Beigbeder le Bénéfique
24 novembre 2007
Hier ou avant-hier, dans le métro, c'est évident
catégorie complémentaire : Note en Tu
billet en chantier, des soucis pour télécharger l'image
On te pose une question sur le statut de l'écrivain en France, c'est pas dans le pur vide, c'est pour suivre l'intervention d'un brillant Bulgare, et qui parlait des bouleversement induits en son pays par la chute du mur de Berlin (je simplifie à dessein sinon je m'en vais encore faire un incompréhensible 3 billets en un ; déjà que).
Tu réponds que ça bouge, que depuis les temps d'antan les choses ont changé, que par exemple un écrivain d'aujourd'hui c'est un type qui pose torse nu dans le métro pour une pub de Grand Magasin.
A cette idée je pense que qu'est-ce qu'on dirait pas s'il s'agissait d'une femme ça fait plus de dix jours que je n'ai pas pris le métro fors la fidèle ligne 14 où je n'avais rien vu.
Je n'ai non plus rien lu de celui dont tu parles. Je déteste quand le "buzz" d'un livre m'en précède la lecture, je suis par exemple ravie d'avoir découvert l'an passé les deuxièmes "Bienveillantes" (1) avant l'avalanche, j'ai pu en faire une lecture fraîche (jusqu'à ce qu'oppressée de me sentir trop près du bourreau et en même temps trop écoeurée, je capitule). Comme en bon publicitaire, Beigbeder a su vendre son image presque par avant ses mots, il était déjà buzzé quand j'aurais pu feuilleter son travail. J'ai donc laissé tomber.
Peut-être qu'un jour, jurée, j'aurais à le faire. Auquel cas je tenterai de m'abstraire de ce que j'aimerais autant ignorer.
Mais pour l'instant, je vis sans.
Et m'en passe fort bien.
En attendant voilà l'homme sur les murs, et qui se vend et qui fait vendre. Je me sentirais très mal à l'aise de voir ma photo dans le métro, je préfère et de loin ne la voir nulle part à moins que sur le photolog d'un ami dont j'admire depuis qu'on se connaît la classe de photographe. Ce serait même assez d'un cauchemar. Tu imagines, tu descends les escaliers, en songeant légèrement à un prochain chapitre, à un message tendre reçu un peu avant, et tu te prends ta propre gueule en pleine tronche et 4 x 3, en plus pour peu que tu sois vraiment perdue dans tes pensées tu as le temps de te dire - Tiens, c'est qui la vieille, là ? avant de comprendre qu'il s'agit bien de toi. Exactement flippant.
Bon d'accord, Frédéric Beigbeder ne prend pas (plus ?) le métro et à moins qu'il lui arrive vraiment des trucs pire qu'à Michaël Jackson (2), il a relativement peu de risques de se dire un jour C'est qui la vieille ?
N'empêche.
N'empêche aussi que l'air de rien et tout en faisant son beurre de nos leurres promotionnels, il secoue le cocotier des livres de papiers perchés en leur petit monde. Lui semble avoir compris que l'écrit ne survivra qu'en le décloisonnant, en le sortant du coin confisqué et étroit où d'aucuns aimeraient le garder pour qu'après eux le déluge. Il s'y colle en toute innocence de cause, heureux d'exposer l'ego dont il fait commerce, mais l'effet y est. Un écrivain c'est un type qu'on peut voir le matin de son train. Pas forcément un vieux fantôme qu'on croise au Père Lachaise quand on est Parisien. Pas encore une grande rock star (3) mais peut-être ça viendra (un petit effort, allez).
Venant de nulle part, je n'aime pas le sacralisé qui me tient à distance. Persuadée que la chance de suite ne s'attarde plus dans les beaux quartiers, pas dupe envers la démarche du damoiseau (mais reconnaissante pour l'éclat de rire quand pour la première fois j'ai repris le métro), j'aime à croire quà coups d'individus n'hésitant pas à s'éclater (au sens premier) les choses pourraient enfin un peu bouger au lieu que de mourir sclérosées.
Car j'adore encore les livres de papier, tourner des pages, parfois les découper (4), le plaisir physique de feuilleter et de n'avoir pas besoin d'électricité pour une activité, mais seulement de lumière. Je voudrais donc qu'ils existent bien un peu un temps.
Tu décrivais un tableau pessimiste de la situation en France, pas de génération, l'impression d'une fin de cette ère Gutemberg. Certes elle vient, et le vivant est désormais dans ce camp d'écrans d'où j'écris et je ne m'en plaindrai pas puisque j'y vis. Mais on peut peut-être encore faire un temps rouler le train du papier imprimé. Ne baisse donc pas les bras, ouvre-les plutôt au monde et ça continuera. Avec Toi.
(1) Des premières, qui datent de 2002, il est question là
(2) Je précise pour les jeunes générations qu'au début des années 80 du siècle dernier, cette créature était un jeune homme noir et qui ne dansait pas si mal même s'il avait déjà comme un pressentiment. (dialogue édifiant avant que l'extrait de film dans le film ne s'achève)
(3) La grosse différence en plus qu'on ne joue pas exactement dans la même cour, c'est qu'il ne s'agissait pas de pure publicité mais d'un album pour la couverture duquel la démarche se concevait.
(4) Je viens de racheter un "Préférences" rien que pour le plaisir et de (re)lire et de lire munie d'un coupe-papier ; Julien Gracq qui sans doute restera pour toujours et à jamais le dernier des (très) grands discrets
[photo : cette semaine dans le métro, Paris]