Previous month:
juin 2007
Next month:
août 2007

0 billets

Le panier

mardi matin, cuisine

Pict0011

Ce n'est pas parce que le tour de France (dois-je ajouter trademark ?) arrivait aujourd'hui à Marseille

que j'ai regardé l'arrivée de l'étape exprès [<-- en fait si], que j'ai intitulé ainsi ce billet, mais bien pour que Tarvalanion sache à quelle concurrence insoutenable il a échappé de peu dimanche dernier.

Il pouvait être tranquille, une des clefs de ma vie est que les bonnes choses y surviennent généralement comme la cavalerie dans les vieux westerns i.e. quand les indiens sauvages ont tué tous les pionniers qui pourtant avaient mis leurs chariots en cercle pour se protéger. Non pas que des indiens sauvages ne menacent en rien ma vie, mais la mauvaise coordination de ses hasards et coïncidences si. Je dois d'ailleurs peut-être pour partie la disparition de Wytejczk à l'un de ses déphasages trop bien réussi.

Compte tenu de ma légendaire flemme pour toute tâche d'intendance, laquelle est inversement proportionnelle à mon courage d'écriture, et d'une météo jusqu'à présent défavorable, le seul pique-nique auquel nous aurons eu la chance de participer cette saison, aura probablement été celui de dimanche dernier.

Or j'avais vendredi matin reçu un appel téléphonique étonnant, et qui m'annonçait qu'à un tirage au sort d'un magasin de fournitures de bureau auquel je m'approvisionne régulièrement en rames de papier et autres cartouches d'encre, nous avions Stéphanot et moi gagné ...

un panier à pique-nique !

Outre la surprise (1) d'un gain que je soupçonne imputable à un petit dieu facétieux des objets domestiques et qui avec ses faibles moyens tente à tout crin de me consoler de mes malheurs par des éléments d'équipements, le somptueux de l'affaire était que notre panier allait être disponible à la généreuse boutique ... à partir du lundi.

Voilà pourquoi dimanche Tarvalanion put frimer en paix (2).

A quoi ça tient, les choses.

Je remarque qu'une fois de plus, la chance m'aura souri mais alors qu'il était trop tard. Peut-être dois-je me réjouir que le délai de décalage, singulièrement, se raccourcit.  S'en souvenir pour se maintenir en vie et ne pas lâcher prise à la minute précise où aurait pu me parvenir enfin des missives de retrouvailles d'avec mes chers disparus volontaires et vivants. 

   

(1) d'autant que je ne me souviens guère du tirage au sort auquel nous avions participé. Finalement le mystère de l'abonnement à Télérama n'en est peut-être pas un :

hypothèse a. : je perds vraiment la mémoire à force d'encaisser déceptions sur chagrins ;

hypothèse b. : je l'ai gagné en participant à un jeu culturel ou de hasard que j'aurai oublié.

(2) cela dit eussé-je disposé du sac, que je n'aurais pas pris le temps ou su le garnir de délicieuses denrées à partager comme Tarvalanion l'a fait avec le sien.

PS : dommage, il ne fait pas glacière.

PS' : le panier est en fait un sac (à dos), on aura remarqué. C'est effectivement impressionnant, du verre au couteau suisse, à la nappe d'extérieur et aux serviettes d'absence de table, il n'y manque rien.

 

[photo : l'objet en question]

Lire la suite "Le panier" »


Les malheurs de Sophie

(et les miens aussi)

Ce matin, aujourd'hui, dans mon bureau-cuisine

Pict0028 L'ironie de mon sort étant d'une vitalité telle que je me surprends parfois à souhaiter continuer uniquement pour voir ce qu'elle saura m'inventer, voici qu'au moment même où je m'offrais enfin quelque nom de domaine destinés à un avenir auquel je ne sais croire mais qui sauverait mon présent d'âme soeur assassinée, je reçois un gros livre.

Splendide volume tout rosé, assorti au petit bouquin jeunesse (1) qui, double ironie (2), par hasard (3) l'accompagnait. Avec l'une des pages en braille, que je ne sais pas lire mais qui me parle au mieux, tant les ruptures me sont étrangères. Je n'ai jamais quitté personne fors comportement devenu agressif (4) ou invasif dangereux.

