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Le jour des objets

aujourd'hui, justement

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Il jette un regard circulaire, ne voit que moi qui passe d'un pas lesté et perdue dans mes pensées, pas au point cependant de ne pas remarquer sa manoeuvre quand il s'éloigne de sa moto, antivol à la main et l'accroche à la grille de l'arbre le plus proche.

Furtif il retourne à son engin qu'il enfourche et fait démarrer en hâte, comme s'il s'agissait de quitter les lieux d'un forfait. 

Ainsi donc c'est à ça qu'ils servent, ces antivols qu'on voit souvent clos sur une grille, un anneau, une barrière. A compléter l'équipement de sécurité d'un habitué qui plutôt que de traîner avec lui un poids mort choisi délibérément de l'abandonner sur les lieux de son utilisation. Façon de marquer un territoire, sans doute.

Je n'y avais jamais songé, ne m'étais pas interrogée quant à ses étranges boucles aux oreilles des villes, j'imaginais peut-être qu'à ces emplacements un véhicule avait été volé dont ne restait plus que la protection dérisoire.

Ils sont peut-être aussi de tendance plutôt récente, comme les prises pour casques audio sur les distributeurs d'euros. Et dont je n'ai compris qu'aujourd'hui l'usage possible aux aveugles. J'eusse Pict0002_2 préféré imaginer qu'ils faisaient aussi réservoirs à MP3 et que moyennant un coup de carte bleue on pouvait y télécharger un air dont le besoin soudain s'était fait urgent.

Alors comme bien des éléments ou événements côtoyés, vécus ou constatés ces deux dernières années, je me serais contentée de regarder, sans plus me poser aucune question, trop remplie des pourquoi de mes tourments et tracas, trop accaparée d'une absence, pour m'accorder les interrogations atténuantes sur les riens de la vie.

Aujourd'hui le hasard d'un motard à la conscience intranquille aura contribué à remettre mon cerveau en route à peine avant qu'un tonton flingueur ne m'enjoigne de le faire.

On pourrait croire que je vais mieux.

Pour autant c'est à Wytejczk que j'ai songé en voyant l'homme casqué s'éloigner. Est-ce que mon ami coursier avait ou avait eu ainsi en différents points stratégiques de la ville ses propres accroches privatisées ? Aurais-je un jour enfin l'occasion de lui poser à nouveau des questions anodines ? De lui demander Comment vas-tu ? sans craindre qu'il ne me confie un drame et qui expliquerait sa disparition ?

    

 

[photos : in situ, peu après pour la première et pour l'autre, juste comme ça]

      

addenda du soir, espoir :

Non sans lien avec le pouvoir des choses, et des équipements, voire même des aliments, une formidable série de Denis Darzacq, Hyper.

Le principe de La Chute , appliqué à un environnement de grande consommation donne des résultats saisissants, on y apprend la violence du souffle des fleurs et que les yaourts sont renversants.

J'y vois notre société telle qu'elle est et le mal qu'elle peut faire aux gens mais qui peut-être s'en sortiront (à condition d'avoir des ailes ?). Je me goure éventuellement, n'empêche merci.

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Derrière un ballon toujours un enfant

un jour d'août 2004, en lointaine banlieue

 

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J'évite de prendre la voiture et surtout le volant. Je me sais sujette à de brutales chutes de tension. Un malaise si je marche ne fait tomber que moi. Le même si je conduis peut avoir des conséquences pour d'autres.

Il est cependant des trajets pour lesquels les transports en commun sont trop manquants ou compliqués, et quémander du voiturage est toujours gênant, même si l'on fournit véhicule et carburant.

Durant l'été 2004 mon père est mourant. De sa banlieue, grâce à un médecin de garde consciencieux et efficace (1) on a pu obtenir une hospitalisation dans une ville voisine.

Je me trouve donc conduite, ou justement pas, à effectuer des circuits entre trois villes de périphérie : celle où je loge, celle de l'hôpital, celle où ma mère habite ; le plus souvent en fin d'après-midi après l'usine qu'en ces périodes j'ai quitté tôt, ou bien aux jours libres en milieu d'après-midi.

