7 objets (hors les livres)
28 septembre 2007
Alors voilà que Chondre me convie à une chaîne comme la blogobulle aime tant en générer. Très franchement en temps normal, ça me fatigue un peu. Cependant il se trouve qu'aujourd'hui je suis très touchée que quelqu'un et pas n'importe qui ait pensé à moi, qu'il dit dans son propre billet quelque chose de l'amitié qui me touche au coeur, et que je tiens un blues carabiné qui me rend incapable de travailler (1). En plus que sa chaîne est l'occasion d'un peu ranger, mazette, pas du luxe.
Si je devais lister strictement les 7 objets auxquels je tiens, il n'y aurait que des bouquins auxquels j'ai un lien concret au delà du texte parce qu'ils ont une histoire, une dédicace, un millésime qui les rend précieux à mes yeux.
J'ai donc décidé afin de faire de la place au reste de procéder en deux temps.
Les objets pas-livres
Les livres après.
(1) Si des importuns ou des hasardeux venaient à passer je précise que je ne suis pas salarié en permanence et que certains jours de la semaine sont consacrés chez moi à mon travail personnel. Aujourd'hui c'est le cas. A l'usine où je travaille, non seulement l'accès aux blogs et à plein d'autres sites m'est bloqué mais je ne peux même pas aller consulter ma messagerie personnelle sans me retrouver ornée de remarques acides de la part de quelqu'un à qui sans doute personne n'écrit jamais et que je plains. Donc si je choisis en ce moment de répondre à Chondre le Bien Aimé, c'est en toute légalité et sur mon temps purement personnel.
C'est parti pour les non-livres :
1. L'appareil photo dont je suis amoureuse :
un Olympus 770C acheté en 2004 durant l'été sur les conseils d'un vendeur que je n'ai eu qu'au téléphone et qui alors que je m'apprêtais à commander un modèle plus coûteux, m'a dit quelque chose comme "Ce n'est pas du tout dans mon intérêt de vous le dire, mais il y a en ce moment un petit Olympus qui est formidable." Auparavant cet homme avait dit quelques trucs qui m'avaient laissé entendre de façon diffuse qu'il s'y connaissait, qu'il était passionné. Et il m'avait fait l'honneur bien que je sois une bonne femme de ne pas me mépriser comme trop souvent les techniciens le font. Alors je l'ai écouté. Bien m'en a pris. Merci au vendeur inconnu qui un jour de juillet 2004 a bien fait son travail sans chercher à augmenter son pourcentage de prime sur ventes effectuées. (Je le savais que cette chaîne était une bonne idée je vais pouvoir au passage remercier quelques personnes dont certaines inaccessibles)
2. Celui qui doit être le premier appareil photo que mon père s'était payé.
Mon seul héritage en objet, je crois, avec une vieille montre qui ne fonctionne pas. Mes parents possédaient l'un comme l'autre un nombre certain de talents mais qu'ils ont tenu à tuer en eux parce que selon eux des gens bien ne pouvaient être que sérieux et laborieux. Alors voilà, je pense que mon père et la photo ça aurait pu être une belle histoire au lieu de quoi il a estimé de son devoir de se sacrifier pour sa famille (en nous le faisant, forcément, payer), et il s'est toujours sous-équipé. Mais celui-là doit dater d'avant, et peut-être l'avait-il vraiment choisi, et de qualité. J'ai des diapos des années 50 et début 60 qui sont des bonheurs et que j'ai pu sauver.
3. deux objets indispensables, qui pour moi vont de paire, auxquels je ne tiens pas en tant que tels, je veux dire s'il faut les remplacer je les remplacerai, c'est leur fonction dont je ne saurai me passer.
4. Mes carnets Clairefontaine
Parce qu'à l'usage se sont et de loin ceux qui me conviennent le mieux, entre les trop rigides et chics moleskines et quelques mous de passage que la rude vie que je leur mène a vite fait de réduire en pré-charpie.
Le hic c'est que je ne parviens plus à en trouver des comme ça. Je vis sur un stock constitué et qui s'épuise au fil des mois.
Je dois à Christie de maviesansmoi d'avoir eu pour la première fois l'occasion d'écrire d'eux et combien ils m'aidaient.
... et paradoxalement d'y gagner mon premier moleskine !
Merci encore Christie d'avoir ainsi encouragé la toute débutante que j'étais.
5. Ciel des bijoux !
La bague matérialise ma première paie pour de l'écriture. Elle vaut exactement à un euro près le montant de celle-ci.
Je n'ai pas su pourquoi c'était ce que j'avais choisi pour marquer ce qui doit être un premier pas vers une reconversion matériellement difficile (je suis sans illusion) mais à laquelle je suis incapable de me soustraire. Probablement parce que j'ai trop, bien trop tardé.
Le collier est l'ultime cadeau de ma tante Jenny. Elle devait subir une opération à coeur ouvert environ un mois plus tard. Pas l'une des plus grave, pourtant. Mais je crois qu'elle savait. Et la jeune fille que j'étais l'a su aussi. Elle a été opérée. Tout s'était bien passé. Mais elle ne s'est jamais réveillée.
En ouvrant le paquet cadeau j'avais pensé Oh zut un bijou, moi qui n'en porte jamais, j'aurais préféré un livre (même en italien).
Elle avait dû percevoir ma déception même si je n'en avais rien dit, et qui avait ajouté en Italien, mais doucement afin que je comprenne bien :
- Tu penseras un peu à moi, comme ça ?