En revanche j'en connais long sur celles qu'on subit, puisque vis-à-vis de mes amours comme de mes ami(e)s je finis toujours par être la fille de trop. Celle qui se tait quand il faudrait causer. Celle qui parle ou se confie quand il conviendrait de garder le silence. Celle qui en a trop vu pour éviter d'effrayer en racontant calmement ce qui est. Celle qui certains soirs ne sait plus s'amuser.

Et qui écrit (ou lit) sans arrêt.

(Ce qui n'arrange rien).

Me voilà donc plongée, toute concernée, dans les analyses multiples et de tous côtés d'un message de rupture qui se voulait, j'imagine, du genre élégant ; "quand on est homme du monde ..." écrit l'une des participantes à cette oeuvre de salut public et privé.

Femme de banlieue sur-occupée, je n'ai pas encore eu le temps de voir ou d'écouter CD ou DVD, j'ai en revanche dévoré les petits livrets inclus dans le gros ouvrage, suis tombée en arrêt devant certaines photos (celle de la poupée de Bunraku par exemple, et celle d'Ariane Ascaride abattue comme je l'ai été), et l'une d'entre elle en particulier dont je suis si contente qu'elle ait pu exister.

merci à Sophie Calle et à toutes celles (et ceux aussi) qui l'ont aidée.

Le travail entrepris aide les autres en retour.

[photo : le colis à peine ouvert]

(1) "Le livre qui dit tout" de Guus Kuijer

(2) au vu du titre, puisque je ne l'ai pas encore lu.

(3) ou presque

(4) surtout envers quelqu'un que j'affectionne ; me concernant directement il en faut vraiment beaucoup pour que je rompe. Je n'ai pas la peur facile.

Lire la suite "Les malheurs de Sophie " »


Et l'eau ferrugineuse, c'est permis ?

Parc de Bercy, aujourd'hui

Cimg6333

Un des avantages ou, pour tout avouer, le seul que j'ai trouvé à part de bons produits qu'on me fournit pour me soigner (1), de la disparition de  Wytejczk hors ma vie, ainsi que d'au moins un homme et une femme chabadabada (2), m'a été révélé en plein après-midi par une zélée gardienne ou policière (3) des parcs et jardins [de la ville de Paris].

En petits groupes éparpillés, nous devisions paisiblement à la fin d'un pique-nique fort bien organisé, quand en passant elle s'approcha de nous et nous enjoignit, comme l'alcool dans ce parc (sic) (4)

était interdit, de ranger ce que nous avions.

Au temps d'avant, quand je savais et me croyais aimée, il m'arrivait d'être fort caustique et saisie de répartie. A présent mes neurones tourmentés ou ramollis (5) s'ils fonctionnent encore le font en lent esprit. De l'escalier, s'entend.

Je peux donc en toute quiétude m'entendre reprocher ou remarquer les choses les plus absurdes, je reste sans répliquer. A peine un peu plus affligée qu'à l'ordinaire de ma vie de rechange, que je mène comme ça peut depuis 16 mois 3 semaines et 6 jours (6) et qui bien qu'intense et doucement entourée, n'en demeure pas moins vide, toute confiance brisée.

Je l'ai donc laissée dire, un peu surprise que désormais les pique-niques d'antan  (7) soient conçus comme dangereux et ne comprenant pas du tout pourquoi alors que nous étions entourés de jus de fruits et eaux minérales, on nous hélait de la sorte, avant d'apercevoir dans un coin un criminel quart de vin, d'autant plus mal dissimulé que qui l'avait apporté ignorait probablement son illégalité.

Mais j'ai songé très fort " Et l'eau ferrugineuse, est-ce qu'on doit la planquer ?" tandis qu'une autre personne dont je préserverais l'anonymat se demandait (8) sur le mode "Dis Tata, pourquoi tu tousses ?", si la drogue, au moins, on pouvait la garder. 

Quand je pense que parmi nous, d'inquiétants délinquants ont même osé fumer (9) !

Oserais-je à nouveau entraîner Stéphanot qui m'accompagnait, dans un tel lieu de perdition ?