Je suis souvent pressée, il s'agit de joindre le désespérant au désagréable, concilier l'aide aux uns, le secours à l'autre, l'intendance épuisante, et mes contraintes professionnelles (je ne dis même pas familiales, durant cette période mes enfants et le mari, je les ai laissés se débrouiller).

C'est un de ces jours-là sur une petite rue près de ce qui est encore chez mes parents mais plus pour très longtemps et je le sais déjà, que devant "mes" roues, surgit de l'espace entre des voitures sur ma droite garées serrées, un ballon. Un ballon de foot bondissant.

Plus vite que la réflexion, me revient cette injonction d'Ange Zaffran qu'un de ses fils m'a transmise (2) :

[si tu es au volant] "Quand tu croises un ballon, freine"

Je pile net. Je n'allais pas vite, dieu ou son absence merci. Et personne non plus derrière.

Un gosse surgit au même instant qui rattrape l'objet sans un regard pour moi ou ma petite auto, sans doute ne nous a-t-il pas même perçus, et repart d'où il venait. 7 ans, à tout casser. Un garçon je crois bien. Pas eu le temps d'en voir davantage.

" ... il y a forcément un enfant derrière."

Pas même eu le temps de penser la phrase en entier.

J'ai les jambes qui tremblent alors que je redémarre doucement, au pas. Mes tracas d'alors sont si lourds que j'oublie bien vite cette alerte. Peut-être même que dés en arrivant à ma destination proche j'avais comme effacé cet instant-là.

Si je n'avais pas eu une conduite globalement prudente, malgré l'urgence de mon trajet, si je n'avais pas eu cette chance qu'on m'ait transmis au préalable les mots qu'il fallait, l'accident aurait eu lieu.

Je n'aurais rien eu à me reprocher que d'être passée au mauvais endroit au mauvais moment. Le gamin n'avait pas à jouer au foot si près de la rue (venait-il du trottoir ? d'un jardin à la barrière ouverte ?), ni à surgir sans regarder entre deux véhicules garés.

Et pourtant, s'il s'était passé le moindre esquintement d'un être humain par la faute de ma présence, même s'il en était sorti réparable et vivant, je m'en serais voulu pour tout mon temps de reste.

Alors quand j'apprends qu'un homme conducteur du véhicule qui a causé peut-être le même jour, la mort d'un adolescent qui circulait à bicyclette, a intenté en justice une action contre les parents de sa victime pour réclamer l'argent de la réparation au motif que dans l'accident tous les torts n'étaient peut-être pas de son côté, j'ai beau savoir que l'humanité est ce qu'elle est (3) et que la démarche de ce type sied bien à la logique juridico-marchande de nos sociétés, je reste sidérée. Accablée. La mémoire, d'un coup, me revient. Précise, violente.

Et ce n'est rien par rapport à ce qu'ont dû éprouver les parents du défunt.

 

(1) Cela mériterait un jour un billet à part entière, le médecin obligé de plaider la cause d'un patient pourtant visiblement plus que très mal en point (la mort à l'oeuvre et ça se voit), au prétexte qu'on est en août un dimanche soir et qu'à part une détresse respiratoire engageant immédiatement le pronostic vital, il n'y a plus de place nulle part. Peut-être aussi que, le patient étant âgé et d'aucune fortune ni notoriété, sa survie n'est pas jugée au monde indispensable.
Cela dit, l'homme a réussi. (Et dire que j'étais trop secouée pour retenir son nom, pas même après pu remercier).

(2) ou plutôt nous a car je ne crois pas que ça soit au cours d'une conversation personnelle. Peut-être via "Légendes" ou "Plumes d'Ange" ? Je ne sais plus. La citation elle-même est peut-être imprécise. Mais après tout, n'avais-je pas retenu l'essentiel ?

(3) à ce sujet une très belle discussion en cours chez Samantdi après un de ses billets si bon(s) (au deux sens du terme).

[photo : à Montreuil, la mise en garde aux piétons doubles, novembre 2007]

Merci à Mar(c)tin d'avoir transmis.

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Il y a photo

ce soir, maintenant, là

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J'y ai pensé aujourd'hui, alors que je déposais pour développement deux pellicules dans une boutique. Ce luxe qu'on se permet parfois, tant que c'est encore possible.

