Quitter le salon, rentrer dans sa cuisine
04 décembre 2007
ce soir, tard, dans celle-ci
J'ignore qui je suis, entre deux âges et au moins trois mondes, celui de mon métier d'origine, celui des livres en papier, celui de l'écrit à l'écran.
J'ignore qui je suis mais j'écoute ceux qui savent où ils vivent et qui ils sont.
Les métiers d'origine sont rarement ceux qu'on choisit, ce sont ceux qu'on saisit encore en jeunesse quand il faut gagner de quoi continuer et cesser au plus tôt de dépendre d'ascendants pas forcément généreux ni fortunés.
Dans le tout meilleur des cas (pas trop d'accidents, pas trop de précarité) on s'en satisfait pour un nombre d'années, forcément on a des projets, domestiques ou immobiliers, des canapés à s'offrir, des télés à se payer et des impôts à régler. Seulement vient un temps où le temps est compté et où perdre sa vie à la gagner devient insupportable pour qui possède un duvet d'humanité.
Le monde des livres en papier va mal. Les places y sont trop chères et les produits finis que de plus en plus de gens ne peuvent plus même s'offrir. Certains s'en sortent, beaucoup en souffrent. Ceux qui fournissent la matière première sont épuisés. Depuis le temps que je les connais, je les vois collectivement s'essoufler. Travailler beaucoup pour gagner peu. S'assécher parfois au point de n'avoir plus rien à offrir.
Sur l'internet, pour l'instant encore en toute liberté dés lors qu'on peut s'y connecter, on peut créer, déposer des liens, des sons, des mots, des images (point encore d'odeurs, il faudrait y songer) et d'autres venir y voir, écouter, lire, scruter. On échange, on s'engueule, on s'affronte, on se confronte, on s'entraide, on se rencontre, parfois on fait du bon, et d'autres n'importe quoi. On ne gagne rien sauf à héberger de la publicité ou bénéficier d'exceptions extra-territoriales, mais on crée ce qu'on veut, personne ne nous filtre pour des raisons économiques de séduction manquante, d'ailleurs à coup de capacités dépassées, on serait plutôt sanctionnés en cas de trop que de pas assez.
moralité : [en ce début de XXIème siècle] Le bonheur est dans l'écran
[photo : non loin de Beaubourg, au bord du soir ;-) ]
billet en cousinage lointain mais profond et tout à fait volontaire avec celui de Franck aujourd'hui
billet également non sans rapport avec certains propos entendu lors d'un débat de la BPI