 

(1) merci Fauvette, précieuse dealeuse, tu es certaine que je ne te dois rien ?

[là aussi, je vous rassure, il s'agit de chocolat (mais d'un taux de noirceur aussi fort que le désespoir qu'il est censé calmer) ]

(2) non, rien à voir en plus qu'ils ne se connaissent pas ou à peine

(3) en uniformes je suis d'une vaste nullité, et comme, moi je ne vais pas aux défilés du 14 juillet ;-) , je ne risque pas de jamais me rattraper

(4) Elle ignorait à mon avis quels étaient auparavant l'usage de ces lieux. S'ils sont encore hantés par les ombres de ceux qui y travaillaient, les paroles prononcées ont dû faire à ces dernières un affligeant effet.

(5) vingt ans d'usine, ça se paie.

(6) je n'ai toujours pas chroniqué sur Vacances et cinéma    le film au titre duquel je fais allusion, je sais.

(7) lien vers une photo de Cartier Bresson (plutôt que celle de Doisneau en bas des Champs Elysées), c'est juste pour faire plaisir à Emmanuelle qui l'adore ;-) (!)

(8) au second degré bien sûr  - précision destinée aux lecteurs non avertis -

(9) des cigarettes classiques et sur-taxées, je tiens à préciser.

[photo : in situ]

Lire la suite "Et l'eau ferrugineuse, c'est permis ?" »


Telle une Tour Eiffel cachée

Ici et maintenant

Pict0022

Alors que je sortais hier du métro pour une course brève et amusante dont la nécessité cependant m'affligeait, la Tour Eiffel en me voyant arriver s'est cachée derrière l'immeuble le plus proche.

Elle en a assez d'être par moi et quelques autres, sans arrêt photographiée. Je la comprends, remarquez, mais elle n'a qu'à pas être si belle de l'art des ingénieurs qui m'a jadis tant motivée.

(pas de chance pour elle, elle dépassait)

Tandis que Samantdi met la dernière main dans ses récents billets ( billet du 10 juillet , billet du 8 juillet ) au concept révolutionnaire de "blog à l'intérieur des commentaires même", je m'apprête à imiter l'illustre dame en fer, et à tenter de me planquer :

quand mon temps est libéré, j'aime commencer mes journées de travail par de l'écriture courte puis passer à la concentration longue de celle pour papier ; j'avais donc pour ce blog rédigé un billet ce matin comme tant d'autres.

Seulement ce qui est venu était trop personnel et concernait d'un peu trop près d'autres que moi, dont je ne souhaite pas parler (1) de peur de les froisser. J'ai déjà fait par ailleurs tant de dégâts "à l'insu de mon plein gré".

Comme je n'ai pas le temps matériel d'écrire sur tout autre chose, j'ai un programme en retard et chargé, je me vois contrainte d'innover : je vous propose ainsi le concept du billet publié du billet non publié.

Après tout, c'est jour férié ...

(1) à moins de transposer au point qu'eux seuls puissent au pire des cas se sentir vaguement concernés.

[photo : la Tour Eiffel vue du musée Guimet]


Paris par beau temps

Ce midi, entre V et XIII

Pict0004

Ils étaient fatigués, ils avaient tant marché et puis il faisait chaud, c'était à n'y rien comprendre la veste ou le gilet hier trop légers, aujourd'hui encombraient.

Ils se sont assis sur la margelle de la fontaine. C'était curieux cette placette si calme à l'orée d'un boulevard si passant.

Il y a plus de vélos qu'avant songea la femme en se souvenant.

Un voyage datant d'il y avait si longtemps.

Ces espoirs qu'on avait. Et nos enfants qui vivotent, quand ils étaient si doués, repense-t-elle au souvenir précis de son état d'esprit d'alors, les appels doucement inquiets et directifs qu'ils passaient à l'époque à qui les gardait pendant ce tardif voyage de noces qu'il y a 20 ans en Europe enfin ils avaient fait. Tout ce soin dans l'éducation, finalement presque en vain.

