Parole Donner
25 novembre 2007
Palais Brongniart, ce soir
Alors qu'ils prennent la parole pour annoncer le prix qu'ils ont l'honneur de remettre, les officiels le savent, sauf sens avéré du coup de théâtre, l'auteur va le refuser.
Son livre en effet n'avait dans un premier temps pas été sélectionné au motif nous explique-t-on en à peine d'autres termes, qu'il était trop bon et promis à d'autres plus glorieuses et précoces en saison, destinées.
Mais les destinées ont été manipulées, parfois ça leur arrive et la gloire s'est envolée à tire d'ailes.
Le jury du prix Figaro Magazine aurait donc voulu réparer du destin l'écrasante injustice et placer en vainqueur un livre qu'il avait au départ écarté.
Seulement l'auteur avait déjà dans les médias, expliqué que les prix devaient s'en tenir aux règles par eux-mêmes établies, et qu'il était incohérent de nommer un titre de dernière minute. Il a été victime de ce phénomène (1) face au "Chagrin d'école" de Daniel Pennac.
Alors ce soir, couronné enfin, il a tenu son cap, ne s'est pas renié, est resté fidèle en soi et a refusé ce qu'on lui accordait de l'exacte même façon qu'on le lui avait préalablement oté.
Il a refusé pour lui et demandé que les 8000 euros du prix soient versés pour la restauration de la Chapelle Expiatoire dont il est dans son livre question.
Son refus semblait entendu, sa proposition parut surprendre. Mais quelles que soient les arrières-pensées potentielles (2), l'instant ne manquait pas de beauté.
Un petit souffle que j'aime à croire de liberté plus que d'opportunisme, venait d'effleurer une assemblée rompue aux cérémonies convenues. Quelqu'un faisait un choix contraire au flux dominant, en exprimait les raisons. L'assistance soudain écoutait. Et les applaudissements eurent pour une occasion telle, si coûtumière aux participants, une densité et une chaleur inhabituelle.
Le "non" ferme mais poli de cet homme venait de nous réveiller, tout en sauvant sans doute le bon sommeil possible de ses nuits à venir.
On m'a alors resservi du champagne et j'ai tenté dans les bulles d'oublier mes tristesses. Hélas malgré une ambiance porteuse, le refus avait délié les langues, et une compagnie personnelle favorable, elles ont refusé toutes ensemble de s'absenter.
Dommage, pourtant si bonne soirée.
(et merci à l'auteur exigeant pour cette belle leçon).
(1) J'ai beau être une bécassine béate, je n'ignore pas les enjeux et manipulations derrière cette version allégée qui est celle donnée.
(2) y compris la mienne, car il est humiliant de se dire que l'homme à qui on a tendu le micro vient avec humour (son discours, bref, n'en manquait pas) de refuser qu'on lui offre l'équivalent de 7 ou 8 mois de mon salaire d'usine net. Trop envie de dire J'en veux bien s'il en veut pas, j'aimerais tant pouvoir écrire sans devoir aller pointer et me faire pomper l'énergie et une part de santé.
Cela dit son éditeur a sans doute déjà bien calculé qu'un refus serait plus médiatisé que s'il acceptait et que l'un dans l'autre, cette solution était la plus rentable en plus que d'être honorable.
[photo : in situ]
Davantage d'info dans cet article du Nouvel Observateur :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/culture/20071116.OBS5274/christophe_donner_refuse_le_prix_figaro_magazine.html et sans doute dans la presse demain.
J'ai compris ce soir qu'entendre de bonnes et belles et encourageantes paroles n'était pas suffisant. Il conviendrait de connaître la ou les personnes avec qui en partager le bonheur ou le soulagement, quelqu'un de très proche un lien du type de celui que Franck a aujourd'hui évoqué, quelqu'un à qui on a toute confiance accordée. J'ai connu, mais hélas le fil s'est rompu. Alors si je suis heureuse de ce qu'on m'a dit, ce bonheur reste inaboutti.