La carte kirghize et deux (ou trois) autres messages personnels
10 juillet 2007
Lundi 9 juillet 2007, au soir en rentrant
J'ai deux remerciements spécifiques et un message à diffuser. N'ayant d'autre lieu qu'ici pour le faire compte tenu de la probable absence d'accès des uns, et du souhait que les deux autres soient le plus public possible, j'en fait un billet ici, mais attention 100 % réalité, 0 % fiction. Pardon si c'est pesant.
C'est à ma déception de n'en pas trouver en rentrant que j'ai compris combien j'avais attendu une lettre précise. Moi qui croyais dans toute ma resplendissante naïveté que la cure de ciné m'avait été profitable, je me rendais compte cruellement qu'il n'en était rien et qu'aucune page, vraiment aucune, n'avait été tournée.
J'ai songé à la comparaison hospitalière de Samantdi qui dans un de ses billets raisonnés et sensibles, évoque l'impuissance particulière qu'on éprouve pour quelqu'un qu'on connaît bien et qui se retrouve en prison. Mon cas est beaucoup plus intime et infiniment secondaire, mais l'analogie la plus proche est également médicale. Me voilà dans l'état d'un malade qui avait connu un léger mieux d'une atteinte potentiellement mortelle, s'est cru tiré d'affaire, et s'aperçoit qu'il rechute sachant que les soins qui le traitaient étaient les meilleurs possibles et qu'il ne reste pas grand-chose d'autre à tenter pour enrayer le mal.
Heureusement Samantdi a la bonne idée de passer dans les prochains jours à Paris, et Kozlika celle de tout organiser entre le wiki et la solution de repli météorologique d'un pique-nique qui devrait avoir lieu dimanche (le 15 juillet) midi dans le parc accueillant de Bercy.
Ma boîte aux lettres de la vieille poste concrète ou du moins son contenu que les hommes de la maison avait gentiment répandu en strates fragiles sur la table de la cuisine, ne contenait pas seulement une absence de missive dont j'aurais pu pleurer, mais également des factures incontournables et, de la part de la sécurité sociale une désagréable réclamation de trop-perçu, pour des frais relevant d'un an auparavant (1). Il est des moments démoralisés où le premier petit sale coup bas et ridicule du sort ou de qui veut bien l'incarner fait mal infiniment plus qu'il ne le devrait.
Heureusement, au milieu des présences indésirées et des absences cruelles s'était glissée une carte Kirghize envoyée par de fidèles amis, grands voyageurs devant l'éternel et l'immédiat. La carte est belle (2), très. Les mots chaleureux et qui évoquent bien le pays traversé, les timbres étranges (pour nous) et surprenants. Selon les circonstances de ma vie qui adviendront à leur retour, je penserais ou non à les en remercier, je le fais donc ici de façon préventive. Merci à vous qui de si loin avez pensé à nous, que nos existences limitent même si j'ai appris à compenser (3) du mieux qui m'était possible.
Sur le lit ma fille avait déposé un paquet, arrivé peu après mon départ, des livres à lire je m'y suis engagée, les premiers mois avec bonheur, depuis quelques temps non sans efforts ; certains titres me déçoivent et je peine sur leurs pages. Le nouvel arrivage rapidement parcouru m'a un peu effrayée.
Heureusement, une amie blogueuse m'avait offert un abonnement en cadeau à une revue que j'aimais bien , laquelle semble éprouver certaines difficultés de parution et vient de se rattraper de quelques temps de maigre par un numéro double somptueux. Il arrivait à point, grand soulagement ; là aussi, merci.
Dans l'appartement un bazar indescriptible : celui que j'avais laissé en partant (4) plus celui que les hommes de la maison livrés à eux-mêmes (5) ont ajouté.
Heureusement mon fils, l'inspirateur direct du personnage de Stéphanot, a pris l'initiative de demander à sa soeur comment faire fonctionner la machine à laver [le linge]. Je trouve donc à mon retour un garçon proprement vêtu et un panier de linge sale certes plein mais pas débordant.
Alors un grand, un immense merci à mon enfant déjà adolescent, qui avait aussi pris soin de vider les poubelles et que la vaisselle sale n'excède pas celle de son plus récent repas.
Pour un blues du dimanche soir survenu un lundi veille d'usine et de reprise d'après-congés, ç'eût pu être bien plus féroce. Je songe à Carmen Castillo et je ravale mon chagrin, non sans la honte inévitable de qui sans être épargnée n'est pas non plus promise aux plus durs destins. Il s'en faudrait de peu que tout aille plutôt bien mais ce peu dépend d'autres que je ne sais effacer de mon quotidien comme ils l'ont fait pour moi du leur. Ce peu me rend le sol instable et use mes forces à conserver un équilibre perpétuellement en danger. Si seulement ils se souvenaient, ne serait-ce qu'une heure de leur humanité, le temps de donner de brêves nouvelles, de concéder une explication, voire consentir un espoir ...
(1) bien évidemment comme ça correspond à la période pendant laquelle j'ai été non seulement mentalement mais aussi physiquement en danger, et vu mon peu de goût pour la paperasse même au normal de moi, je n'ai plus l'ombre d'un justificatif en mon immédiate possession.
(2) la photo que je viens de prendre à la va-comme-ça-peut de ma lampe à économie d'énergie, ne lui rend pas justice.
(3) Comme constatait mon amie Jeannine ce midi, quitter le festival de cinéma qui s'y tient, ce n'est pas seulement quitter La Rochelle, c'est quitter plein de pays simultanément. La semaine passée je fus au bord de l'Atlantique mais aussi en Arménie et en Iran, aux Indes en bonne compagnie (6), à Roma avec un orchestre extraordinaire, au Chili avec quelques survivants remarquables ... [liens à venir quand j'aurais chroniqué les films si j'y parviens].
(4) depuis que je mène une vie double, je ne sais pas partir en vacances autrement que précipitamment ; c'était d'ailleurs aussi le cas avant si j'y pense : en tant qu'ingénieure consciencieuse, je me retrouvais toujours avec des urgences impossibles à boucler avant congés, du coup j'y arrivais épuisée après des semaines de 55 à 60 heures et dans la plus absolue impréparation familiale.
(5) ma fille, pas bête, a pris soin de se carapater en même temps que moi en sollicitant une invitation opportune.
(6) Marguerite Duras
[photo : la carte kirghize (et au dos, les timbres sont tout beaux)]
PS pour les intimes et qu'ils puissent rigoler : et je n'ai toujours pas résolu le mystère de l'abonnement involontaire à Télérama (un comble pour quelqu'un qui ne regarde pas la télé, même si ce magazine va bien au délà des simples programmes) dont deux numéros tout frais cueillis m'attendaient à mon retour.