Comment se fait-il qu'on soit encore là, s'étonne-t-il en sentant dans son dos le frais de l'eau projetée, alors qu'il a tombé la veste. Finalement il fait chaud à Paris, en été.

On n'a pas tout perdu, ils nous aiment toujours bien. J'aurais quand même bien voulu que l'un d'entre eux réussisse, que ce soit elle ou lui qui nous offre le voyage. Au lieu de ça, il a fallu qu'on attende d'avoir payé leur université. Et aucun d'eux ne travaille dans le domaine où il devait. Et dire que Bradley s'imagine qu'il pourra faire l'acteur,  quelle folie ! maugrée intérieurement la femme, que la fatigue et la (légère mais surprenante) chaleur accablent et ses jambes gonflées [aussi].

J'ai bien fait d'investir pendant que je pouvais, se réjouit-il sans en parler, sinon ce voyage, on ne l'aurait pas fait, ce n'est pas ma pension qui pourrait le payer. Au moins Brady, tel qu'il est parti, ne perdra pas sa vie telle que je l'ai fait. Et s'il n'y arrive pas tout de suite, je l'aiderai. Ce n'est pas comme son frère et sa soeur aînés, ceux-là ils ne veulent rien faire à fond. Ils survivent sans chercher. Ils gagnent leur vie et puis après ?

Au moins avec William et Jennie, on n'aura pas perdu notre temps. Ils nous ont écoutés, eux. Et elle soupire silencieusement.

- What about having some lunch ? dit-il alors de la voix vaguement enrouée de qui est resté longtemps sans parler et interprétant le soupir pour la marque d'une faim qu'il n'exprimait pas.

- I have to call Jennie, répond-elle selon une logique sans doute belle mais masquée.

Je m'éloigne alors qu'il se lève, j'imagine en disant You can call her from the restaurant. Elle tarde légèrement à en faire autant.

[photo : in situ]

Lire la suite "Paris par beau temps" »


Un jardin soudain

mercredi matin, à Clichy la Garenne par une rue plutôt passante

Pict0035

J'étais si fréquemment passée dans cette rue, pourquoi est-ce aujourd'hui seulement que j'ai remarqué cette entrée sous un immeuble par ailleurs fermé aux allochtones ?

"Jardin Jacques Brel".

A deux pas de chez moi et je n'en savais rien. N'avais jamais rien remarqué, rien noté. Pressentais l'existence d'un espace sans doute vert, noyé entre les immeubles à forte densité qu'on nous avait construit sous nos yeux depuis 6 ans, mais le supposais privatif.

Il n'en était rien, liberté d'accès.

Vaguement perplexe d'un mal étrange qui semble me faire à ce difficile retour de vacances tout voir d'un oeil nouveau, jusqu'aux immeubles qui disparaissent et aux fleuristes intempestifs à moins qu'ils ne donnent au mari d'une amie la bonne idée d'acheter pour elle un bouquet en passant, j'entre.

Les lieux sont déserts. Un peu sauvages, comme si personne ne venait jamais, soit par méconnaissance de l'accès possible soit parce que l'endroit trop enclavé ne permet pas d'être en paix. Un chien tout petit, perché sur un balcon très haut, se met d'ailleurs à aboyer si fort, que je devine sans peine la curiosité invisible suscitée par ma présence. Même si 5 % seulement des habitants sont présents et intrigués ou désoeuvrés au point de pour si peu mettre le nez à leur fenêtre, ça pourrait faire 30 personnes en train d'espionner.

Délibérément je vais m'installer sur un banc qui semble là depuis longtemps, alors que le jardin n'a pas encore trois ans.  J'étais passé chez le marchand de journaux faire provision de magazines, je les feuillette ostensiblement. Un ami a écrit un texte sur George Clooney, surprise et amusée je tente d'en tirer un instant de distraction et d'oublier (entre autre) que l'article dont l'annonce en couverture m'avait décidée à acheter était pour moi fort décevant (1).

Le chien s'est calmé. Déjà habitué sans doute à ma présence solitaire. Je prends discrètement quelques photos. Eût-il fait chaud que j'eus retrouvé un sentiment de western, cowboy solitaire arrivant dans un village sans âme qui vive mais avec présences sensibles derrières les fenêtres des maisons. Mais ici il fait froid frais, et aucun saloon ne complète le tableau.