J'y ai pensé mercredi, alors qu'une amie photographe me proposait de prendre en charge des négatifs au format pour moi étrange et que j'avais recueillis dans la rue aux premières gouttes d'une pluie précédant Mendelsohn (Daniel). Elle s'y connaît en recueillements, alors depuis j'imagine que les images livreront la clef d'un beau mystère (ne rêvons pas, si on les jetait sans l'aumône d'un sac, c'est qu'elles ne devaient présenter qu'un intérêt limité).

J'y ai pensé vendredi alors qu'une autre amie, des formidables qui sont restés au moment des tourments, m'a offert autour d'une batterie dont j'avais besoin pour l'un des miens, son ancien appareil. Et qui fonctionne encore. J'ai été heureuse dimanche de le faire un peu chauffer.

Quel heureux cadeau.

J'y ai pensé l'autre dimanche lors d'une après-midi à trois pour une raison photographique. J'ai travaillé à la marge. Ça me convenait. Je me suis même sentie heureuse. Je n'étais pas seule ; je n'aimerais plus mourir.

J'y ai pensé hier, alors que Stéphanot nageait et que malgré la foule et ma place aux gradins, je tentais d'attraper les mouvements qu'il donnait. J'y ai pensé.

Et puis tout à l'heure ce billet de KMS, issu d'un autre de Philippe De Jonckheere et aussi avant, un texte d'Emmanuelle.

J'y ai pensé et repensé en lisant "Mon traître", ces instants où tout s'écroule, le peu de certitudes qu'on avait, celles concernant ceux qu'on aimait. Parce qu'à ce moment-là, j'ai trouvé moyen, dans l'effondrement et la débâcle de dire à la mort attends-moi là une image appelle. Elle n'a rien d'extraordinaire que ses circonstances mêmes. Peut-être qu'elle m'a sauvée (la mort n'est pas patiente, elle s'était éloignée).

Parce que mon père, à sa manière compliquée de ne pas vouloir y toucher ni s'accorder aucun plaisir, aimait ça, et que je l'ai toujours connu photographe scrupuleux des anciennes cousinades.

Son plus vieil appareil photo, qu'on peut voir par là, est (presque) mon seul héritage.

Parce que je sais le bonheur de la photo magique, celle qu'on n'attendait pas, pas comme ça et qui nous saisit encore même des années après. Et que je sais que Stéphanot sait (l'image de l'enfant bondissant est de lui) et que cette transmission possible m'aide un peu chaque jour.

Parce que l'ami qui m'a sauvé la vie est le même qui me mit il y a 20 ans la première fois entre les mains un réflex et que c'était formidable et cette confiance (inouïe) qu'il me faisait. C'était à l'occasion de Roland Garros où je fus assidue. J'en ai rapporté quelques photos facétieuse (1) et pas seulement sportives.

J'y ai pensé, à écrire enfin un billet, sur la photo. La place majeure qu'elle a pour moi depuis la nuit de mes temps, même si les mots me tiennent et qui en moi sont les plus forts.

Mais que pourrais-je en dire qui n'ait été dit ?

(1) mise en ligne ultérieure si je parviens à prendre le temps de les retrouver.

[photo : mon déjà presque vingtenaire Minolta Dynax 5000i et que j'use encore aux envies d'argentique]

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Pas de pain

un vendredi à l'heure du thé

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J'avais en main un livre (1) dans lequel j'étais tombée à pieds joints et la tête la première, au point que je regrettais de devoir le lire dans le métro, happée que j'avais été dés la première page, impossible de le reposer, une correspondance à couloirs devenait souffrance, vivement chez moi.

Je n'ai donc pas prêté attention aux voyageurs que je voisinais en montant à Montparnasse. Ils étaient massifs (me restait peu de place auprès de la dame, j'avais juste vu ça, près de la fenêtre, une dame et en face un monsieur) et silencieux.

A peine assise, j'ai plongé [dans mon livre].

C'est seulement en arrivant à Satin Lazare, alors que la foule se pressait comme toujours sur le quai, et même si elle laissait mollement descendre ceux qui devaient ne les aidaient pas vraiment en se mettant sur le côté comme ils auraient pu, que je m'aperçus qu'ils s'accompagnaient.