Depuis il est là, me fait effectivement penser à elle et me rappelle sans arrêt l'humilité nécessaire :
un don quel qu'il soit peut se muer en malédiction pour peu qu'on n'y travaille pas, ou trop ou que les circonstances soient trop défavorables. Il ne faut jamais s'en féliciter car il comportera toujours des conséquences difficiles, mais pas le fuir, l'accueillir, tenter de s'en servir discrètement pour aider. Ce bijou me dit tout ça.
Pourquoi un poisson ? Je l'ignore. J'aime ses couleurs bleues et verte et qu'aussi il soit argenté (je n'aime pas trop le doré, moins discret).
6. Des photos
Le cadre rouge a une histoire, mais elle ne m'appartient pas alors je ne peux pour l'instant pas la raconter. Disons qu'il a été longtemps perdu, parce que d'aucuns se l'étaient sans vergogne accaparés et puis qu'un jour saisis par un remord ou un bon sentiment, ils l'ont rendu à mon mari. Parce que oui, sur la photo, ce bébé du siècle dernier, c'est lui petit.
Les autres sont quelques unes des photos qui ornent nos murs du moins les espaces que les livres n'ont pas envahis. Ce sont souvent mes enfants mais pas n'importe quelles images : celles qui même pour qui ne les connaît pas peuvent avoir un sens, un petit charme, une beauté. Techniquement elles ne sont pas parfaites. Celle d'en bas représente Mats Wilander. Elle fut prise avec mon premier appareil entièrement manuel un petit Bereite, à l'objectif d'une précision formidable. C'est une photo magique. Sans téléojectif sans rien, juste accompagner le mouvement de son sujet et lui vouloir du bien.
Les photos comptent beaucoup pour moi. Si du temps m'est laissé un jour j'écrirai sur elles en mon nom propre. Il me semble que je le dois à ceux qui m'ont précédée, encouragée (principalement mon fils, ma fille, et un ami qui m'a prêté son propre appareil en 1988 afin que je puisse couvrir un Roland Garros où j'avais des entrées ; bientôt 20 ans après merci, merci à lui), et qui s'y mettent ou y sont. Je ne sais pas dissocier la pratique de la photographie de celle de l'écriture. Je rêve d'avoir un jour le temps de me consacrer à la première en cessant d'en négliger la part technique.
7. Des badges
Chacun d'entre eux représente une période de ma vie où je me suis sentie vivante et présente aux autres et à moi-même, malgré toutes les contraintes qu'elle voulait m'imposer.
Pourtant je n'aime pas les badges car inévitablement ils signifient un tri à une entrée.
En même temps grâce à eux j'ai parfois eu accès à ma propre existence, celle choisie, pas celle subie.
Puissent avant que je ne sois trop vieille ou trop malade ou définitivement trop désespérée les badges triompher du fer à repasser.
BONUS TRACKS :
- Un objet dont hélas je ne saurais plus me passer.
A l'intérieur de cette boîte rien d'un savon,
mais une sorte de petit appareil orthopédique pour machoîre esquintée. En le portant chaque nuit, je peux le jour en paix et sans douleur parler et mâcher, voire même chanter.
Le mal m'a saisi dans le temps du comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun. J'étais tellement tendue, soumise y compris dans mon sommeil à des visions de leur sort quotidien, que je serrais trop fort, sans arrêt et au sens littéral les dents. L'articulation de la mâchoire a morflé.
Un riche praticien du XVIème m'a proposé pour me soulager des injections de botox (non remboursées et représentant plusieurs mois de mon salaire pour un résultat temporaire et qui serait à renouveler). A l'hôpital public on m'a proposé cette solution certes fort peu séduisante (je ne peux plus en même temps dormir la nuit et embrasser) mais qui s'est révélée efficace et ne m'a coûté "qu'une" centaine d'euros (non remboursés pour une sombre histoire de papier que me réclamait ma mutuelle et qu'à l'hôpital il n'ont pas su me fournir en toute conformité - j'ai laissé tomber -) .
Je me disais que j'étais quand même passablement frappée, fragile ou trop sensible pour me rendre ainsi malade rien qu'à participer alors que j'étais à Paris bien à l'abri. Et puis récemment j'ai vu "Sicko" et le témoignage d'un sauveteur du 11 septembre 2001 atteint de symptômes similaires.
N'empêche, je persiste à croire qu'il vaut mieux perdre ses dents que de ne pas sauver des gens. Et je refuse de regretter mon engagement.
- un objet dont j'ai honte alors que je devrais en être fière d'après ce qu'on m'a dit (j'ai même été deux fois félicitée).
Il s'agit d'un diplôme placé comme pour en atténuer la portée sous un tableau de La photo et qui me tient à coeur.
Il signifie une erreur d'aiguillage, 20 ans de prison ouverte plus ou moins chauffée mais comme un temps d'enfermement diurne régulier, 20 ans à accepter d'être sous-payée et sous-traitée, 20 ans à perdre sa vie à la gagner alors qu'on avait pour ses proches et ses prochains tout autre chose à faire pour être utile. 20 ans qui ont failli me tuer car qui a tenté de m'aider à m'évader s'est finalement lassé(e), 20 ans à travailler plus pour se faire exploiter plus puis moins à gagner beaucoup moins parce que la santé s'y était trouvée trop entamée. 20 ans à lutter pour conserver son intégrité à tous les sens du terme.
20 ans pour assurer le gite quand l'homme rapportait de quoi faire bouillir la marmitte.
Ce combat-là n'est pas tout à fait gagné. Il me manque un peu d'années et beaucoup de courage. Peut-être que je compte sur eux, les personnages de l'image, pour malgré tout m'en redonner.
Je ne passe pas la chaîne en nom propre, je ne vais pas très bien et j'ai peur d'importuner, mais suit qui veut ou peut ou que ça amuse(rait).