Du travail m'attend, je rentre sans plus tarder ; troublée cependant par la coïncidence de sensations avec celles d'un rêve récent, comme une pièce en plus que je trouvais à une maison où je semblais habiter depuis une période pourtant déjà longue.

Une pièce en plus à l'habitation, un jardin soudain dans le pâté de maisons.

(1) il concernait Delphine Seyrig à laquelle certains films du Festival de La Rochelle qui lui rendait hommage m'ont fait m'intéresser. Mais je savais déjà ce qui était dit là.

[photo : un coin du jardin Jacques Brel, 11/07/07]


Cambiamenti (changements)

mardi 10 juillet 2007, Paris quartier central

Pict0063

     L'absence rend-elle l'oeil davantage aiguisé ?

Pict0064

Pict0073_2

J'ai du mal à croire que ces boutiques ou devantures de mon quartier de travail salarié n'étaient pas déjà là avant mon départ, qu'elles ont poussé en 10 jours. Et pourtant,  auparavant, je ne leur avait prêté aucune attention.

Pas plus à la vitrine interactive du marchand d'intérim, qu'à celle spécialisée Poker (l'établissement entier est consacré à ce jeu avec de surprenants produits dérivés), ni non plus au fleuriste situé un peu plus loin.

Que pouvait-il bien y avoir avant les fleurs ? Comment se fait-il que je ne m'en souvienne guère quand, si je fréquente moins ces rues qu'autrefois, j'y ai toujours certaines habitudes d'après cours de danse ; sans compter que ce fleuriste soudain se trouve sur le chemin logique entre l'usine et le traiteur russo-italien où aux mois fastes je me fournis en scamorza  et en "riga sprats" (orth. approx.).

Entre le climat qui donne comme jamais une idée de rentrée (1) et ces indices concordants de dépaysement, j'ai la sensation d'avoir vécu une absence longue et que Paris a changé, quand je conservais d'elle une image figée déjà périmée à la réalité.

Je pense à la douleur inguérissable des exilés, dont ma perplexité désemparée n'est qu'un doux avant-goût. Me voilà de retour stable dans une ville [devenue] étrangère. Quelles retrouvailles seront possibles ?

(1) scolaire je veux dire ; il fait un temps de fin septembre, version été fort peu indien.

[photo : in situ, prises à midi puis au bord du soir]


La carte kirghize et deux (ou trois) autres messages personnels

Lundi 9 juillet 2007, au soir en rentrant

 

P7090098_2 J'ai deux remerciements spécifiques et un message à diffuser. N'ayant d'autre lieu qu'ici pour le faire compte tenu de la probable absence d'accès des uns, et du souhait que les deux autres soient le plus public possible, j'en fait un billet ici, mais attention 100 % réalité, 0 % fiction. Pardon si c'est pesant.

   

C'est à ma déception de n'en pas trouver en rentrant que j'ai compris combien j'avais attendu une lettre précise. Moi qui croyais dans toute ma resplendissante naïveté que la cure de ciné m'avait été profitable, je me rendais compte cruellement qu'il n'en était rien et qu'aucune page, vraiment aucune, n'avait été tournée.

J'ai songé à la comparaison hospitalière de Samantdi qui dans un de ses billets raisonnés et sensibles, évoque l'impuissance particulière qu'on éprouve pour quelqu'un qu'on connaît bien et qui se retrouve en prison. Mon cas est beaucoup plus intime et infiniment secondaire, mais l'analogie la plus proche est également médicale. Me voilà dans l'état d'un malade qui avait connu un léger mieux d'une atteinte potentiellement mortelle, s'est cru tiré d'affaire, et s'aperçoit qu'il rechute sachant que les soins qui le traitaient étaient les meilleurs possibles et qu'il ne reste pas grand-chose d'autre à tenter pour enrayer le mal.

Heureusement Samantdi a la bonne idée de passer dans les prochains jours à Paris, et Kozlika celle de tout organiser entre le wiki et la solution de repli météorologique d'un pique-nique qui devrait avoir lieu dimanche (le 15 juillet) midi dans le parc accueillant de Bercy.

