Velib' : la confirmation de ma malédiction
20 juillet 2007
aujourd'hui, entre Clichy et Montparnasse (puis retour)
billet en chantier mais sauvegardé par crainte de soucis de chargement
ALLER
Le coeur un temps allégé par la perspective d'un rendez-vous amical tout juste décidé, j'avais quitté mon domicile en tout début d'après-midi, casque de cycliste sous le bras.
Il y resta.
La borne Velib voisine de chez moi comportait bien quelques bicyclettes, toutes en bon état et que l'écran acceptait d'envisager de libérer. Mais lorsque je tentai de libérer le vélo élu d'entre les disponible, le piton impitoyable refusa de le lâcher.
Je n'eus d'autre choix, après un retour vers l'écran qui pourtant confirma que je ne m'étais pas trompée et une nouvelle tentative de retrait toujours infructueuse que de l'enclencher à nouveau à fond dans son support. Lequel dans sa grande mansuétude accepta le retour d'un aller qui n'avait pas eu lieu.
(je devrais donc je l'espère rien avoir à payer).
Craignant d'être en retard envers qui je retrouvais, et ne tenant pas à me transformer en mort-vélibant, (1) ou autre zombie de la bike (2), après que la borne m'ait refusé la possibilité d'un nouvel essai y compris après 5 minutes d'une attente intriguée, je pris la ligne 13 qui, fièrement, fonctionnait.
RETOUR
Pas de borne à l'horizon en quittant l'endroit où j'étais, je pris donc le métro sans trop d'hésitation. Arrivée à Invalides, je me dis soudain qu'une traversée du pont Alexandre III en vélo me ferait du bien au moral que le bon de la conversation n'avait pas réussi à sauver au delà du temps qu'elle avait duré. Ou peut-être justement, pour cette même raison (qu'elle avait été bonne et douce) je supportais mal d'être à nouveau confrontée à ma capacité d'affection massacrée. Tout en moi voudrait croire à nouveau qu'à certains je peux faire confiance, mais celle-ci n'ayant plus été irriguée depuis un an et cinq mois, sa remise en fonction m'est aussi douloureuse que la circulation du sang qui se rétablirait dans un membre ankylosé. La force obscure qui m'a permise de rester en vie me hurle de ne plus m'attacher à personne, que c'est trop dangereux, qu'aimer, même d'amitié, est pour moi risque mortel, comme à l'hémophile de se couper.
Alors réagir, sortir, prendre des photos, pédaler, ne surtout pas rester dans une rame (sur)peuplée perdue dans mes pensées.
Je sortis au grand air. Le dôme et la Tour [Eiffel] existaient toujours, mais aucune borne Velib' n'avait été créée ou dans la fatalité restreinte d'un recoin caché. Je pris et repris quelques photos, comme ma respiration, apaisée et à nouveau capable de savourer l'instant je traversai le pont à pied, saluant au passage la statue que j'appelle l'Académicienne tout en pensant à celle de mes amies (3) qui dans 15 à 20 ans, selon taux de mortalité des existants, devrait le devenir et en espérant qu'elle ne sera pas si crâneuse que la statue qui m'évoque son (futur) sort glorieux.
J'imaginais croiser une borne vers le Petit ou Grand Palais, mais n'en vis guère et puisque je n'étais pas si pressée poursuivis mon chemin ; passai devant l'Elysée où je n'espérais rien trouver. Je ne fus pas déçue. Remontai vers Miromesnil ou enfin je vis une station parfaitement garnie.
Trop parfaitement.
Avant même de lire l'écran de la machine censée de délivrer les sésames à vélo, j'avais compris que quelque chose clochait. Elle nétait pas en service, et ne permettait que le dépot, pas le retrait.
Accablée par un sort si contraire, je repris la ligne 13 qui me ramena vers ma cuisine.
(1) copyright Matoo
(2) chez Artypop, donc.
(3) ce n'est pas qu'il y ait unicité de qui pourrait y prétendre parmi les gens que j'aime, j'admire ou j'apprécie, mais une seule me semble susceptible d'avoir envie et ambition de s'y confronter ne serait-ce que pour enfin souffler de la vie de nomade que son métier lui fait mener et tenter d'augmenter en ces lieux poussiéreux le taux de féminité, le tout dans le délai que j'ai pris bien soin de préciser. Et puis je la verrai bien en vert et munie d'une épée.
[photo : la station Velib' de Miromesnil, garnie mais inutilisable]
MAISON
.. et vers Eugène à qui je confiais mes prédictions amicales (qui lui firent cracher une courte flamme d'amusement et d'approbation) et mes mésaventures d'empêchée de l'encyclocitadinie (qui le firent soupirer).
- A ce point, c'est forcément un sortilège, conclut-il calmement. Il n'est hélas pas en mon pouvoir d'y remédier en rien. En attendant, prends le métro et marche à pied.
Je répondis un peu amère : - C'est déjà ce que je fais.
Il complèta sa pensée : - Laisse donc le casque à la maison.
Je ne pouvais que l'approuver. L'idée même de matérialiser ma renonciation me serra cependant le coeur. Elle s'agrégea aux autres chagrins.
- Alors même pour les vélos, je suis la fille de trop ?
Son silence à mes mots me condamnait à disparaître ou à me résigner. Je hasardais d'une voix blanche :
- A tout jamais ?
Il n'émit aucun son mais fit signe que non, après un léger temps d'hésitation qui m'effraie quand j'y repense.
Sauf miracle formidable, les mois à venir seront rudes et longs.