- Pourvu qu'un jour on n'manque pas d'pain, tu sais, ça n'sra pas beau à voir, commenta calmement ma voisine pour l'homme d'en face d'elle.

Il acquiesça. Jusqu'à ma station de descente et sans doute au delà, ils poursuivirent leur dialogue, peut-être entamé avant ma montée en conversation par bribes aux périodes de silence plus longues que celles de mots.

Je ne pouvais pas lui donner tort.

Il y a deux ans, j'aurais encore su. J'aurais au moins pu atténuer son propos en mon fort intérieur, (me) dire que pas pour tout le monde, non, pas pour tout le monde. Seulement le jour où chez moi on a manqué non pas d'aliments mais de santé, j'ai pu longuement constater que c'était passablement désertique (2) à voir, y compris de la part de qui entrait ainsi en absolue incohérence avec ses propres mots récompensés sur le même sujet.

Alors pour le pain, désormais, ma voisine d'un trajet, je la crois. Revient-on jamais de la confiance brisée ? Et elle, qu'avait-elle encaissé avant de le comprendre ?

    

(1) "Mon traître" de Sorj Chalandon ; l'article de Rue89 vers lequel pointe le lien est de Hubert Artus et je suis d'accord avec presque tout.

(2) pas complètement, merci infiniment aux résistants.

[photo par association d'idées, au sujet du manque, je crois ; Paris Xème, janvier 2008 (et aussi parce que je n'avais pas de cliché frais de ma chère ligne 13)]

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Le chagrin du gain

ces jours-ci, à Paris mais pourquoi pas ailleurs

billet et photo à venir

(décidément ça ne s'arrange pas, en fait c'est pour ne pas oublier l'idée venue alors même que je dois aller dormir de toute urgence).

Désemparée par la bonne nouvelle, j'ai eu une mesure d'incapacité blanche bien plus longue qu'une demi-pause, mon coeur ne battait pas plus que ça, je n'éprouvais rien d'autre qu'une pure stupéfaction en cours ou prévue (car avant d'entrer j'ai su, j'avais pensé, Pourvu que le chèque ne soit pas à aller chercher à l'autre bout de Paris, puis aussitôt, c'est donc que j'ai gagné - c'est que je passais à l'officine un midi d'usine, et devais me hâter -).

Heureusement la préposée aux gains était joyeuse pour deux,

- Je vais devoir vous faire un chèque, me confia-t-elle d'un air gourmand.

Un peu plus tard elle m'annonça une somme, de celles qui ne changent pas une vie mais deux fins de mois si.

J'ai probablement fort mal remercié, bien insuffisamment, fait cependant tous les gestes requis par ailleurs sans rien oublier, puis me suis retrouvée à marcher vers l'agence bancaire où je pourrais sans tarder déposer avant de le perdre, ce qu'au loto j'avais gagné.

Je pleurais.

Ce n'était ni de joie, et pas même d'émotion.

C'était le souvenir d'un film (1) qui ravivait soudain le chagrin avec une violence inouïe. L'histoire en est celle d'un milliardaire lassé de la rapacité de ses courtisans et qui organise qu'à sa mort 8 personnes soient tirées au sort dans un annuaire à qui sera attribué un million chacune.

L'un des millions échoie à un homme jeune, qu'on voit en cellule. Il est condamné à mort. Je ne sais plus comment on l'apprend mais on pige qu'il n'a commis de crime que dans une tentative désespérée de se procurer de l'argent, il a une femme et peut-être un enfant (ou bien elle en attend un, je n'ai pas revu ce film depuis au moins 15 ans).

L'annonce de son gain le fait bondir de joie, sauvé, sauvé, je vais pouvoir me payer enfin un bon avocat, on saura que je ne suis pas si coupable que ça. Sa femme partage ce bonheur infini d'une providence confirmée.

Seulement le bourreau vient et l'escorte assortie. Le gars est condamné à mort, la sentence et lui doivent être exécutés, peu importe qu'il soit ou non désormais millionaire.

Je risque infiniment moins que cet homme, à présent en tout cas. J'ai d'ailleurs également gagné 1000 fois moins au moins. Mais l'enjeu ressemblait. J'apprenais et la bonne nouvelle et qu'elle ne changerait en rien l'attitude implacable de qui m'a condamnée.