   

Ma boîte aux lettres de la vieille poste concrète ou du moins son contenu que les hommes de la maison avait gentiment répandu en strates fragiles sur la table de la cuisine, ne contenait pas seulement une absence de missive dont j'aurais pu pleurer, mais également des factures incontournables et, de la part de la sécurité sociale une désagréable réclamation de trop-perçu, pour des frais relevant d'un an auparavant (1). Il est des moments démoralisés où le premier petit sale coup bas et ridicule du sort ou de qui veut bien l'incarner fait mal infiniment plus qu'il ne le devrait.

Heureusement, au milieu des présences indésirées et des absences cruelles s'était glissée une carte Kirghize envoyée par de fidèles amis, grands voyageurs devant l'éternel et l'immédiat. La carte est belle (2), très. Les mots chaleureux et qui évoquent bien le pays traversé, les timbres étranges (pour nous) et surprenants. Selon les circonstances de ma vie qui adviendront à leur retour, je penserais ou non à les en remercier, je le fais donc ici de façon préventive. Merci à vous qui de si loin avez pensé à nous, que nos existences limitent même si j'ai appris à compenser (3) du mieux qui m'était possible.

   

Sur le lit ma fille avait déposé un paquet, arrivé peu après mon départ, des livres à lire je m'y suis engagée, les premiers mois avec bonheur, depuis quelques temps non sans efforts ; certains titres me déçoivent et je peine sur leurs pages. Le nouvel arrivage rapidement parcouru m'a un peu effrayée.

Heureusement, une amie blogueuse m'avait offert un abonnement en cadeau à une revue que j'aimais bien  , laquelle semble éprouver certaines difficultés de parution et vient de se rattraper de quelques temps de maigre par un numéro double somptueux. Il arrivait à point, grand soulagement ; là aussi, merci.

   

Dans l'appartement un bazar indescriptible : celui que j'avais laissé en partant (4) plus celui que les hommes de la maison livrés à eux-mêmes (5) ont ajouté.

Heureusement mon fils, l'inspirateur direct du personnage de Stéphanot, a pris l'initiative de demander à sa soeur comment faire fonctionner la machine à laver [le linge]. Je trouve donc à mon retour un garçon proprement vêtu et un panier de linge sale certes plein mais pas débordant.

Alors un grand, un immense merci à mon enfant déjà adolescent, qui avait aussi pris soin de vider les poubelles et que la vaisselle sale n'excède pas celle de son plus récent repas.

   

Pour un blues du dimanche soir survenu un lundi veille d'usine et de reprise d'après-congés, ç'eût pu être bien plus féroce. Je songe à Carmen Castillo et je ravale mon chagrin, non sans la honte inévitable de qui sans être épargnée n'est pas non plus promise aux plus durs destins. Il s'en faudrait de peu que tout aille plutôt bien mais ce peu dépend d'autres que je ne sais effacer de mon quotidien comme ils l'ont fait pour moi du leur. Ce peu me rend le sol instable et use mes forces à conserver un équilibre perpétuellement en danger. Si seulement ils se souvenaient, ne serait-ce qu'une heure de leur humanité, le temps de donner de brêves nouvelles, de concéder une explication, voire consentir un espoir ...

   

(1) bien évidemment comme ça correspond à la période pendant laquelle j'ai été non seulement mentalement mais aussi physiquement en danger, et vu mon peu de goût pour la paperasse même au normal de moi, je n'ai plus l'ombre d'un justificatif en mon immédiate possession.

(2) la photo que je viens de prendre à la va-comme-ça-peut de ma lampe à économie d'énergie, ne lui rend pas justice.

(3) Comme constatait mon amie Jeannine ce midi, quitter le festival de cinéma qui s'y tient, ce n'est pas seulement quitter La Rochelle, c'est quitter plein de pays simultanément. La semaine passée je fus au bord de l'Atlantique mais aussi en Arménie et en Iran, aux Indes en bonne compagnie (6),  à Roma avec un orchestre extraordinaire, au Chili avec quelques survivants remarquables ...  [liens à venir quand j'aurais chroniqué les films si j'y parviens].

