Jus d'arbre
"En bref"

Sur le carreau (rester)

Ce jour là, ici

P8080008 billet en chantier, suite probable demain

Il était heureux de rendre service, le bougre. Nourrir un chat, arroser quelques arbres miniatures n'étaient pas une tâche quotidienne insurmontable, il l'accomplissait volontiers.

Mais à présent le père de mes enfants est avec eux en vacances (1), les voisins auxquels ces éléments affamés et assoiffés appartiennent ne rentrent des leurs que plus tard, et me voilà une fois de plus en charge de ce qui au départ ne me concernait pas.

Jusqu'à il y a 18 mois, je trouvais toujours un morceau de minutes, une once d'énergie cachée pour donner le coup de main à qui le demandait.

A présent simple survivante, dépourvue de celle-ci comme d'eau une baignoire dont on aurait fermé les robinets tout en ouvrant la bonde, et d'ailleurs passablement siphonnée, je n'ai plus ou si peu la force d'aider.

Seulement voilà, le chat me l'a poliment demandé, mon mari un peu moins, la soeur de Stéphanot s'est prise d'affection pour l'animal, les voisins sont sympathiques et les arbrisseaux ressemblent à des grands en plus petits, alors j'ai dit oui bon d'accord, j'arrêterai de travailler sur mes récits rudes le temps d'alimenter ce petit monde douillet.

L'homme ravi de cette docilité domestique qui semblait disparue depuis que le mal d'écrire était entré dans la maison, m'avait tout bien expliqué, où trouver chaque chose, les quantités à fournir ou à proposer, l'emplacement où laisser la clef, la fragilité des bonsaï (mais celle-là je savais). Attentive, j'écoutais ; sans prendre garde à l'environnement hormis pour ce qui était strictement nécessaire.

Ce n'est donc qu'au premier soir où j'ai dû aller m'acquitter seule de ces quelques devoirs et légères corvées, que le malaise m'a saisie.

Nos immeubles datent en effet des années 29 - 30 du siècle dernier. Celui où Farid, le frère de Wytejczk habite habitait (?) aussi. Or il en est des revêtements de sol comme des papiers peints, les approvisionnements et modes s'y succèdent. Les seconds se changent plus souvent que les premiers, c'est la seule différence.

Or si les appartements du côté droit de l'ascenseur dont le nôtre furent à l'origine dûment équipés des mêmes carrelages que ceux du camp S21 de sinistre mémoire, ceux situés à gauche dont celui de nos voisins, bénéficient d'une variation colorique d'un rouge doux.

Avant d'avoir pu identifier d'où me venait la violence de la vision dés en ouvrant la porte, je me suis retrouvée chez Farid, qui me présentait à Samuel, l'un des enfants fréquentant sa maison, petit cousin ou ami de l'un des siens, chez lui c'était c'est (?) table et porte ouverte, vient qui de la parentèle ou des connaissances s'y trouve bien. J'ai revu Je voyais les yeux vifs et clairs du petit bonhomme qui poliment me saluait comme s'il m'avait toujours connue parmi les grands de ces lieux accueillants, et cette impression qu'aussi j'avais de déjà le connaître.

Puis Wytejczk était arrivé, vaillant, par l'escalier, porteur d'un complément de courses qui manquait à la confection d'un succulent dîner, que nous avions achevé de préparer joyeusement puis dégusté.

Se superposaient le "déjà-vu" de la scène d'alors, celui de ce soir qui n'était que matériel, le carrelage, en effet était exactement le même, comment avais-je pu ne pas plus tôt le remarquer ?, le souvenir plein et heureux, le présent vide de sens et rempli de solitude, la vision vive comme le vrai, la réalité brumeuse de qui n'y est plus ancré.

La tête me tournait. Je savais peut-être où j'étais mais plus totalement quand, ni avec ou sans qui. L'infernale danse des pourquoi, qui m'avait ces jours derniers laissée un peu en paix, revenait avec une force renouvelée.  Si mon vieil ami ne voulait plus me voir, pour une raison qui lui appartenait et que douloureusement j'ignorais, pourquoi son frère qui semblait m'aimer bien, avait-il également disparu ? M'en voulait-il aussi ? Et dans ce cas de quoi ?

Je m'assis où je pouvais sans rien déranger, fermai les yeux, attendis que le malaise passe. La faiblesse physique rapidement s'estompa, les questions déchaînées, elles, ne passèrent pas.

Le chat dont le repas tardait vint quémander câlin et pitance, je revins à la réalité et fis ce qui était devant être fait pour le sustenter.

La nuit d'après, j'allais rêver d'un Sam devenu grand, que je croiserais dans Paris, reconnaîtrais à son regard clair et profond, et qui se souviendrait par chance de mon prénom. Nous parlerions d'abord sur le trottoir, puis dans un café. Il me raconterait alors ce qui était arrivé. Et pourquoi tous avaient soudain rompu un lien affectueux et qui nous réchauffait.  Mais le sommeil deviendra profond avant que son récit ne se forme, et au réveil j'ignorerai ce qu'il m'avait révélé.

(1) ne me plaignez surtout pas, c'est moi qui ai supplié le privilège d'avoir pour quelques brèves journées un appartement à soi.

[photo : in situ]

       

spéciale dédicace à la pompom-girl de luxe si d'aventure elle passait par là (comme vous pouvez, chère PomPom, le constater, vos encouragements à la voiture grenat reçus ce matin tombaient à point nommé (le malaise que j'ai quelque peu transposé dans ses circonstances mêmes, comme je le fais presque toujours, n'était pour sa part pas purement fictif)).

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