Tout s'est passé comme si intérieurement, j'y avais cru. A un retour possible en même temps que la chance.  Quand bien même longeant la Bourse qu'il me fallait moi-même contourner, Wytejczk fût au même moment passé, je ne l'aurais pas vu tant je fabriquais de liquidités [occulaires].

Il ne me restait plus à prévenir qu'un seul de mes amis et ce n'était plus lui.

   

(1) If I had a million de Cruze, Humberstone, Lubitsch, Mc Leod, Roberts, Seiter, Taurog, Mendes, + une douzaine de scénaristes, 1932


Pourquoi il ne faudrait jamais écouter les garçons de café (ni encaisser les chèques de Jean-Paul Sartre)

un dimanche, un café luxueux

billet à venir

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Un plombier intempestif quoiqu'ô combien espéré, me fait arriver en retard au rendez-vous organisé.

Pas beaucoup en retard.

Seulement un peu (et j'avais prévenu dés lors que j'avais compris ce qui allait arriver).

Suffisamment pour qu'en arrivant aux abords du luxueux café parisien où le point de retrouvailles était fixé, je ne voie personne que je connaissais.

Le café comporte une terrasse, longue et bien située. Elle fut jadis dédaignée l'hiver. Mais à présent les fumeurs s'y pressent soigneusement réchauffés par des rôtissoires  (1). Je n'y vois pas mes amis et m'approche donc de la partie intérieure où je pense les trouver puisque d'un salon on m'a parlé.

J'y arrive en même temps qu'un groupe de 3 personnes, jeunes et bien fringuées. L'accueil par un serveur longiligne au parfait uniforme,  se fait global et reste poli mais ferme et froid : 
" A cette heure-ci à l'intérieur, on mange encore, on ne boit pas."

Les trois sapés rebroussent chemin sans rechigner.

Je suppose que mes amis ont reçu le même salut, et qu'ils se sont mis dehors, que passant trop vite je les aurais manqués, à moins qu'échaudés ils n'aient choisi de porter leur clientèle vers un local plus accueillant.

Je ressors et longe à nouveau la terrasse, avec attention cette fois. Ils n'y sont pas, je me le confirme.

C'est quand je saisis mon téléfonino afin de tenter d'appeler que j'aperçois la trace d'un message (2). Les copains sont à l'intérieur et qui m'attendent.

Je reviens à la charge. Dûment munie du mot de passe "salon bleu", je parviens cette fois à franchir le barrage filtrant, malgré mon vieux caban et qu'aux pieds j'ai des godasses de Stéphanot qu'il avait dédaignées et que je finis d'user (elles sont si confortables). Je suis entièrement démarquée sauf peut-être le jean (mais qui le sait ?) ; j'aurais dû faire un effort d'habillage plus soutenu que me contenter d'enfiler le jean-sans-trous plutôt que l'avec.

Les amis sont là qui n'ont rien mangé ni même encore commandé à boire. D'autres tables alentours ne présentent pas le moindre relief de repas. Les gens sirotent en papotant avant de repartir à l'assaut du musée voisin à moins que d'un autre, à peine plus loin.

Il ne faut donc pas écouter les garçons de café (parisiens) même stylés.

Quant au chèque de Jean-Paul Sartre il aurait mieux valu de ne pas l'encaisser. Mais ni l'un ni l'autre ni leur histoire ne m'appartiennent, vous n'en trouverez donc rien de plus là. Si ce n'est mention de la générosité d'un homme que la notoriété n'avait semble-t-il pas abîmé (3).




(1) Je ne sais pas comment appeler ces sortes de chauffages  extérieurs qu'on a vu depuis le début du mois  fleurir un peu partout.

(2) Ma sonnerie qui n'en est pas une, est volontairement très discrète. Tant et si bien que 2 fois sur 3 je ne l'entends pas.

(3) Comme quoi ça arrive.

[photo : non loin du Louvre, intérieur jour]

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L'effet Bouissoux

jeudi dernier, jeudi déjà ?

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BILLET à SUIVRE

(en ce moment : courir)

relu le 20/01/08 vers 13 h 30

C'était un soir d'après l'usine, avec toute la fatigue assortie. Je devais passer à la fn*c récupérer un développement, luxe que je m'accorde encore parfois.