(4) depuis que je mène une vie double, je ne sais pas partir en vacances autrement que précipitamment ; c'était d'ailleurs aussi le cas avant si j'y pense : en tant qu'ingénieure consciencieuse, je me retrouvais toujours avec des urgences impossibles à boucler avant congés, du coup j'y arrivais épuisée après des semaines de 55 à 60 heures et dans la plus absolue impréparation familiale.

(5) ma fille, pas bête, a pris soin de se carapater en même temps que moi en sollicitant une invitation opportune.

(6) Marguerite Duras

[photo : la carte kirghize (et au dos, les timbres sont tout beaux)]

Lire la suite "La carte kirghize et deux (ou trois) autres messages personnels" »


La fin d'une part (de nuit (blanche))

Ce matin c'est par ici :

Vacances et cinéma, au petit matin

Les vacances studieuses touchent à leur fin, mais hélas pas les chagrins. C'aura été néanmoins une belle et (relativement) fructueuse tentative pour les semer au loin. Il me faudrait un peu de Toscane, je crois bien, pour que ça fonctionne enfin, ou la fin de l'indifférence de ceux qui m'y ont jetée. 


Déterminisme social

ailleurs, aujourd'hui (en gros)

    

Cimg6147_2

billet non relu, séance imminente

      

Est-ce l’influence sous-jacente d’une difficile année électorale ? Est-ce l’effet induit de chagrins personnels qui me font me trouver toujours de trop ou inadaptée quel que soit le milieu que ma vie me conduit à fréquenter depuis qu’une de mes familles de coeur m’a rejetée pour cause possible d’insuffisant pedigree quand de ma famille d’origine je me suis toujours sentie éloignée ? Mais depuis plusieurs mois je croise presque chaque jour le mot « bourgeois » qui pourtant il y a si peu semblait viré du champ sémantique sinon de la société.

   

Il y eu d’abord le livre d’Aurélie Filippetti qui m’a sauvée plusieurs jours durant d’un puits sans fond de solitude. Il n’y a aucun réconfort à savoir qu’un malheur qui nous abat n’a rien de singulier. Il y en a à savoir que qui en a déjà subi un semblable, un « qui ressemble », un « du même ordre » s’en sort ou s’en est sorti. Ainsi donc, on survit ?

« Toujours se méfier des bourgeois, m’avait-on appris. J’avais oublié. Faut pas jouer aux riches. Je t’ai vu arriver, je n’ai pas esquivé. Tu étais du genre à aimer la jouer cool. Ceux-là sont les pires ne m’avait-on pas dit. Ceux-là vous regardent comme si vous étiez des leurs, mais l’éducation et l’absence complète de douleur tatouée sur leur peau vous les font remonter illico à la surface pendant que vous plongez dans l’abîme avec un double chaînon d’acier enroulé autour du coeur. » (page 29 de l’édition de poche en Points Seuil).

   

Puis un soir en sortant d’un spectacle de danse une réflexion « out of the blue » de mon fils , surgie de je ne savais où. Que pouvait bien savoir des bourgeois mon petit banlieusard qui parle avec ses potes le patois moderne clichois avec une aisance toute prolétarienne ?

    

Une conversation avec quatre amis au cours de laquelle nous ourdîmes un complot envers un 5ème larron (lien ultérieur vers les billets) et où il en fut à nouveau question mais  que je compterais d’une façon moindre, puisqu’induite par le billet que j’avais rédigé sur les paroles de mon garçon.

 

Quelques jours plus tard ou bien avant, mais toujours dans la plus grande proximité temporelle, cet amusement d’un jeune artiste sculpteur ou (1) plasticien et qui venant d’achever une conversation professionnelle avec l’une de mes plus proches amies s’est exclamé « Oh c’est incroyable cette façon bourgeoise de parler qu’elle a ».

