Derrière un ballon toujours un enfant
Adagio

Le jour des objets

aujourd'hui, justement

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Il jette un regard circulaire, ne voit que moi qui passe d'un pas lesté et perdue dans mes pensées, pas au point cependant de ne pas remarquer sa manoeuvre quand il s'éloigne de sa moto, antivol à la main et l'accroche à la grille de l'arbre le plus proche.

Furtif il retourne à son engin qu'il enfourche et fait démarrer en hâte, comme s'il s'agissait de quitter les lieux d'un forfait. 

Ainsi donc c'est à ça qu'ils servent, ces antivols qu'on voit souvent clos sur une grille, un anneau, une barrière. A compléter l'équipement de sécurité d'un habitué qui plutôt que de traîner avec lui un poids mort choisi délibérément de l'abandonner sur les lieux de son utilisation. Façon de marquer un territoire, sans doute.

Je n'y avais jamais songé, ne m'étais pas interrogée quant à ses étranges boucles aux oreilles des villes, j'imaginais peut-être qu'à ces emplacements un véhicule avait été volé dont ne restait plus que la protection dérisoire.

Ils sont peut-être aussi de tendance plutôt récente, comme les prises pour casques audio sur les distributeurs d'euros. Et dont je n'ai compris qu'aujourd'hui l'usage possible aux aveugles. J'eusse Pict0002_2 préféré imaginer qu'ils faisaient aussi réservoirs à MP3 et que moyennant un coup de carte bleue on pouvait y télécharger un air dont le besoin soudain s'était fait urgent.

Alors comme bien des éléments ou événements côtoyés, vécus ou constatés ces deux dernières années, je me serais contentée de regarder, sans plus me poser aucune question, trop remplie des pourquoi de mes tourments et tracas, trop accaparée d'une absence, pour m'accorder les interrogations atténuantes sur les riens de la vie.

Aujourd'hui le hasard d'un motard à la conscience intranquille aura contribué à remettre mon cerveau en route à peine avant qu'un tonton flingueur ne m'enjoigne de le faire.

On pourrait croire que je vais mieux.

Pour autant c'est à Wytejczk que j'ai songé en voyant l'homme casqué s'éloigner. Est-ce que mon ami coursier avait ou avait eu ainsi en différents points stratégiques de la ville ses propres accroches privatisées ? Aurais-je un jour enfin l'occasion de lui poser à nouveau des questions anodines ? De lui demander Comment vas-tu ? sans craindre qu'il ne me confie un drame et qui expliquerait sa disparition ?

    

 

[photos : in situ, peu après pour la première et pour l'autre, juste comme ça]

      

addenda du soir, espoir :

Non sans lien avec le pouvoir des choses, et des équipements, voire même des aliments, une formidable série de Denis Darzacq, Hyper.

Le principe de La Chute , appliqué à un environnement de grande consommation donne des résultats saisissants, on y apprend la violence du souffle des fleurs et que les yaourts sont renversants.

J'y vois notre société telle qu'elle est et le mal qu'elle peut faire aux gens mais qui peut-être s'en sortiront (à condition d'avoir des ailes ?). Je me goure éventuellement, n'empêche merci.

      

   

   

Spéciale dédicace à Silent Ghost qui semble ces temps-ci parcourir un chemin un peu semblable au mien quoiqu'en plus décisif. Il s'agit de revenir à soi après qu'un deuil suivi de souffrances par d'autres infligées aient failli nous broyer.

Frères humains, je vous en prie, même s'il vous en coûte un temps, ménagez au moins un an ceux que la vie a endeuillés. Leur infliger contraintes quotidiennes ou à l'opposé abandons dans ces temps de vacillement revient à les pousser vers le chemin de leur propre fin ou la destruction de leur constitution psychique. Evitez de vous fiez à une apparence de "tout va bien" pour attaquer dans un si bref délai. Offrez donc une trêve avant d'imposer vos volontés ou de régler vos comptes si toutefois vous en aviez. S'il vous plaît. Ne brisez pas d'emblée la confiance de qui est déjà par ailleurs ébranlé. Ne faites pas ça, c'est trop dangereux.

(Silent, tu me dis si je résume mal ou si je suis complètement à côté ?).

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