En franchissant la porte de ces lieux tantôt hostiles (le client y est considéré comme un coupable en puissance), tantôt formidables (j'y ai aidé un ami à une lecture publique, pas mal picolé en coulisses auprès d'invités passionnants, croisé certains slameurs que j'aime à des moments où la magie des mots enchaînés était la seule chose qui m'évitait de définitivement sombrer), et qui ont contribué à changer ma vie (1) je n'avais pas conscience en ce noir jeudi soir, les jours déjà rallongent mais ceux de travail ne raccourcissent pas, que j'allais à nouveau changer de dimension. 

Une cliente fâchée tempêtait auprès de la caisse. Les travaux photos qu'elle avait confiés n'étaient pas conformes à ses souhaits. J'ignorais son contentieux, mais finalement elle prit place après moi et s'empressa de me raconter sa vie (un rendez-vous médical qui suivait, la difficulté de trouver un taxi). Jusque-là rien que de très habituel, où qu'on aille il y a toujours un mécontent au moins, et où que je sois on me raconte sa vie ou me demande son chemin. J'ai hérité de dieu sait lequel une fonction d'écouter.

C'est d'abord la personne qui recherchait mes travaux dont on m'avait prévenue par téléphone qu'ils étaient prêts et dont l'attitude d'une gentillesse extrême m'a étonnée. Je ne sais quel souci de classement l'empêcha dans un premier temps de retrouver ce que j'avais confié, elle se donna un mal fou pour le faire, s'excusa plusieurs fois d'avoir un peu (fort peu) tardé. Or j'étais là, tranquille, relativement peu pressée, ma seule contrainte suivante étant de rentrer dîner puis vaquer à quelques occupations domestiques ou personnelles s'il me restait quelque énergie.

Sa collègue qui encaissa l'achat s'empressa de me signaler que dans le cadre d'un programme de fidélité comme pratiquent désormais la plupart des enseignes des chèques-cadeaux d'un montant de -- euros m'attendaient à l'accueil, si toutefois j'avais le temps. Elle ne le confia pas avec l'habituelle lassitude des salariés à qui l'on a passé la consigne de signaler systématiquement aux clients leurs gains éventuels, mais me le dit d'un ton presque enjoué, comme si elle me parlait vraiment à moi, et non pas à la 15 000 ème ombre payante de sa journée.

Quand j'arrivai au comptoir de l'accueil, décidée à percevoir ces bons d'achats auxquels j'avais jusque-là négligé de prêter attention, même configuration que précédemment : un mécontent me précédait. Résignée à une attente qui risquait de se prolonger, je sortis mon téléfonino et consultai les plsu récents messages, craignant que ma journée d'usine ne m'ait rendue négligente à mon insu. L'une des hôtesses (?) présentes s'extasia alors sur la douce housse de mon appareil que je porte finalement le coeur à l'endroit.

La même après m'avoir prise à témoin d'un (léger) chahut plaisantin avec l'une de ses collègues, s'exclama au vu de ma signature qu'elle dit trouver jolie.

Et en sortant je ne fis sonner aucun des portiques de sécurité (3). 

Je me retrouvai donc sur le trottoir dûment pourvue de développements et chèques cadeaux, délestée du prix des premiers et toute chargée de perpléxité.

Pour qui m'avaient-ils prise ?

Mon quart d'heure Warholien et ses demi-heures supplémentaires étant passé depuis deux ans (bientôt trois), il s'agissait d'autre chose. Quelqu'un qui faisait célèbre à la télé, s'était-il mis à me ressembler ? (4)

C'est dans le train en ouvrant mon sac à main pour y prendre ma dose [de lecture], que je compris enfin :

il s'agissait d'un livre doux, amer mais léger, désabusé mais sans rancune, inquiet par bribes mais globalement apaisé, le quotidien d'un Tristan auquel j'aurais pu ressembler si la vie m'avait laissée donner libre court à mon tempéramment personnel au lieu de me balancer dans des situations difficiles imposées. Il me permettait le temps des pages de me glisser dans la peau d'un homme jeune et séduisant (6) sans charge de famille (7), issu d'un milieu bourgeois (5), au lieu d'être une mère de famille marquée par ses origines, crevée de responsabilités, relativement seule, copieusement endettée et parfaitement harassée.