Il connaissait son travail mais la croisait pour la première fois. Ce qui l’étonnait était le décalage entre l’un et l’autre. Je n’avais pour ma part jamais remarqué, l’ayant rencontrée avant ses travaux. Depuis plus de 8 ans qu’on se connaît, elle n’a pas modifié sa façon de parler et qui me plaît. A l’instar de mon mari, elle prend l’accent de sa région parfois, en privé, par accès de tendresse, d’autodérision ou d’une drache de nostalgie. C’est d’ailleurs lui que j’attends ce jour-là, triste qu’il ne soit pas arrivé plus tôt, ce qui aurait goupillé tout autrement la soirée.

      

Mercredi j’attends un car touristique qui me mènera dans une île parfaite pour qui savoure la bicyclette. A côté de moi un couple d’anglais. Ou plutôt un homme et une femme qui se parlent en cette langue mais ne se connaissent peut-être pas d’aussi près, ou bien c’est entre eux récent. A moins que de vieux cousins qui se retrouvent après un temps très long et s’échangent des nouvelles de membres de leur famille lointaine et qu’ils auraient perdus de vue. La femme parle comme Virginia Woolf. J’en reste l’oreille indécemment attentive. Elle a juste le souffle un peu mieux réparti, mais l’accent est le même, oxfordien, précis. Et le ton et l’humour subtil qui affleure aux phrases.

Ce monde n’est pas le mien. Je suis née aux marges. Mais cette part de leur univers me sied, cette part pourtant hautement bourgeoise, cette façon calme qu’ils ont de se confier d’intimité sans en faire aussitôt des drames, quand dans mon milieu de naissance l’intime se hurle de colère ou se tait.

         

Avant-hier au soir, une conversation autour d’une bière ou juste après en marchant vers un lieu de cinéma extraordinaire au sens sémantique du terme. La personne qui m’accompagne alors que nous devisons de tous ces lieux qui tendent à devenir inabordables aux locaux en raison des prix pratiqués tant pour les logements que pour la vie courante, me parle d’une personne pour laquelle elle avait travaillé d’été, en job d’étudiante : baby-sitter et femme de ménage, certains mènent grand train toute l’année, y compris sur leurs lieux vacanciers. Elle m’en dit plutôt du bien, elle ne parle pas pour dénigrer, juste pour constater un niveau de vie qui à nos yeux moyens paraît surprenant. Au détour d’une phrase pointe soudain un regret, que j’espère ne pas déformer en le rapportant au flou grinçant de la mémoire : Quand j’ai voulu faire un stage à Paris, et que je l’ai appelée pour lui proposer mon CV, elle m’a à peine reconnue. Puis une résignation assumée : C’était une bourgeoise, je m’y attendais.

      

Ce matin à la médiathèque, j’ouvre un livre au hasard, le hasard n’étant pas tant dans le choix de l’ouvrage (sa présence en ces lieux, je dois l’avouer, m’intriguait) que dans la page concernée :

« La violence des rapports sociaux est extrême. La petite bourgeoisie peine à émerger, entre un prolétariat misérable et une caste de grands bourgeois impitoyables. [...] S’ensuit un siècle d’affrontements. Il faut toujours choisir son camp, c’est épuisant. La mairie contre la fabrique. [...] L’estaminet contre l’église. » (2)      

      

« Affrontements » : le terme est mis sur mon malaise, ce sentiment intime et impuissant depuis déjà un trop long moment que nous sommes à l’orée d’une période troublée qui si elle n’éclate pas mènera à un pourrissement qui sera pire encore. Trop de jeunes compétents, cultivés, sont contraints à d’impitoyables chemins de traverse vers les métiers qui leur correspondraient, trop d’autres n’acceptent pas les conditions qui leur sont faites et préfèrent rester exclus, vivant à la débrouille ou dépendant tardivement d’une famille d’origine qu’ils souhaiteraient quitter, trop d’à peine vieillissant à la première moindre performance économique de leur employeur ou géographique ou physique de leur part se trouvent éjectés de situations qui assuraient leur (sur)vie sans espoir de retour pour cause d’âge méprisé.

Je range le livre, puis mes affaires. L'endroit va fermer. Il est temps d’aller voir « India Song » ; et de casser les castes, dés que possible, après.

      

(1) inclusif 

(2) page 56 de l’édition National Geographic collection « France Vagabonde », « Traversée du Nord » de Marie Desplechin