Fin che posso
Il y a photo

Pas de pain

un vendredi à l'heure du thé

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J'avais en main un livre (1) dans lequel j'étais tombée à pieds joints et la tête la première, au point que je regrettais de devoir le lire dans le métro, happée que j'avais été dés la première page, impossible de le reposer, une correspondance à couloirs devenait souffrance, vivement chez moi.

Je n'ai donc pas prêté attention aux voyageurs que je voisinais en montant à Montparnasse. Ils étaient massifs (me restait peu de place auprès de la dame, j'avais juste vu ça, près de la fenêtre, une dame et en face un monsieur) et silencieux.

A peine assise, j'ai plongé [dans mon livre].

C'est seulement en arrivant à Satin Lazare, alors que la foule se pressait comme toujours sur le quai, et même si elle laissait mollement descendre ceux qui devaient ne les aidaient pas vraiment en se mettant sur le côté comme ils auraient pu, que je m'aperçus qu'ils s'accompagnaient.

- Pourvu qu'un jour on n'manque pas d'pain, tu sais, ça n'sra pas beau à voir, commenta calmement ma voisine pour l'homme d'en face d'elle.

Il acquiesça. Jusqu'à ma station de descente et sans doute au delà, ils poursuivirent leur dialogue, peut-être entamé avant ma montée en conversation par bribes aux périodes de silence plus longues que celles de mots.

Je ne pouvais pas lui donner tort.

Il y a deux ans, j'aurais encore su. J'aurais au moins pu atténuer son propos en mon fort intérieur, (me) dire que pas pour tout le monde, non, pas pour tout le monde. Seulement le jour où chez moi on a manqué non pas d'aliments mais de santé, j'ai pu longuement constater que c'était passablement désertique (2) à voir, y compris de la part de qui entrait ainsi en absolue incohérence avec ses propres mots récompensés sur le même sujet.

Alors pour le pain, désormais, ma voisine d'un trajet, je la crois. Revient-on jamais de la confiance brisée ? Et elle, qu'avait-elle encaissé avant de le comprendre ?

    

(1) "Mon traître" de Sorj Chalandon ; l'article de Rue89 vers lequel pointe le lien est de Hubert Artus et je suis d'accord avec presque tout.

(2) pas complètement, merci infiniment aux résistants.

[photo par association d'idées, au sujet du manque, je crois ; Paris Xème, janvier 2008 (et aussi parce que je n'avais pas de cliché frais de ma chère ligne 13)]

 

Pour un peu de littérature au sujet du livre cité, et parce qu'il vaut d'être lu, voir Côté Papier

Gypo Nolan

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