Ombre portée
L'effet Bouissoux

I'm afraid I've missed Tom

near home, today

Pict0002 BILLET QUAND ÇA POURRA

Ma vie est si pleine et en même temps si vide, je cours si vite pour que l'ombre du chagrin ne me prenne plus pour proie, que j'en oublie parfois d'habiter chez moi.

C'est avec la légère surprise de qui voit un élément anodin de ses courts parcours changer,  que j'ai constaté qu'un mur jusqu'alors d'un gris ciment parfait était devenu tout  blanc.

Peut-être qu'il en est ainsi depuis 3 bonnes semaines et que je n'en ai rien vu.

Dans l'absolu peu me chaut, si ce n'est que le gris pardonnait quand le blanc encaisse et que très prochainement il faudra s'attendre à longer un mur sale quand auparavant il se faisait absent.

Seulement voilà, depuis qu'en CM2 (1) une institutrice formidable nous avait fait lire Tom Sawyer, je ne sais plus entrevoir un mur blanc sans songer à lui qui punit par sa tante (Polly ?) devait repeindre la barrière de la maison où ils logeaient et avait si bien fait croire à ses copains qu'il s'agissait d'un grand privilège et d'un amusement parfait que ceux-ci au bout du compte l'avait supplié (voire même soudoyé ? Il me semble qu'en tout cas il y gagnait au moins une pomme) pour pouvoir à leur tour essayer.

Alors à voir ce mur non loin de ma maison, je pense inévitablement que j'ai dû louper Tom, qu'il n'était pas bien loin, qu'il a hélas pour moi travaillé trop vite, que j'aurais bien aimé le convier dans ma cuisine ou Huckleberry Finn s'il avait été là. Ils m'auraient raconté leur monde et moi à eux le mien.

Je suis certaine qu'internet leur aurait plu très bien et qu'ils en auraient rapidement fait les plus beaux mauvais usages possibles. Et puis je pense que j'ai échoué à faire croire aux miens que les corvées ménagères étaient des privilèges (quel dommage, à croire que je ne sais pas y faire) et j'ai dû lâcher le ciel et éplucher les pommes-de-terre.

Il faudrait que je relise ces livres. Presque 35 ans plus tard, leur souvenir est encore tout frais, mais de nombreuses péripéties s'en sont échappées. Et cet humour que Mark Twain avait, que déjà enfant j'appréciais, et qui devrait toujours convenir à l'adulte fatiguée que ma vie a engendrée.

Peut-être qu'ils plairaient bien à Stéphanot, aussi.

Ce matin en partant pour l'usine, je suis passée près du mur blanc ; exprès. Je voulais vérifier que je n'avais pas rêvé et que ce n'était pas un souvenir du livre, soudain et très fort qui m'aurait fait imaginer ce blanc étonnant.

(1) ou CM1 la précision de ma mémoire ne va pas si loin.

[photo : in situ]

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