Bons baisers d'Ukraine - fin -
13 août 2007
(Le début de l'histoire se trouve ou est indiqué dans les billets qui précèdent)
Milky est dépitée. Elle vient de récupérer les clichés agrandis et finalement les trouve décevants
On voit effectivement des enfants au second plan, sur la première image certains ont encore la bouche ouverte. Sans doute ont-ils chanté ?
Le gars de permanence ce jour-là pressent sans effort que quelque chose ne va pas. Il se dit, pourvu que ça ne soit pas dans nos tirages. Les clients par ici sont difficiles parfois.
Et puis il n'y a personne après, et puis elle n'a pas l'air en colère, juste, déçue ? Dépitée ? Et puis il la trouve plutôt mignonne et ça le change des types arrogants et jamais contents.
Alors il fait le tour de son comptoir et vient aux nouvelles.
- Quelque chose ne va pas ? Les tirages sont pas bons ? demande-t-il doucement.
Elle sursaute. Perdue dans ses pensées qu'elle était.
- Oh non, non, c'est juste que. Je crois que j'espérais un peu trop de ces clichés.
Devant son air interrogateur, elle se sent tenue d'expliquer. Ce n'est pas un mauvais bougre après tout, il est venu de lui-même aux nouvelles. Et puis il est loin d'être laid.
Alors elle lui raconte. Le vieil appareil, une commande hasardeuse, par l'internet, mais qui réussit. Une pellicule coincée.
Il se souvient alors, il y a quelques semaines, d'un collègue qui avait évoqué un tirage délicat, un travail sur une pellicule ancienne et comment il s'en était sorti, un peu fier de lui. Le travail est si répétitif la plupart du temps. Et les délais promis de plus en plus serrés.
Soudain vraiment curieux et intéressé, il fait :
- Je peux voir.
Et elle lui tend les images développées. La quatrième n'est pas terrible, c'est entendu. Mais les trois autres. C'est peut-être un événement historique là-dessus.
- Le toit, là. On dirait Moscou. La place où ils fêtaient tous leur trucs.
Elle regarde de plus près.
- Oui, tiens, c'est vrai.
Mais est-ce que ça change quelque chose ? C'eût été plus étonnant, vu le contexte, une vue de Tombouctou.
Il cherche autre chose d'évocateur à dire. Mais rien en fait. Il y a bien le béret du type, qui est marrant dans le contexte. Il se souvient de kermesses d'école, qu'il était petit, qu'il fallait chanter et qu'il n'aimait pas ça.
Il rend les photos à sa propriétaire ; se veut réconfortant.
- C'est déjà beau comme ça. Que si longtemps après on retrouve des images.
Elle acquiesse tout en rangeant ses affaires.
Il regagne sa place, quand même un peu songeur, ce béret, la tête du gars, ça lui rappelle bien quelque chose. Il ne sait juste pas quoi.
Il pense à une photo célèbre. Une Doisneau, avec le pépère français et sa baguette de pain, longue comme elles étaient dans ces temps-là.
Non, et puis ça n'a pas l'air en France. Une photo célèbre.
Dehors il pleut. En bonne parisienne elle a dû venir en vélo. Ces jours-ci ils sont partout. Elle pose son sac pour en ressortir un vêtement étanche.
Une photo célèbre, un béret. Rodtchenko ! Non pas Rodtchenko, oui des pionniers, des photos de défilés, oui ce genre-là, mais le béret, ce n'est pas ça.
Elle a complété son équipement, et tire la porte pour sortir.
- Korda !
Il a crié si fort qu'il s'en effraie lui-même, quand elle a manqué de lâcher son sac. Elle se reprend la première,
- Alberto, vous voulez dire ? Comment voulez-vous que des photos sur un Lubitel acheté en Ukraine soient d'Alberto Korda ?
- Non, non c'est pas ça que je voulais dire. C'est juste le type, avec le bérêt, là. Vous trouvez pas qu'il ressemble à Che Guevara ?
Elle referme la porte, revient vers le comptoir. Ouvre son sac et en sort à nouveau les photos.
(La suite ne nous regarde pas).
Le début de l'histoire, la vraie, est là :
La photo qui m'a inspirée se trouve ici, même si elle ne ressemble pas, mais dans l'esprit un peu, si :
Les voyages du Che dans les pays communistes
Pardon s'il traîne des fautes ou des lourdeurs, pour des raisons d'intendance ces billets sont à peine relus, mais je tenais à les écrire et à les publier pour être certaine qu'il le seraient et ne pas laisser le récit en porte-à-faux malgré les aléas de la vie matérielle.