soir ; comme je ne suis pas certaine d'y être je vais tenter de programmer la publication du prochain billet. En attendant, si ça vous amuse, n'hésitez pas à proposer vos propres versions.

Les noms et prénoms sont fictifs et même tellement port'nawak comme auraient dit les enfants il y a deux trois ans, que j'en ai attrapé un dans un film revisité et les deux autres dans mon lot de spams de ce soir (bonne technique, ça, s'en rappeler).

[photo : in situ, quasiment]

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Horoscope ultérieur

ce soir tard pour aujourd'hui

travail : Vous recevrez avec une stupéfiante simultanéité plusieurs propositions de travails (1) dans vos domaines de prédilection, lire, relire, écrire. Les rétributions potentielles s'étalant d'un café comptoir à un repas au resto en passant par une bière, vous comprendrez à cette occasion que la professionnalisation du fantôme passe par des voies alimentaires.
C'était mieux l'amour (voir amours).

santé : Le mal dont vous souffrez est tellement atypique que votre bon docteur n'y pourra rien. A moins que sa décision de vous envoyer consulter un confrère spécialiste ne soit une façon subtile de botter en touche l'eau du bain, le bébé, et la charrue avant les boeufs d'une  sombre annonce potentielle.  Vous vous rendrez soudain compte que ça fait deux ans et deux jours que vous n'êtes en fait qu'un revenant qui n'en revient pas.  Préparez -vous à remourir (y en a marre à la fin).

amours : Vous accepterez un surcroit de travail pour y noyer d'autant mieux vos chagrins (voir travail) .  Ils sont hélas insubmersibles.   Vous regretterez douloureusement l'époque où avant d'être un revenant frigorifié vous étiez un fantôme (délicieusement) sexué.




(1) j'ai du mal à dire travaux dés lors qu'ils ne s'agit pas de chantiers [de construction]


Les francs, les euros, l'âge des prophètes, une épée en bois et la vraie vie de Scarlet (O'Hara)

vendredi soir, ligne 9

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- Pour les grosses sommes, moi je transforme en francs sinon je m'y retrouve pas.

- Ben comment c'est possible, les francs t'étais trop petite, t'as jamais eu de paie en francs ?

- Moi si, j'en ai eu. (et il se tait soudain, se rendant compte qu'il vient de se dater rudement aux yeux des deux toutes jeunes femmes qui l'accompagnent, alors il enchaîne) Comment on va faire si je dois casser chaque fois mon épée dans la scène ? (et il esquisse un geste qui me fait comprendre qu'il s'agit de théâtre et non d'une noyade rituelle).

(mais la convertisseuse est tenace dans son fil d'idée, elle évacue la question en proposant un manche démontable et revient à la monnaie sujet qui inspire sa collègue comédienne) :

- Mais moi je ne sais plus rien remettre en francs, pour moi les seuls souvenirs de francs que j'ai c'est les bonbons, j'en prenais pour 5 francs.  Alors oui je peux faire le calcul mais ça me dit rien.

Puis à sa copine :

- Mais comment c'est possible que ça te dise à toi ?, tu as pourtant juste 19 ans.

- Ouais ben je suis vieille dans ma tête, assume l'autre crânement.

Le garçon tente une consolation mystique non dépourvue d'arrière-pensées (je lui donne 27 à vue de nez) :

- De toutes façons vieux, c'est pas avant 33 ans, l'âge du Christ.

La non-convertisseuse, s'exclame :

- Ah ben le prophète aussi il avait 33 ans.

La conclusion philosophique qu'il s'apprêtent à émettre se perd à mesure que leurs pas les porte sur le quai de leur destination.
(trois jeunes, donc, une fille de 19, un gars de 27 (arbitrairement) et l'autre fille de moins de 20 grand maxi)

 

- J'ai longtemps cru que tout ce qu'on lisait dans les livres était vrai, Jane Eyre, Scarlett O'Hara, que c'était des témoignages et pas des histoires qu'on inventait. Peut-être que c'est pour ça que je ne sais pas écrire de vraies fictions.

(une femme d'un certain âge, parfaitement assumé, à une autre à peine plus jeune ou moins pas vieille, entre Montreuil et Nation)

 

- Vous avez voulu les capitalistes, vous les avez.

(une donneuse de tracts à la sortie finale et qui avait réussi à accrocher quelqu'un pour un brin de conversation pré-électorale)

 

- Elle a le don de ne pas se faire aimer.

(une autre à une de ses collègues et que visiblement leur tête de liste ne convainquait pas). Je pense qu'en ce moment, j'ai celui de dormir, exténuée, et que ça ne m'arrange guère.

[photo : le signal jaune de Satin Lazare, samedi]

 


Le retour du Rubik's cube

Dans le métro, cette semaine

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Deux fois en une semaine sur des lignes et à des heures complètement différentes, un homme s'assied en face de moi. Dans les deux cas il est plutôt jeune, d'allure en tout cas car les livres qui plus encore que le froid ou ma petite méforme me font ces jours-là préférer le métro au vélib me passionnent et quand j'y suis plongée j'éprouve peine à en lever le nez.

Mais pas au point, dans les deux cas l'objet est dans mon champs de vision et que celui qui le tient le fait bouger très vite, de ne pas remarquer qu'il s'agit d'un Rubik's cube, ce bon vieux joujou, et que le type tire de sa poche à peine assis.

Les deux joueurs que j'ai ainsi croisés m'ont semblé fort habiles. Je me souviens en son temps d'avoir abandonné la manie dés lors que j'en avais épuisé le mystère. Mais l'un comme l'autre cherchent apparemment davantage à se passer les nerfs ou affirmer leur agillité tactile.

Je m'étonne d'un retour de mode qui n'aurait comme terrain que le métropolitain, quand au retour de l'un des trajets, dans mon livre (1) alors en cours (et entre temps fini d'une traite, amis qui me connaissez attendez-vous à ce que je vous gave à son sujet tout au long du printemps), j'arrive page 136 "Après le dessert, les plus petits étaient invités à montrer leurs tableaux réalisés avec des clous et du fil, leur adresse au Rubik's cube, à jouer au piano le "Petit nègre" de Debussy que personne, à l'irritation des parents, n'écoutait vraiment.". Alors je ne m'inquiète plus. Les mots rares ou désuets et les objets datés, dans ma vie précèdent sans arrêts d'un subtil retour leur apparition dans un texte en cours. Pourquoi le Rubik's cube ferait-il exception ?

(1) "Les années" d'Annie Ernaux.

[photo : la ligne 13 à Satin Lazare, un de ces jours derniers]