Quelque chose avait dû en rester qui persistait dans mon contact avec les gens croisés y compris par nécessité. Et les avaient fait réagir en miroir avec bonheur et sympathie.

Peut-être qu'un jour enfin, mon quotidien me permettra d'être quelqu'un qui ne pèse pas. Aux naufrages affectifs je ne peux plus grand-chose, m'étant rudement échouée sur des écueils que je n'avais pas vus ni même imaginés, mais il est plus que temps de faire enfin coïncider mon travail et mon métier. Et d'être Tristan (léger) à temps complet.

(1) une belle histoire de Dragons, de radio et de Home Cinema gagné là. Le premier texte tombé sur moi vient de là (dans la nuit du 26 au 27 juin 2003 autour de minuit). J'en ai retrouvé des bribes récemment, il y eu un feuilleton privé (2) que j'avais rédigé bien au delà d'un été pour faire sourire l'une des personnes grâce auxquelles je l'avais gagné. En faire quelque chose, peut-être à présent. Mais quoi ?

(2) A qui appartient une correspondance dés lors qu'une au moins des personnes a disparu coeur et âme ? A celui qui l'a rédigée ? A celui à qui elle était destinée ? A celui qui la lit par hasard ou nécessité ?

(3) C'est une malédiction que j'ai, généralement quand je suis dans un état fatigué-énervé-pressé précis. Je fais sonner.

(4) Thème même d'un livre de Serge Joncour, "L'idole" qui m'avait beaucoup plu à l'époque car ça venait en quelque sorte de m'arriver et que c'est troublant quand on n'est personne d'être pris pour quelqu'un (en l'occurrence dans mon cas à cause d'une figuration télévisée uniquement due à l'actualité et passablement involontaire) : un quidam quelconque se met un beau matin par être reconnu dans la rue par tous et sans arrêts et sans savoir pourquoi.

(5) là je brode

(6) là je ne brode pas, l'auteur l'est, il sait ce qu'est.

(7) le narrateur n'a ni conjoint ni descendance ; ce qui sur l'auteur ne signifie rien.

[photo : pause café, quelques jours plus tard. Je n'avais pas eu le coeur d'enlever du sac le livre]

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I'm afraid I've missed Tom

near home, today

Pict0002 BILLET QUAND ÇA POURRA

Ma vie est si pleine et en même temps si vide, je cours si vite pour que l'ombre du chagrin ne me prenne plus pour proie, que j'en oublie parfois d'habiter chez moi.

C'est avec la légère surprise de qui voit un élément anodin de ses courts parcours changer,  que j'ai constaté qu'un mur jusqu'alors d'un gris ciment parfait était devenu tout  blanc.

Peut-être qu'il en est ainsi depuis 3 bonnes semaines et que je n'en ai rien vu.

Dans l'absolu peu me chaut, si ce n'est que le gris pardonnait quand le blanc encaisse et que très prochainement il faudra s'attendre à longer un mur sale quand auparavant il se faisait absent.

Seulement voilà, depuis qu'en CM2 (1) une institutrice formidable nous avait fait lire Tom Sawyer, je ne sais plus entrevoir un mur blanc sans songer à lui qui punit par sa tante (Polly ?) devait repeindre la barrière de la maison où ils logeaient et avait si bien fait croire à ses copains qu'il s'agissait d'un grand privilège et d'un amusement parfait que ceux-ci au bout du compte l'avait supplié (voire même soudoyé ? Il me semble qu'en tout cas il y gagnait au moins une pomme) pour pouvoir à leur tour essayer.

Alors à voir ce mur non loin de ma maison, je pense inévitablement que j'ai dû louper Tom, qu'il n'était pas bien loin, qu'il a hélas pour moi travaillé trop vite, que j'aurais bien aimé le convier dans ma cuisine ou Huckleberry Finn s'il avait été là. Ils m'auraient raconté leur monde et moi à eux le mien.

Je suis certaine qu'internet leur aurait plu très bien et qu'ils en auraient rapidement fait les plus beaux mauvais usages possibles. Et puis je pense que j'ai échoué à faire croire aux miens que les corvées ménagères étaient des privilèges (quel dommage, à croire que je ne sais pas y faire) et j'ai dû lâcher le ciel et éplucher les pommes-de-terre.

