Aujourd'hui
Ça m'apprendra (ma nouvelle collection)

Bonheurs puissants du vélibant

un soir du début d'août, à Paris, fort tard.

Les_velibs_la_nuit_par_berlioz_1185 photo par Berlioz avec sa permission (merci encore).

La soirée s'était prolongée, douce et confortable, malgré le temps si froid (pour la saison s'entend) seulement j'étais fort loin de chez moi, et venue en métro directement du bureau.

Jusqu'alors et depuis 26 ans que j'ai quitté la banlieue de mes parents, ce genre de situations me plongeait dans un embarras insatisfaisant.

Le taxi, pour moi, est exclu sauf à ne pouvoir vraiment pas m'en sortir sans, ou à le partager à plusieurs.

J'avais donc jusqu'à tout récemment le choix entre :

- abandonner le meilleur de la soirée afin d'attraper métros et correspondances ;

- rester mais rentrer à pied (1) ;

- peser sur quelqu'un qui devait faire un détour pour me raccompagner.

Au printemps dernier (2) les métros ont commencé à circuler le week-ends jusqu'à des heures tardives, celles qui m'avaient dans ma jeunesse tant manquées. Curieusement j'ai eu assez peu l'occasion d'en profiter, comme si la possibilité offerte avait amoindri les situations potentielles.

C'était déjà un bon progrès.

Mais ce sont les Vélibs vélos municipaux qui ont tout changé. 

Je m'en suis rendue compte en ce soir d'août là.
La pluie, présente par intermittences tout au long de la journée, avait enfin cessé. Quittant le lieu des festivités à la fin de celles-ci et non pas avant à la fin du service des conducteurs de transports en commun, je n'avais eu qu'à faire délicatement glisser mon pass Navigo ma carte d'abonnement (3) sur l'une des bornes où une bicyclette était fixée, dans ce quartier elles ne manquaient pas ni les stations non plus, saluer tranquillement l'amie qui m'accompagnait et non en coup de vent parce qu'une rame arrivait, et m'envoler pédaler tranquillement vers mon domicile, à peine consciente qu'en début du trajet du bas du XVIème vers le Trocadéro, ça grimpait.

Qu'en soit cause le mois ou le jour précis, la circulation était clairsemée. A aucun moment je n'avais été gênée. Un point vers la Porte Maillot dont j'appréhendais la traversée était dûment muni d'une piste cyclable. Et bien que savourant la balade j'avais mis nettement moins de temps que je n'en aurais fait par mes lignes souterraines habituelles.

A l'arrivée, des places étaient disponibles. Et mon vélo de passage y fut volontiers accepté. J'ai parcouru les quelques rues qui séparaient ma maison de la plus proche station avec une sensation de légèreté que je n'avais pas éprouvé depuis au moins 2 ans. C'étaient plus de 20 ans d'absence d'aisance due au manque d'argent qui venaient de s'estomper. En quelques coups de pédales.

Ne me restaient que deux regrets. Ne pas pouvoir partager ce bonheur avec Wytejczk, toujours aux abonnés cruellement absents. Ne pas pouvoir lire en chemin.

Le Vélibant L'utilisateur de vélos communaux parisiens ne peut en effet devenir lecteur qu'une fois arrivé à destination, quand l'usager du métro sauf ligne 13 en bondage excessif, peut bouquiner tout le temps. Je sens venir à moi de sévères arbitrages. A moins que l'hiver à venir ne soit climatiquement à l'aune de cet été absent.

   

(1) Je l'avais fait ce soir-là en quittant à grand regret à la fois trop tôt (les amis, pour la plupart en professions indépendantes ou salariés mais du jounal et qui donc pouvaient se permettre d'être le lendemain absents,  étaient bien partis pour festoyer toute la nuit et j'aurais tant aimé les accompagner) et trop tard (j'avais loupé les derniers métros) la terrasse de Libé ;

(2) Ou était-ce avant ? J'éprouve un doute soudain.

(3) Je m'aperçois que ce billet, si je me laisse aller, va se retrouver truffé de dénominations plus ou moins commerciales que nous autres parisiens employons désormais comme noms communs, ces parigotsnéologismes qui moi même m'agacent (mais que comme tout le monde ici ou presque j'emploie). En même temps ne pas les utiliser et les remplacer par des périphrases alourdit et donne au texte un petit air désuet et loin de l'air du temps dont je tente de témoigner.

 

L'idée de ce billet provient d'un croisement entre un de mes retours nocturnes que l'utilisation d'un Vélib a rendu magique au lieu de fastidieux et d'une remarque d'Anna Gavalda sur France Inter la semaine passée ( si le lien fonctionne encore, c'est par là ) et qui disait qu'elle hésitait toujours à prendre un taxi parce que c'était cher et que même si à présent elle avait de quoi se sentir hors d'eau pour les ennuis d'argent, elle était restée conditionnée par sa vie telle qu'elle était.

(je résume et reconstitue à la mémoire, donc déforme forcément un peu, mais en gros c'était ça)

Dans mon enfance les trajets en taxi étaient tout comme les appels téléphoniques longues distances, réservés aux cas de force majeure. Autrement dit, le plus souvent quand quelqu'un était mort ou mourant. Quand bien même j'aurais soudain la bonne fortune de la faire, il m'en restera toujours quelque chose.

Par ailleurs, il s'est passé, et j'espère désormais se passera souvent, quelque chose Côté papier.

Aujourd'hui j'ai tenu à évoquer Grace Paley.

complément au 29/08/07, 18 h 25 : au sujet des Vélibs ce matin un article  de Marie Piquemal dans Libé

Le double effet du succès Vélib'

(attention je ne connais pas de ce lien la date de péremption)

et qui correspond tout à fait à l'expérience que j'en fais (sauf, hélas, pour "le plan drague", mais j'ai probablement passé l'âge et pas assez de séduction).

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