Il faudrait que je relise ces livres. Presque 35 ans plus tard, leur souvenir est encore tout frais, mais de nombreuses péripéties s'en sont échappées. Et cet humour que Mark Twain avait, que déjà enfant j'appréciais, et qui devrait toujours convenir à l'adulte fatiguée que ma vie a engendrée.

Peut-être qu'ils plairaient bien à Stéphanot, aussi.

Ce matin en partant pour l'usine, je suis passée près du mur blanc ; exprès. Je voulais vérifier que je n'avais pas rêvé et que ce n'était pas un souvenir du livre, soudain et très fort qui m'aurait fait imaginer ce blanc étonnant.

(1) ou CM1 la précision de ma mémoire ne va pas si loin.

[photo : in situ]


Ombre portée

P1120031 un samedi comme un autre, un lieu de conférence (... et c'est Paris qui bat ;-) ?)

billet à suivre ... (ça ne s'arrange pas)

Il annonce tout de go, qu'il ne répondra sans doute pas aux questions. C'est étonnant pour une table ronde.
D'autant que le sujet en est fort sérieux, il s'agit d'histoire et de suppressions humaines, on n'est là pour tenter d'attraper quelques bribes de compréhension. Et pour ma part je me suis inscrite comme je l'aurais fait à une journée d'études professionnelle : pour un de mes chantiers j'ai (grand) besoin d'instruction. Et puis pour ma petite vie aussi car en tant que victime potentielle qui s'en est bien tirée, j'ai quand même parfois bien envie de comprendre ce qui pousse un être humain pas nécessairement sanguinaire d'emblée, à tuer son prochain ou du moins décider qu'il peut mourir sans s'en soucier.

Il annonce d'emblée qu'il ne répondra pas et ça surprend d'autant plus que l'autre participant principal n'est pas là. Peut-être qu'il pressentait quelques difficultés.

Alors si on doit faire toute la session entre un absent et un silencieux, ça promet.

L'homme ne manque pas d'ego (il peut, vu le travail accompli). Il savoure le silence partagé qui suit sa déclaration : les uns atterrés (oh non, on va pas être venus pour rien) les autres amusés (tiens, et si finalement on riait). Puis se lance dans un numéro dont je suis incapable de démêler la part de sincérité de celle de Ils-m'ont-conviés-ils-l'auront-voulu.

Je me dis que je ne glanerai sans doute pas cet après-midi les enseignements voulus, mais ne perdrai pas mon temps. La vie m'a habituée à ce que rien ne se passe comme prévu, j'ai donc appris sauf catastrophe à goûter les instants déviés. Ce sont souvent les plus forts.

Il poursuit d'une voix pourtant peu pâteuse et tout en cohérence, par l'annonce calme qu'il est "ivre mort" après "force libations la veille au soir (1), beaucoup de violence et des réconciliations spectaculaires", sans compter une sombre histoire de fourrière dont son auto est le héros.  Je songe qu'ivre ou pas il a plus de talents que la plupart des gens qui de l'exacte même anecdote auraient fait un quart d'heure d'ennui, quand lui nous offre sens, divertissement et réflexions en quelques phrases et rêve pour mon propre compte de telles retrouvailles.

Et puis peu à peu au moment où l'on pouvait se croire partis pour une longue et spirituelle causerie post-prandiale, voilà qu'il raccroche son anecdote au thème, et revient pile dans les clous du profond respect qu'envers les victimes et les survivants visiblement il éprouve. Tout se passe soudain comme si malgré tant d'années passées et de controverses, l'ombre portée des absents (assassinés ou morts de vieillesse) était plus forte que la vie d'à-présent.
Le ton change. Le thème est lancé. Il n'en sera plus dévié fors quelques fiertés d'usage.

"Many were freed only to die." (2)


(1) en l'honneur posthume de Simone de Beauvoir. Décidément ces derniers temps Simone a bon dos .  J'espère  bien qu'elle en rit de là-haut (après tout).

(2) commentaire (un des) du film "Death mills", et qui m'est resté.


[photo : ombre portée, janvier 2008]